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dimanche 17 juillet 2016

Le dernier post de Jean-Luc Mélenchon : En bouclant ma valise

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                               Jean-Luc Mélenchon

  

En bouclant ma valise

En bouclant ma valise

Crédits photo : Joshua Veitch-Michaelis (CC)
On aurait voulu que ce soit juste l’été et ses soirées dans la nuit douce. Juste un 14 juillet avec ses bals des pompiers et ses feux d’artifices, et aussi le bruit des choses simples. Et voilà le retour d’un de ces absurdes assassins, les cris et la mort. Maudit soit-il ! Alors on rentre en soi et laisse passer la vague d’émotion comme on a appris à le faire depuis qu’on a vécu toutes ces autres abominations.

On lève les yeux sur le magasin des mots et on se demande lesquels choisir pour les offrir en pansement. Aider ceux qui autour de nous serrent les dents tandis que leur empathie leur fait vivre cent fois la trajectoire de ce camion comme s’ils le voyaient et que leur proche se soit trouvé dans sa trajectoire. Et quels mots encore pour ces pauvres gens qui à cette heure pleurent leur mort, pour ces blessés douloureux et sidérés.
Vivons profondément ce partage de la souffrance. Car avec lui nous vérifions que nous sommes restés humains dans ce monde qui l’est souvent si peu. Et nous entretenons ce qui manquait au misérable lâche dans ce camion. Le sentiment que les autres sont nos semblables et que rien ne peut leur arriver sans que nous soyons concernés.

Je publie mon dernier post de la saison. Mes vacances arrivent. La dernière ligne droite aura été spécialement dense, et j’avais tant de choses à analyser ici ! Je me contente de quelques chapitres de plus. L’un présente la campagne d’été de « La France insoumise ». Les autres parlent de quelques développements récents dans la présidentielle. Et ensuite je traite à travers le cas Barroso de la situation du système bancaire en Europe qui nous couve une méga crise.
Dans les prochains jours je publierai ici un document d’un genre particulier. Nous l’appelons l’interview des interviews. Ce sera le recueil thème par thème du meilleur de ce qui m’aura été demandé et du meilleur de ce que j’aurai répondu dans les divers grands entretiens que j’ai donné à la presse écrite. Pour certains d’entre vous cette lecture pourra fonctionner comme un récapitulatif sur les arguments que j’ai développé en réponse à des questions que beaucoup se posent encore sur la campagne, la démarche « France insoumise », le programme en préparation et ma façon de penser le futur. A tous de bonnes vacances !

macron aboie caravane passe
Crédits photo : Gouvernement français (à g.)
Je veux présenter ici le sens de la caravane d’été de la « France insoumise » qui a été lancée le 12 juillet dans le quartier populaire de Belleville. Ce jour-là, Emmanuel Macron tenait meeting comme on le sait puisqu’il n’y a eu aucun moyen de ne pas le savoir tant la presse a été abondante et complaisante. Lui parlait à ceux qu’il invite à rêver de devenir milliardaires. Notre caravane ira, elle, dans les quartiers populaires à la rencontre de ceux qui ne partent pas en vacances. Un bon symbole de ce qui nous sépare et rend impossible cette « gauche de Macron à Mélenchon » dont rêvaient les amis de Cohn-Bendit et de ses primaires « de toute la gauche » ! Ce sera une caravane pour l’égalité et l’accès aux droits.
Elle se donne deux objectifs. D’abord une action pour sensibiliser les gens qui peuvent accéder à des droits sociaux et qui ne le font pas parce qu’ils ignorent leurs droits. En même temps nous ferons campagne pour le droit de voter en incitant à s’inscrire directement sur les listes électorales. Le slogan de la campagne : « Je vote, ils dégagent ! ». Tous ceux qui veulent aider peuvent se faire connaître. Notre caravane va sillonner la France sur deux parcours simultanés.  Et les deux parcours se rejoindront à Toulouse le dimanche 28 août pour le pique-nique de la France insoumise où je prendrai la parole. Vous pouvez déjà vous inscrire pour cet événement en cliquant ici.
Je viens maintenant au fond des raisons d’être de notre caravane. Que diriez-vous si les électeurs de Paris, Lyon et Marseille réunis ne votaient pas à la présidentielle ? C’est exactement ce qui va se passer. Façon de parler. Trois millions de citoyens français ne sont pas inscrits sur les listes électorales. C’est bel et bien l’équivalent du corps électoral de Paris, Lyon et Marseille cumulé ! Bien sûr, les non-inscrits n’habitent généralement pas dans les beaux quartiers de ces villes. Ils habitent notamment dans les villes de banlieue des grandes agglomérations mais aussi un peu partout dans le pays, ses petites villes, ses territoires ruraux. Il faut y ajouter environ 6 millions d’électeurs « mal-inscrits ». C’est-à-dire inscrits dans une commune où ils n’habitent plus. Sans compter ceux ayant perdu leur carte d’électeur au gré des déménagements ou des difficultés de la vie.
Leur point commun est d’abord social. Les moins inscrits et les plus mal-inscrits sur les listes électorales sont le plus souvent des personnes pauvres, les moins diplômées, les jeunes ou les Français ayant acquis récemment la nationalité. Dans ces conditions, c’est comme si on avait créé deux catégories de citoyens et donc deux peuples dans un même pays. Il va de soi que l’oligarchie se satisfait totalement de cette situation. Elle parvient à expulser une partie du peuple de la vie démocratique du pays comme l’aristocratie le faisait hier avec le suffrage censitaire ! Cette propension à se réjouir de l’expulsion de la citoyenneté des catégories populaires se vérifie facilement dans le monde entier. On ne compte plus les pays ou les régions où les peines de suspension des droits civiques sont quasi systématique en accompagnement des peines habituelles. Et ceci très souvent pour des délits mineurs du type de ceux qui se constatent dans les populations déshéritées.
La campagne d’inscription sur les listes électorales prend alors une signification politique qui ne peut se limiter à l’habituel appel à l’esprit civique de chacun. Pour nous il s’agit d’une action politique dont la finalité est dans l’esprit de la marche vers la révolution citoyenne. La multitude devient le peuple quand elle entre en citoyenneté. C’est pourquoi nous faisons une campagne où la participation au vote est liée à son objectif. « Je vote, ils dégagent ! ». C’est notre slogan pour cette campagne d’inscription sur les listes électorales.
À partir de là, la campagne fait sens aussi pour s’adresser évidemment à ceux qui s’abstiennent ou sont tentés de le faire par dégoût. On comprend pourquoi. Ils se disent : à quoi sert-il de voter quand le président vainqueur poursuit la politique du président sortant battu ? Pourquoi élire des députés si ceux-ci acceptent de se faire humilier par le Premier ministre à coups de 49.3 alors qu’ils pourraient le renverser ? J’ajoute qu’il est très facile à partir de cette accroche d’en venir au contenu politique de notre programme. Ma proposition d’assemblée constituante et de 6e République pour refonder les règles du jeu démocratique est une réponse à cette mise à distance du peuple par les institutions et la caste qui dirige le pays. C’est un argument très fort. Car, à part « la France insoumise », qui propose de changer radicalement les institutions et donner de nouveaux droits aux citoyens : droit de convoquer un référendum, droit de révoquer les élus menteurs ou voleurs… ?
Car derrière la colère provoquée, il y a aussi une abstention voulue par les puissants. Ils aimeraient bien par exemple que les centaines de milliers de salariés qui se sont mobilisés contre la loi El Khomri restent à la maison, écœurés, au lieu d’aller voter ! Notre tract argumente : « Pierre Gattaz, le président du MEDEF, ira voter pour obtenir de nouveaux cadeaux pour les actionnaires contre les salariés. Et vous ? Vous n’êtes pas inscrit sur les listes électorales ? Mais Cahuzac, lui, est inscrit et ira voter pour ses amis du PS. Vous êtes mal inscrit car vous avez déménagé ? Liliane Bettencourt, elle, a envoyé son majordome vérifier qu’elle pourrait voter pour défendre ses privilèges fiscaux ! Il y a plein de raisons de vouloir dégager la caste qui dirige ! Mais il n’y a qu’un moyen de le faire pacifiquement : voter. Et pour cela, il faut être inscrit sur les listes électorales avant le 31 décembre ».
Pour conclure sur cette partie du programme de notre caravane en campagne, je veux mentionner la fourberie du PS et de LR au sujet de l’inscription sur les listes électorales. Une proposition de loi est en cours d’examen au parlement sur le sujet. Elle prévoit qu’on puisse à l’avenir s’inscrire jusqu’à 30 jours seulement avant le scrutin. Aujourd’hui, les listes électorales sont bouclées le 31 décembre alors que les élections ont lieu entre mars et juin pour les législatives. Pouvoir s’inscrire jusqu’à une date plus proche du vote, c’est faciliter la vie de ceux qui suivent la politique de loin ou déménagent, et se décident à voter seulement une fois que la campagne est entrée dans sa phase la plus active. C’est trop beau pour être vrai ! Alors évidemment ce progrès est reporté ! La proposition de loi prévoit qu’il ne s’appliquera pas avant 2018 voire 2019… En tout cas, ni le PS ni LR ne veulent que cette règle ne soit revue avant les élections présidentielles et législatives de 2017. Pourquoi ? Parce qu’ils ont peur du réveil du peuple.
Le deuxième objectif de notre caravane est d’aider nos concitoyens à accéder aux droits sociaux dont ils peuvent bénéficier. Car dans ce registre il y a une drôle de réalité. Par exemple, savez-vous que 36% des personnes ayant droit au RSA ne le demandent pas ? Bien sûr, lutter contre ce « non-recours » aux droits sociaux est un travail de longue haleine. Nous ne prétendons pas tout régler avec une caravane d’été. Il y a déjà dans tout le pays des centaines d’associations et de structures qui font ce travail du mieux qu’elles peuvent. Nous voulons les y aider. Nous le faisons à notre façon c’est-à-dire en acceptant de dire que tout cela c’est un problème politique et qu’il existe une solution politique : le vote pour chasser les coupables de la situation. Dans notre caravane, nos concitoyens trouveront ainsi un volontaire et son ordinateur pour les aider à faire les simulations et savoir à quels droits ils peuvent prétendre. Nous pourrons donc les orienter vers les associations locales ou nationales qui les aideront à accomplir les démarches.
Nous allons faire de la désintoxication ! Tant de non recours ne s’expliquent pas seulement par le fait que les gens « ne savent pas ». Beaucoup ne demandent pas les prestations sociales auxquels ils ont droit par culpabilité ou par honte. Il faut dire que depuis des années, le matraquage contre « l’assistanat » a frappé fort. Ensemble, une certaine presse et la droite sarko-lepéniste, ont réussi à faire croire que bénéficier d’une aide sociale était un privilège indu, presque du vol. Déjà pour 2017, ils proposent d’imposer le travail forcé aux bénéficiaires du RSA. Et nous sommes abreuvés régulièrement de campagne contre la « fraude » aux prestations sociales. Elle coute en effet environ 4 milliards d’euros par an. C’est beaucoup ? Oui mais personne ne parle jamais de la fraude aux cotisations sociales par les patrons voyous et le travail au noir ! Elle coûte quatre fois plus : 16 milliards d’euros de fraude aux cotisations sociales ! Et la fraude et l’évasion fiscale des ultra-riches et des multinationales ? Elle est estimée dans notre pays à 60 à 80 milliards d’euros par an ! Les vrais assistés et les fraudeurs les plus chers ne sont pas là où on veut nous le faire croire ! Mais surtout, le milieu de fraudeurs à la cotisation sociale et fiscale n’a pas fait l’objet de la culpabilisation à laquelle celui des ayant droits a prestation sociale a été soumis.
Notre caravane mène donc une bataille idéologique en ayant une démarche instructive. Nous dirons avec force partout où nous passerons : « Non, bénéficier du RSA n’est pas être assisté et encore moins un voleur ! C’est être un citoyen libre et honnête bénéficiant des droits reconnus par la République ». Non la solidarité n’est pas l’assistanat ! Et ceux qui prétendent le contraire devraient essayer de vivre avec le RSA un mois pour voir ! Car le RSA, c’est seulement 524 euros par mois ! Moitié moins que le seuil de pauvreté qui est fixé dans notre pays à 1000 euros ! Faire valoir ses droits de citoyen est un acte digne. C’est pour cela que nous avons voulu combiner droits civiques et droits sociaux. Car pour nous, cela relève de la même logique. Un citoyen a le droit de voter et doit pouvoir l’utiliser en étant correctement inscrit sur les listes électorales. Un citoyen a aussi des droits sociaux reconnus par la Constitution et par la loi et il doit pouvoir en bénéficier. Les droits sociaux et civiques sont comme la liberté. Ils ne s’usent que lorsqu’on ne s’en sert pas.
Entre le 12 et le 31 juillet, notre caravane fera donc 8 étapes en Île-de-France. La carte détaillée est disponible ici. Puis à partir du 2 août, deux caravanes sillonneront le pays du Nord au Sud, l’une par l’Est du pays, l’autre par l’Ouest. Le parcours Est partira de Thionville (Moselle) avant de descendre vers Saint-Etienne, Vénissieux, les quartiers nord de Marseille, Montpellier… Le parcours Ouest partira de Douai (Nord) dans le Bassin minier puis Roubaix, Le Havre, Nantes, Rennes, Bordeaux etc. Au total, ces deux parcours feront étapes dans 32 quartiers d’une quinzaine de grandes agglomérations.
Partout ailleurs, les groupes d’appuis peuvent aussi participer à cette campagne d’inscription sur les listes électorales. Des tracts, des affiches, des autocollants et un kit militant gratuit sont disponibles sur le site pour mener cette campagne qui va se poursuivre jusqu’au 31 décembre. Un mode d’emploi et les informations sur les modalités d’inscriptions sont aussi disponibles en ligne. Cette campagne a été préparée et est animée nationalement par Mathilde Panot, la coordinatrice des groupes d’appuis. C’est une militante de terrain, forte d’une riche expérience associative dans les quartiers populaires. Elle dirige l’ensemble de la mobilisation des groupes d’appui dans la campagne présidentielle. Mais, comme moi, sans l’aide de tous, que peut-elle ?

barroso
Crédits photo : PPE
Comme tout le monde j’ai eu un haut le cœur en apprenant que monsieur Barroso embauchait à Goldman Sachs. Rarement le système oligarchique européen se sera donné à voir avec autant d’impudence. On le reconnaît jusque dans les milieux les plus raisonnables. Le PS et ses ministres en font même une crise de gauchite aigue avec cris et fièvre. Notons que nul de ceux-là n’avaient mot à dire quand l’Europe a embauché l’actuel Président de la banque centrale européenne, monsieur Mario Draghi, qui était pourtant le représentant pour l’Europe de cette banque à l’époque où celle-ci conseillait le gouvernement grec pour maquiller ses comptes. J’ai lu que des naïfs espéraient que monsieur Barroso respecterait l’obligation de secret qui est la sienne après son passage à la présidence de la Commission européenne, parait-il. Naïveté ?  Pure stupidité ? Ou cynisme total ? Monsieur Barroso a été embauché pour l’unique raison qu’il est l’ancien président de la Commission et en cela apte à conseiller la banque sur la base de sa connaissance du domaine, les secrets étant bien évidemment inclus.
En fait je crois que l’homme ne doit pas vraiment intéresser cette banque qui a les moyens de se payer les spécialistes dont elle a besoin. Ce qui doit les intéresser, c’est l’affichage de puissance que cela donne de pouvoir avoir dans son personnel l’ancien président de la Commission. Surtout quand plus d’un établissement bancaire se demande comment gérer le Brexit de la City. La Goldman Sachs a besoin de rouler les mécaniques. Les banques en Europe ne sont pas si vaillantes qu’il y parait. Les signes faisant craindre un crash bancaire européen se multiplient. Et ce n’est pas d’aujourd’hui. Leur capitalisation a baissé comme l’eau dans un évier. La Deutsche Bank estime que les banques européennes ont un besoin urgent de liquidités : 150 milliards d’euros pour boucher le trou. La Deutsche Bank en appelle même à l’Union européenne, alors que cette dernière se refuse par principe à toute intervention et renflouement. Pour une banque allemande c’est un comble.
Le comique de la situation, c’est que la crise bancaire résulte de l’étranglement de l’économie réelle dont les banques sont responsables à la fois du fait de leur crise de 2008, et des politiques d’austérité qu’elles réclament et qui contractent la demande. Dans ce registre, je note que les cris de la Deutsche Bank confirment ma thèse sur le caractère trompeur de la stabilité du prétendu modèle allemand. J’avais écrit dans mon livre « Le Hareng de Bismarck » que les banques allemandes en particulier étaient parmi les plus fragiles. L’actualité le confirme. Le cours de Deutsche Bank s’est effondré de 48% en un an. Bravo le modèle allemand ! On aurait tort d’en rire, même si les donneurs de leçon le méritent. Car la Deutsche Bank est la troisième banque européenne du point de vue de ses actifs. Elle est spécialement mal gérée. Au point que le FMI l’a identifiée comme une « menace majeure pour le système financier mondial ».
En lisant sur ce sujet j’ai trouvé au hasard d’un article un pronostic très pessimiste d’un banquier qui nous intéresse. Il s’agit de monsieur Lorenzo Bini Smaghi, et ancien administrateur de la Banque Centrale Européenne. Pour lui, le secteur bancaire européen « est gravement malade et doit s’attaquer à ses problèmes très rapidement, sinon on court à la catastrophe. Je ne suis pas un prophète de malheur, je suis juste réaliste», a prévenu le monsieur. Si ce réalisme m’a frappé, c’est que l’homme qui parle est aujourd’hui un cadre d’état-major de la Société Générale. Bonne occasion de revenir sur notre contribution aux malheurs de cette entreprise. Vous avez été plus de cent mille à signer la pétition dont j’ai pris l’initiative pour faire rendre gorge a cette banque qui doit 2 milliards aux contribuables français à la suite de l’affaire Kerviel. Je m’amuse quand je vois les journalistes qui sautent sur le moindre ragot contre moi se taire avec zèle sur ce genre d’initiative. Il est vrai que… enfin bon !
Je reviens donc sur cette affaire. En 2008, la Société Générale a bénéficié d’une « ristourne fiscale » de 2,2 milliards d’euros, accordée par Christine Lagarde, ministre de Nicolas Sarkozy. Pourquoi ? Parce que la banque avait annoncé avoir perdu 4,9 milliards d’euros sur les marchés financiers « à cause » de son trader Jérôme Kerviel. La loi prévoit en effet ce type d’indemnisation pour les entreprises financières en cas de perte exceptionnelle, à condition que les contrôles internes n’aient pas failli. Or, les contrôles ont failli. Ce n’est pas moi qui le dis mais la Commission bancaire qui a condamné la Société Générale pour ses contrôles internes défaillants et ses manquements aux règlements de la profession à une amende de 4 millions d’euros. J’ajoute de surcroît que la banque n’a jamais prouvé le montant de sa perte et que celle-ci n’a jamais été évaluée par un expert indépendant. J’ajoute encore qu’elle n’a pas non plus prouvé la culpabilité de Jérôme Kerviel ; le tribunal des Prud’homme a d’ailleurs affirmé le 7 juin dernier qu’il avait été licencié « sans cause réelle et sérieuse ». La cour de cassation a annulé en 2014 les dommages et intérêts demandés à Jérôme Kerviel au motif que la responsabilité de la banque n’avait pas été prise en compte. En juin dernier, le réquisitoire du procureur de la république à la cour d’appel de Versailles a établi que la banque n’avait aucun droit à réparation du fait de sa connaissance des activités dont elle s’est ensuite prétendue victime.
Depuis, un nouvel élément vient d’être révélé le 1er juillet dernier à l’issue d’une enquête menée parMédiapart, 20 Minutes et France Inter : un rapport daté de mai 2008 affirme que la remise fiscale faite à la Société Générale n’allait pas de soi et que le fisc aurait dû mener une enquête complémentaire. Pourtant, ce rapport a mystérieusement disparu. Pour cause : il a été broyé, comme le révèle Médiapart. Quels intérêts ont pu mener à sa disparition alors qu’il apparaît aujourd’hui comme une pièce accablant la banque ?
Depuis juin 2013, j’alerte. Quoi que ma prise de position ait à l’époque soulevé une certaine incompréhension, j’affirmais que Jérôme Kerviel était innocent et que l’acharnement de la banque à le faire condamner reposait dans une large mesure sur l’acquisition de cette ristourne fiscale. J’écrivais : « Pourquoi ce dédommagement a–t-il été versé alors que le défaut de surveillance de la banque sur son employé est attesté par l’organisme professionnel bancaire qui en est chargé, ce qui interdisait tout dédommagement de la part de l’Etat ? ».
François Hollande lui-même, à l’époque premier secrétaire du PS, affirmait en 2010 : « On apprend que finalement la Société Générale va se faire rembourser. Comment admettre que lorsqu’une banque fait une erreur, ce soit le contribuable qui paye ? ». Il est aujourd’hui président de la République. Pourquoi ne demande-t-il pas au ministre des Finances, Michel Sapin, de lancer une enquête de l’administration fiscale ? Oui ou non, la Société Générale a-t-elle indûment touché 2,2 milliards d’euros de ristourne fiscale, c’est à dire d’argent public ? Oui ou non, ce sont nos impôts qui ont couvert les pertes de la banque et ses erreurs de gestion ? C’est ce qu’il faut savoir. Et, le cas échéant, récupérer notre argent.

presidentielle melenchon
Crédits photo : Pang-hung.liu (Wikimedia Commons CC)
La mise en place de la campagne présidentielle a connu ces temps-ci quelques évolutions majeures. Je jette un œil. Une évolution notoire du tableau des prochaines élections est celle qui résulte des dernières déclarations de Pierre Laurent concernant les élections législatives de 2017. J’ai déjà dit que j’avais été pris de cours par sa décision de désigner tous les candidats de son parti dès septembre prochain. Ce signal de fermeture est désormais digéré. Et surmonté. Mais j’ai été estomaqué de découvrir la stratégie qui accompagnera ces désignations. J’en ai pris connaissance par une dépêche de l’AFP  rendant compte de l’émission « Questions d’info » LCP-France Info-Le Monde-AFP.
Je lis : « Le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, a pointé mercredi le risque que « les forces de gauche », divisées, ne passent pas le second tour des élections législatives de juin 2017, plaidant pour des alliances au cas par cas dans les circonscriptions. » Cela veut dire que dans les 577 circonscriptions il y aura une possibilité d’alliance différente. L’illisibilité nationale est garantie. Et cet éclatement est théorisé. Le secrétaire national du PCF précise en effet : « Face au risque d’élimination, le sénateur de Paris ne veut pas de « tripatouillages au niveau national » mais la « construction des candidatures » au cas par cas. »  Curieuse expression que ce « tripatouillage au niveau national » pour désigner ce que l’on appelait jusque-là un accord national, comme nous l’avions fait en 2012 quand furent attribué 80% des candidatures au PCF. Naturellement, cela doit être compris comme une fin de non-recevoir à l’idée que la campagne présidentielle et législative serait une seule et même bataille sur un seul et même programme avec un seul logo. Et tout cela en vue d’une candidature unique de la gauche pour éviter d’être éliminé car : « Vous croyez qu’il y a deux candidats de gauche qui pourront figurer au deuxième tour dans les législatives ? Il n’y en aura qu’un seul, dans le meilleur des cas », a déploré l’élu communiste. »
L’offre du « cas par cas » est donc sans limite pour qu’il puisse y en avoir au moins un par circonscription au deuxième tour. En effet, comme il  « pense qu’il y a un risque général » pour le groupe communiste à l’Assemblée nationale, il précise que ce risque est vrai  « pour les forces de gauche dans cette élection ». De quelles forces s’agit-il ? On a compris. Et puisqu’il propose un candidat unique de la gauche aux législatives, Pierre Laurent revient aussi sur son idée d’un candidat unique de la gauche pour la présidentielle. L’AFP relève : « Je pense que, dans chaque circonscription, il faut construire, de la même manière que je le dis à l’échelle présidentielle, une candidature de gauche qui ait une chance de l’emporter », a-t-il dit.
On voit que la ligne « tout sauf Melenchon » de l’exécutif du PCF n’est pas une affaire d’égo comme le dit stupidement « Libération » mais bien une divergence de ligne extrêmement sérieuse. Celle qui a traversé les élections locales depuis 2012. Pour moi, il faut lutter à visage découvert pour conquérir notre autonomie et disputer au PS son hégémonie. Il s’agit là du droit d’exister pour notre projet et pas seulement de nos intérêts électoraux. La stratégie de « la France insoumise » est la construction populaire alternative que proposent non seulement les 120000 appuis à ma candidature mais aussi les participants de « l’espace politique » qui est intégré au mouvement  « La France insoumise ». Dans l’un et l’autre il y a déjà de nombreux communistes. Le problème à mes yeux ce n’est donc pas les communistes puisqu’ils sont déjà présents et actifs dans la campagne. Ce n’est pas non plus les candidatures de communistes aux législatives car il y en aura évidemment parmi ceux de la France Insoumise. Le problème est celui de la stratégie non seulement électorale mais surtout politique.
Du retrait de Nicolas Hulot et de celui de Noel Mamère, on a retenu qu’ils avaient obligé EELV à organiser une primaire. Outre qu’il n’y avait aucune obligation à cela, j’ajoute que ce n’est pas ce que j’ai retenu de plus frappant dans les raisons communes que chacun des deux hommes a donné de sa décision. Cela vaut la peine de s’y arrêter un instant.
Outre les raisons politiques particulières de chacun, les deux évoquent en commun leur crainte de la violence de cette campagne. Selon Le Canard Enchainé, un proche de Nicolas Hulot, le député Jean-Paul Besset, explique dans un mail : « il s’agit d’un choix d’ordre privé qui n’a rien à voir avec la politique. Un choix pour protéger sa femme et ses enfants ». Les protéger de quoi ? De la façon dont sont menées certaines campagnes politiques. Car je veux confirmer que la violence est là et qu’elle représente une vraie limite à l’engagement politique. Pas tant la violence dans les polémiques entre candidats puisqu’il n’y en a pas, mais alentour. Cet alentour, ce ne sont notamment les réseaux sociaux d’où partent et enflent des vagues agressives de toute nature. Elles trouvent parfois un prolongement sous la forme de rumeurs pénétrant les milieux les plus divers. Mais très souvent, il s’agit aussi de pure et simple action de diffamations ou d’insinuations diffamatrices. Elles peuvent être complétées de menaces de « tout dire à la presse » censées tenir en angoisse tout personnage public. J’ai eu à connaître de ce chantage par quelqu’un qui prétendait même m’obliger à lui verser de l’argent de soutien et menaçait de dénoncer mon cœur sec si je ne le faisais pas.
La puérilité n’est pas toujours aussi évidente. Car la volonté de nuire peut prendre bien des visages. J’en évoque deux autres qui m’ont concerné. L’un affirme que « selon France info » je possèderai une montre Rolex. France info dément, évidemment. L’intéressé, un écologiste, se rétracte dans un nouveau message arguant d’une plaisanterie. Il se dit désolé de voir que les réseaux d’extrême droite relaient cette « info » de tous côtés. Mais évidemment, il ne s’excuse pas auprès de moi. C’est un signe : il sait que son message initial continue de tourner et que lui-même vient de se soustraire aux poursuites par son message de soi-disant repentir. Alors commence le harcèlement : des messages de bonne foi ou non m’interrogeant ou me défiant, des commentaires tournant en boucle, sur les murs des amis et de la famille. Car la famille est une cible permanente. Autant d’explication à fournir aux uns et aux autres, autant de temps perdu, autant de fois l’adrénaline au bord des lèvres.
Même procédé venant cette fois ci d’extrême droite. « Selon Le Canard Enchaîné », je serais propriétaire de plusieurs voitures, maisons, appartement etc. Pure invention. Je ne possède pas tout cela et le « Canard Enchaîné » ne l’a jamais évoqué. Cette « information » tourne depuis trois ans sur les réseaux sociaux. Et depuis tout ce temps on continue à m’interroger « pour rassurer un ami que cela a beaucoup inquiété » ou apaiser le doute de tel ou tel.
Je prends ces deux exemples pour illustrer ce qui parfois peut aller beaucoup plus loin compte tenu du nombre de personnes perturbées qui gravitent dans les parages de la lumière des spots. En Allemagne, monsieur Schaüble est dans un fauteuil roulant parce qu’une femme qui l’avait annexé dans son érotomanie, lui a offert un bouquet de fleurs pour pouvoir s’en approcher et tirer un coup de revolver. La balle lui a sectionné la moelle épinière. On aurait donc tort de croire que certaines campagnes ou folie réputée bénigne soient inoffensives. Elles ne le sont pas. Ont tort ceux qui en sourient ou en amplifient l’impact en les rediffusant. Cette sorte de harcèlement est une souffrance pour ceux qui la subissent et ceux qui s’en rendent coupables peuvent aller très loin.
Je trouve que ces campagnes de diffamation ou d’incitation à la haine contre des personnes nommément ciblées ne sont pas réprimées comme elles le devraient. C’est pourquoi pour ma part je voudrais constituer une équipe de juristes volontaires autour de mon avocate pour riposter autant et aussi loin qu’il le faudra autant de fois que possible tout au long de la campagne qui vient. Mon avocate, Raquel Garrido, a déjà poursuivi et brillamment obtenu la condamnation de l’auteur d’extrême droite d’un visuel anonyme après la campagne de 2012 : il me représentait devant un camp de concentration en habit d’Hitler. Evidemment, monsieur Pujadas avait montré cette image au 20 heures !
En tous cas je suis bien décidé à faire rendre gorge en 2017 à qui usera de tels procédés. Et je forme le vœu que ni Noël Mamère ni Nicolas Hulot n’aient jeté l’éponge pour en avoir déjà trop souffert.

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