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jeudi 25 janvier 2018

Au Vietnam, la campagne anticorruption prend des accents politiques


25 janvier 2018

Au Vietnam, la campagne anticorruption prend des accents politiques

Deux hauts responsables déchus ont été condamnés à de lourdes peines de prison

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La virulente campagne anticorruption déclenchée depuis des mois par les dirigeants vietnamiens vient de faire tomber deux nouvelles têtes, et non des moindres : Dinh La Thang, ancien membre du politburo du Parti communiste vietnamien (PCV) et ex-président du conseil d'administration de la compagnie d'Etat pétrolière et gazière PetroVietnam, a été condamné, lundi 22  janvier, à 13 ans de prison ; Trinh Xuan Thanh, -ancien responsable d'une filiale de PetroVietnam, que les services secrets vietnamiens sont soupçonnés d'avoir kidnappé en Allemagne en  2017, a été condamné à la prison à vie.
M.  Trinh avait fui en Allemagne en  2016 pour échapper à la justice de son pays après avoir été démis de son poste de parlementaire. Son kidnapping dans un parc de la capitale allemande avait provoqué une sérieuse crise diplomatique entre Hanoï et Berlin. Les deux condamnés, jugés depuis deux semaines en compagnie d'une vingtaine d'autres officiels, étaient accusés de " mauvaise gestion " et de détournements de fonds, estimés à plus de 4  millions d'euros.
Le statut des deux principaux accusés fait penser que le verdict énoncé par le tribunal d'Hanoï dessine les contours d'un procès très politique – même si ce dernier s'est déroulé dans le cadre d'une campagne anticorruption contre ce fléau minant l'un des pays les plus corrompus de l'Asie du Sud-Est. Dinh La Thang, outre son appartenance au politburo, avait également été ministre des transports et chef du Parti pour Ho Chi Minh-Ville (ex-Saïgon), la capitale économique du pays : il avait ainsi été l'un des proches de l'ancien premier ministre Nguyen Tan Dung, un " libéral " pro-occidental, qui fut victime d'une " purge " à l'issue du dernier congrès du PCV en  2016.
Le président de la République, Tran Dai Quang, un ancien chef des services de sécurité, a demandé que les affaires concernant les " activités économiques et la corruption "soient jugées avec la plus grande sévérité. " Les verdicts ont principalement pour but de montrer au public que le gouvernement est sérieux dans son désir de s'attaquer à la corruption à grande échelle ", remarquait, en septembre  2017, le spécialiste du Vietnam Carl Thayer, après la condamnation à mort de Nguyen Xuan Son, un autre ex-dirigeant de PetroVietnam. Il doutait cependant de l'impact réel de ces condamnations, dans la mesure où la corruption " est la conséquence d'un système dépourvu de bonne gouvernance et d'une justice indépendante ".
" Secrets d'Etat " ébruitésPour le politologue Jonathan London, la campagne anticorruption est " un bon moyen de mettre en garde " les rivaux de l'actuelle direction du Parti communiste, souvent déchirée par des querelles de clans. Selon lui, elle fait écho à une campagne similaire lancée par le numéro un chinois, Xi Jinping, dont la volonté de " nettoyage " consiste, comme au Vietnam, à purger des " opposants réels ou potentiels "
"  Au vu de son statut élevé, la condamnation de Dinh La Thang est surprenante : d'anciens membres du politburo auparavant arrêtés pour des faits de corruption avaient par la suite été blanchis et aucun d'entre eux n'avait été traîné devant des tribunaux ", remarque Nate Fischler, du site Asia Times.
Le procès de M. Trinh, le " kidnappé de Berlin ", n'est pas terminé : mercredi 24  janvier, il devra répondre d'autres charges qui pèsent sur lui, dans le cadre d'une affaire où il est accusé d'avoir empoché une somme d'environ 600 000  euros. Il risque la peine de mort. Les autorités vietnamiennes ont toujours nié son enlèvement à Berlin dans un style rappelant des opérations en vigueur durant la guerre froide : Hanoï soutient que l'accusé est rentré en août  2017 de son propre chef au Vietnam, où il confessa ensuite ses " crimes " lors d'une " interview " télévisée…
Cette histoire pourrait prochainement connaître d'autres développements : le Vietnam vient de demander à Singapour l'extradition d'un ex-membre des services secrets vietnamiens, Phan Van Anh Vu, accusé d'avoir divulgué  des " secrets d'Etat " à l'étranger. Il a fui son pays en décembre  2017 avec sa famille. Certaines sources estiment qu'il pourrait effectivement détenir d'embarrassants secrets, notamment ceux concernant la façon dont Trinh Xuan Tanh a été " convaincu " de regagner son pays d'origine.
Bruno Philip
© Le Monde

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