Toujours pas remis de ses défaites à la présidentielle et aux législatives, le parti Les Républicains (LR) commence à se projeter vers la prochaine échéance électorale : les élections européennes de 2019. Un scrutin encore lointain mais qui crée déjà des nœuds au cerveau d'une formation politique toujours dans l'attente de son président, dont l'élection aura lieu les 10 et 17 décembre.
En annonçant une modification du mode de scrutin dans le cadre d'un futur projet de loi examiné au début de l'année 2018, l'exécutif a obligé la droite à remettre le nez dans la tambouille électorale et à faire face à ses tiraillements sur la question européenne. Après Emmanuel Macron, lundi 20 et mardi 21 novembre, Edouard Philippe a reçu les principaux chefs de parti le 29 novembre. Le premier ministre a confirmé le retour, pour cette élection, à des listes nationales – depuis 2004, les sièges à pourvoir étaient répartis entre huit circonscriptions, proportionnellement à leur population.
Au milieu du consensus général, les responsables de la droite ont dégainé une salve de communiqués rageurs. Bernard Accoyer, secrétaire général de LR, a dénoncé une
" manipulation électorale ". Brice Hortefeux, député européen, a tempêté contre
" une régression, une contradiction et une combinaison " en critiquant des listes
" déconnectées des réalités locales ".
Position d'équilibriste
" Il s'agit d'abord et avant tout de favoriser les candidats d'Emmanuel Macron avec la constitution d'une liste fourre-tout abritant des candidats La République en marche dépourvus d'attache territoriale, poursuit M. Accoyer.
Le choix fait par le gouvernement reviendra également à gonfler le poids national des extrêmes. "
Ce dernier argument laisse transparaître l'angoisse de la droite républicaine. En " nationalisant " la campagne, l'exécutif crée les conditions d'un affrontement entre pro et anti-européens. Une façon d'appuyer sur les divisions qui traversent les partis sur la question européenne en espérant enclencher une nouvelle phase de recomposition. Avec, comme principale cible, la droite. Parfaitement conscient de cette manœuvre, LR s'imagine déjà pris en étau entre la liste macroniste, résolument europhile, et un Front national (FN) qui surfe sur l'euroscepticisme à tous les scrutins européens.
" Pour Emmanuel Macron, c'est un moyen d'installer le match entre lui et les partis europhobes représentés par Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen avec le risque que nous soyons inaudibles dans un débat entre le fédéralisme et le souverainisme ", analyse Damien Abad, député LR de l'Ain qui a commencé à l'UDF et soutient aujourd'hui Laurent Wauquiez.
" Franchement, c'est un casse-tête stratégique. Déjà que les partis de gouvernement sont souvent en difficulté dans ces élections, là on sera en plus dans un entre-deux très dangereux ", poursuit un dirigeant de LR.
Sur quels thèmes appuyer et quelle tonalité employer pour exister ? Pour le moment, les dirigeants tâtonnent. Ils se retrouvent pour critiquer un président de la République
" eurobéat ", selon les termes du sarkozyste Philippe Juvin, député européen, ou pour souligner les beaux discours mais un manque de réalisations concrètes de la République, comme le fait Valérie Pécresse. LR serait
" euroréaliste " ou
" eurolucide ", un parti pro-européen qui critiquerait les failles.
Cette position d'équilibriste est compliquée à rendre lisible et difficile à tenir à cause de l'éternelle division de la droite sur ce sujet. La fracture est réapparue en pleine campagne pour la présidence de LR. En évoquant, le 10 novembre, la constitution pour les européennes d'
" une grande force de centre droit ", puis en citant les noms d'Emmanuel Macron, de Valérie Pécresse ou encore d'Edouard Philippe pour la mener, Alain Juppé a réactivé l'hypothèse d'une scission entre la droite modérée et la droite dure.
Jamais évoqué par le maire de Bordeaux, Laurent Wauquiez a compris l'avertissement. Honni par la droite européenne depuis son livre au vitriol
Europe, il faut tout changer(Ed. Odile Jacob), publié en 2014, le candidat va être mis au supplice s'il prend la tête du parti : tenter de récupérer les électeurs du FN sceptiques sur l'Union européenne sans aller trop loin pour ne pas voir décrocher la droite modérée. Dans
Le Figaro du 16 novembre, il a joué les funambules en se posant en réconciliateur de
" la famille issue de Monnet et la filiation de Séguin " tout en promettant un nouveau traité soumis à référendum.
" Ses dernières déclarations vont dans le bon sens. Mais quel Laurent Wauquiez croire ? Celui de 2014 ? Celui de 2017 ? ", s'interroge Maël de Calan, le candidat juppéiste à la présidence de LR. Il se souvient encore de tracts lors de la campagne de M. Wauquiez aux régionales en 2015. On pouvait y lire
" Immigration, ça suffit ! " et juste à côté
" Bruxelles, ça suffit ! ". En cas de défaite en décembre, l'élu du Finistère veut faire exister la sensibilité européenne au sein de LR tout en restant vigilant sur l'évolution de la ligne :
" Si l'on commence à dire que l'Europe est responsable de tout, qu'il faut un référendum, que l'on devient antilibéral et eurosceptique, ça sera sans nous. "
Sur ce sujet, comme sur beaucoup d'autres, la moindre décision s'apparentera à une équation compliquée. Surtout avec cette liste nationale beaucoup plus visible. Qui choisir pour la mener ? Comment panacher les profils des candidats ? Comment donner une impression de renouveau alors que les élections européennes de 2014 ont parfois servi de lot de consolation à des personnalités battues aux législatives de 2012 comme Michèle Alliot-Marie ou Nadine Morano ? Il reste moins de deux ans pour résoudre ce casse-tête.
Matthieu Goar
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire