30
Mai
2017
L’amateurisme de Trump sur Israël, par Paul R. Pillar
Source : Paul R. Pillar, Consortium News, 05-05-2017
En dépit de l’optimisme affiché du président Trump, les perspectives de paix entre Israël et les Palestiniens restent sombres, en partie parce que Trump ne montre aucun signe de retrait par rapport aux positions dures d’Israël, comme l’explique l’ancien analyste de la CIA Paul R. Pillar.
Le président Trump a exprimé le désir de résoudre, d’une façon ou d’une autre, le conflit israëlo-palestinien et cela a été applaudi, mais les raisons d’être sceptiques sur le sujet dépassent de beaucoup les raisons d’espérer. La principale raison d’être sceptique est le manque de preuves que Trump ait pris politiquement ses distances par rapport à la position incarnée par le gouvernement israélien de droite et ses plus ardents supporters américains, qui favorisent le contrôle perpétuel d’Israël sur les territoires occupés. Malgré d’occasionnels vœux pieux, on ne voit aucune place pour une autodétermination des Palestiniens ou un État palestinien.
En tant que candidat à la présidentielle, Trump a pris cette position après s’être entendu avec Sheldon Adelson et avoir adopté les points de discussion de l’AIPAC comme les siens. En tant que président, il a donc nommé comme ambassadeur en Israël son avocat des faillites, un soutien de la droite dure du projet de colonisation israélienne des territoires occupés.
Cette semaine, en apparaissant à la Maison-Blanche en compagnie du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, Trump a parlé en termes généraux du fait de travailler ensemble pour rechercher un accord afin de vivre en paix, et en termes plus spécifiques, de la défaite de l’EI et de la coopération de sécurité avec Israël ; mais il n’a rien dit sur l’autodétermination des Palestiniens, ni sur un État palestinien.
On pourrait se demander si cette question sera encore une de celles traitées avec amateurisme, une sur laquelle le Président finira par admettre que, bon sang, la tâche était plus difficile qu’il ne le pensait. En plus d’avoir envoyé comme ambassadeur son avocat d’affaires spécialisé en faillites, Trump a transmis le portefeuille de la politique israélo-palestinienne à son beau-fils et à son avocat en immobilier.
Bien sûr, étant données les nombreuses années de maigres résultats lorsque le sujet qu’il était entre les mains de professionnels soi-disant expérimentés, il n’est pas choquant d’envisager ce que des amateurs avec un œil neuf pourraient accomplir. L’avocat immobilier Jason Greenblatt a reçu des signaux favorables à la fois des parties israéliennes et palestiniennes durant ses consultations dans la région.
La courbe d’apprentissage
Mais avec un président et une administration démarrant quasiment de zéro leur apprentissage, les efforts de Trump pourraient déjà être caducs. La situation a changé, et de façon défavorable, durant toutes ces années de processus de paix infructueux. Une partie importante de l’opinion, incluant les avis de nombreux observateurs bien informés, tient pour acquis que la solution à deux Etats pourrait déjà être hors de portée.
D’autres observateurs ont une opinion différente. Il s’agit, bien sûr, des actions unilatérales prises sur le terrain, à savoir la colonisation israélienne par le biais de la construction de colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est — encore une chose que Trump n’a pas mentionnée lors de son apparition avec Abbas cette semaine — qui pourrait avoir mis la solution à deux États hors de portée.
La rencontre avec Abbas a, pour des raisons similaires, un caractère périmé. Bien sûr, le président des États-Unis doit dialoguer avec Abbas dans le cadre de toute tentative sérieuse de progresser dans la résolution du conflit. Mais Abbas a depuis longtemps dépassé sa « date de péremption ». Les événements ont fragilisé son leadership sur les Palestiniens, tout comme ils ont court-circuité tous ces artisans bien intentionnés de la paix, dont la compréhension du problème repose sur des paradigmes datant d’il y a deux décennies.
Abbas est resté en poste de nombreuses années au-delà du terme supposé de son mandat, et dans cette optique, le fait qu’il s’y accroche sans la justification d’une réélection est une offense, pour les Palestiniens, à l’idée des règles démocratiques. Il a perdu beaucoup de soutiens dans la population palestinienne, un reflet de son échec à faire le moindre progrès pour débarrasser son peuple du joug de l’occupation israélienne.
Dire cela n’est pas calomnier le personnage, les objectifs ou la bonne volonté de Abbas. Plutôt, il s’agit d’une conséquence de la situation gênante de cette étrange entité connue sous le nom d’Autorité palestinienne, qui était supposée être seulement une organisation temporaire de transition lorsqu’elle fut établie au début des années 90, dans le cadre des accord d’Oslo. La transition vers une souveraineté palestinienne n’a jamais eu lieu, et par conséquent de nombreux Palestiniens en sont venus, à raison, à considérer l’Autorité palestinienne comme étant principalement un administrateur auxiliaire de l’occupation israélienne.
Vers un meilleur avenir ?
Si le peuple palestinien devait avoir un meilleur avenir, on pourrait l’atteindre en prenant une autre direction. Nous pourrions en voir un signe dans l’actuelle grève de la faim parmi les Palestiniens emprisonnés par Israël. Cette contestation est menée par Marwan Barghouti, que beaucoup considèrent comme un leader plus crédible et charismatique que Abbas ou que n’importe qui d’autre de l’Autorité palestinienne.
Barghouti a été décrit comme le Mandela palestinien ; mais parce qu’il semble ne pas y avoir un de Klerk israélien au sein du pouvoir, la stature de Barghouti comme leader le plus crédible d’un futur Etat palestinien est la raison majeure pour laquelle les Israéliens opposés à la création d’un tel état tiennent à le maintenir emprisonné sous haute surveillance.
La grève de la faim porte sur les conditions en prison, mais elle donne un exemple de contestation pacifique et non-violente contre les conditions humiliantes que le contrôle israélien impose aux Palestiniens. Cela ouvre la possibilité d’une alternative majeure à la solution à deux États : une lutte pour des droits égaux pour tous dans un seul État, comprenant tous les territoires de la Méditerranée au Jourdain.
La déclaration du Hamas
Sur le sujet d’un leadership alternatif pour l’Autorité palestinienne, il faut aussi mentionner le Hamas, qui essaie d’administrer les affaires dans la bande de Gaza tout comme le P.A. essaye de le faire dans des régions de la Rive Ouest. Israël refuse toutes négociations avec le Hamas (excepté pour les négociations sur les échanges de prisonniers), et en même temps il appose l’étiquette « terroriste » sur le Hamas et se plaint de son manque de reconnaissance d’Israël.
Maintenir le statut misérable de Gaza en tant que prison à ciel ouvert, comprenant une importante population palestinienne et en même temps restant séparée du reste de la Palestine, voilà qui aide le gouvernement israélien à surmonter son problème : comment s’accrocher à tout le reste du territoire qu’il veut garder entre la Méditerranée et le Jourdain sans faire face, même pas un instant, à la perspective d’avoir une minorité juive dans un État majoritairement arabe.
La parution récente d’un document du Hamas amendant quelques-unes de ses positions formelles ne nous dit pas grand-chose de nouveau, car les dirigeants du groupe avaient déjà indiqué clairement qu’ils voulaient un pouvoir politique dans un État palestinien sur le territoire d’Israël saisi en 1967, et qu’ils seraient tout à fait désireux de cohabiter, et d’avoir une houdna (trêve) indéfiniment ou la paix avec Israël.
Si les chartes fondatrices et le manque de reconnaissance explicite importent vraiment, alors les positions du Hamas ne devraient pas poser plus de problèmes que le programme électoral du Likoud, le parti dominant de la coalition qui gouverne Israël, lequel rejette explicitement le concept même d’un État palestinien, déclare fermement son intention de s’accrocher au « Eretz Israel » et rejette l’O.L.P. — parti palestinien négociant à Oslo — comme une « organisation d’assassins ». Et si on prend au mot l’approche « terroriste un jour, terroriste toujours », alors on n’aurait jamais dû faire affaire avec les anciens terroristes Menachem Begin et Yitzhak Shamir, même après qu’ils soient devenus Premiers ministres d’Israël.
Une transition paisible ?
Sur cette question de savoir si une solution à deux États est encore faisable, peut-être ne devrions nous pas penser à un-État et deux-États comme à deux options complètement séparées. Agir sur la première option pourrait aider à sauver la seconde, et voici pourquoi. Si la grève de la faim des prisonniers devait vraiment s’étendre plus largement et en se poursuivant, militer pacifiquement en faveur des droits politiques et civils pour tous les Arabes palestiniens sous contrôle d’Israël, voilà qui serait un développement profondément inconfortable pour les membres de la droite israélienne, et pas seulement parce que la plupart d’entre eux ne veulent pas vivre dans un État complètement mixte (avec ou sans Gaza).
La campagne elle-même les déséquilibrerait. On ne pourrait pas rejeter comme étant du terrorisme ces manifestations pacifiques. Toutes les intentions de déstabilisation et de menace qu’on prête à un État palestinien ne seraient pas des arguments pertinents, puisqu’il n’y aurait pas le but manifeste d’établir un État palestinien séparé.
Le rôle approprié pour Abbas et pour l’Autorité palestinienne serait d’annoncer la dissolution de l’Autorité palestinienne, de remettre les clés de la zone A de la Cisjordanie à Israël et de dire ce qui est évident : que rien ne peut être réalisé par l’Autorité palestinienne, qui continue à être le serviteur de l’occupation. Israël serait confronté, devant ses citoyens et devant la communauté internationale, plus directement que jamais à la question de savoir si elle veut la démocratie ou l’apartheid.
Cette perspective pourrait être suffisamment troublante pour que même la droite israélienne avide de territoires ajuste son ambition sur les territoires et commence à envisager sérieusement une négociation à deux-États — avant que le projet de colonisation israélien n’en arrive au point que tous les observateurs objectifs soient d’accord pour dire que la solution à deux-États est impossible.
Au moins, c’est un scénario optimiste. Un scénario plus pessimiste, même avec la poursuite d’une campagne pacifique pour les droits politiques et civiques, est que les dirigeants israéliens retombent dans leur instinct de « vivre par le glaive » et trouvent le moyen d’utiliser leurs instruments de violence pour bouleverser le déroulement de l’aide internationale. Parce personne ne peut être indéfiniment stoïque, il y aurait une réponse aussi violente de l’autre côté, et on retournerait au même cycle mortel que celui qui a duré des années.
Le scénario pessimiste est probablement le plus vraisemblable, aussi longtemps que le pouvoir en Israël reste aux mains de ceux qui l’ont maintenant, et aussi longtemps que la politique des États-Unis continuera de fournir une couverture au comportement d’Israël, ce qui évite les questions difficiles sur la démocratie et l’apartheid. Il est nécessaire d’affronter cet aspect de la politique des États-Unis, pas seulement de s’en remettre à l’opinion surestimée sur leur capacité à négocier, si les nouveaux apprentis pacificateurs veulent avoir la moindre chance de succès.
Paul R. Pillar, au cours de ses 28 ans au sein de la C.I.A, est apparu comme étant un des meilleurs analystes de l’agence.
Source : Consortium News, 05-05-2017
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
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La moitié de l’establishment politico-médiatique US est juif. D’autre part, la puissance de l’empire repose sur le pétrodollar. La politique américaine au Moyen-Orient ne peut donc être que pro-israélienne et pro-saoudienne, CQFD.