10
Jan
2016
La Californie peine à juguler une fuite monumentale de méthane
Source : Marie Simon, pour L’Express, le 17 décembre 2015 (mis à jour le 7 janvier 2016).
Les mercaptans sont des additifs qui permettent de détecter une fuite de méthane, gaz inodore, comme celle en cours en Californie du Sud. Problème: ils peuvent entraîner nausée, vertiges, maux de tête et de ventre, saignements de nez…
Le méthane fuit abondamment de la réserve souterraine d’Aliso Canyon, aux abords de Los Angeles, en Californie. L’état d’urgence a été déclaré par le gouverneur, onze semaines après la détection de cette fuite dont l’impact environnemental est déjà comparé à celui de la marée noire du Golfe du Mexique en 2010.
Depuis fin octobre, lentement mais sûrement, une chape de méthanese forme au-dessus de Los Angeles, puis se disperse dans le ciel de la Californie. Le méthane fuit abondamment de la réserve souterraine d’Aliso Canyon, à proximité du quartier Porter Ranch, au nord-est de la mégalopole. Alors que cette fuite monumentale n’est pas prête d’être jugulée, les conséquences se font sentir sur la population de Los Angeles, dont le procureur porte plainte contre la compagnie Southern California Gas (SoCalGas).
L’état d’urgence est déclaré
Ce mercredi 6 janvier, le gouverneur Jerry Brown a même décidé de déclarer l’état d’urgence autour de Los Angeles. Certains médias américains n’hésitent plus à comparer le phénomène à la marée noire du Golfe du Mexique en 2010, alors que les travaux pour le juguler devrait encore prendre des mois.
Chaque heure, de 36 000 à 58 000 kg de méthane s’échappentd’un puits par lequel transite ce gaz stocké à un peu plus de 2,5 km de profondeur sous les montagnes de Santa Susana. Le gaz fuit d’abord dans le sol avant d’atteindre la surface et de se dissiper, a confirmé un porte-parole du California Air Resources Board qui a effectué ces relevés édifiants, publiés fin novembre. Chaque mois, c’est le gaz qui aurait pu chauffer 3 millions de maisons qui est ainsi perdu.
Mi-décembre, on estimait que près de 2% du stock d’Aliso Canyon s’étaient déjà volatilisé. Il s’agit du plus grand site de stockage de gaz naturel de l’Ouest des Etats-Unis. Et d’un des plus importants du pays qui recycle quelque 300 anciens champs pétroliers asséchés “en y injectant du gaz naturel l’été pour le récupérer l’hiver, comme une gigantesque réserve pour assurer le chauffage” de Los Angeles, décrit Wired. Quand tout se passe bien. Ce n’est pas le cas depuis six semaines : un des 115 puits d’Aliso Canyon n’est plus étanche.
Une fuite invisible mais pas sans conséquence sanitaires
Mais ce “tsunami” reste invisible, note CNN, car le méthane est incolore… “Si nous utilisions la technologie pour rendre la fuite visible, nous pourrions distinguer un nuage géant au-dessus de Los Angeles. De quoi déclencher la frénésie médiatique, l’indignation publique et une action gouvernementale urgente”, estime Fred Krupp, président de l’Environmental Defense Fund (EDF). Une ONG l’a fait: Earthworks a utilisé une caméra thermique pour montrer la fuite dans une vidéo.
Le méthane ne serait toutefois pas directement en cause: lesmercaptans. Ces additifs permettent de détecter une fuite de méthane, gaz inodore, mais ils peuvent aussi provoquer les symptômes décrits par les habitants de ce quartier. L’inquiétude de la population est également liée à la présence de benzène, un agent cancérogène, détectée dans la fuite.
Le méthane, un gaz inflammable et à effet de serre
Autre crainte: le méthane, hautement inflammable, pourrait-il s’embraser? Par précaution, l’administration fédérale de l’aviation civile a instauré une “no-fly zone” début décembre, afin d’éviter que la moindre étincelle d’un moteur n’entraîne une catastrophe supplémentaire. L’interdiction de survol concerne les vols inférieurs à 600 m d’altitude, dans un rayon d’un kilomètre autour de la fuite, alors que le réservoir se situe à 50 km environ de l’aéroport international de Los Angeles. L’interdiction court jusqu’au 8 mars prochain.
Le méthane présente un inconvénient supplémentaire. Il fait partie des fameux gaz à effet de serre, club restreint dont le dioxyde de carbone est le membre le plus célèbre. Or, entre le CO2 et le CH4, il est difficile de dire lequel est le pire: certes, le méthane reste moins longtemps dans l’atmosphère (plus ou moins 12 ans)… mais sonpotentiel de réchauffement global (PRG) est environ 25 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone.
Fin novembre, les autorités californiennes estimaient déjà que la fuite avait ajouté 25% aux émissions classiques de méthane de l’Etat entier sur une période d’un mois. Elle devrait donc plomber le bilan environnemental de la Californie, l’un des cinq Etats américains les plus vertueux en termes de lutte contre le réchauffement climatique, selon l’organisation Climate Central. D’autant que cette fuite est loin d’être terminée.
Creuser un deuxième puits pour “soulager” la fuite
Depuis six semaines, SoCalGas et les autorités ne sont en effet pas restées les bras croisés, mais “ce n’est pas une fuite simple du tout à gérer” a justifié Steve Bohlen, chef de l’autorité régulatrice des ressources naturelles de l’Etat de Californie. “Les gens sont impatients, mais il n’est pas facile de faire quelque chose qui n’entraîne pas une catastrophe. La fuite est sérieuse maiscomplètement sous contrôle”, a-t-il ajouté.
La technique du “flaring” , ici utilisée au Mexique en 2013, serait inconcevable à Aliso Canyon.
Comment procéder? Il est inconcevable d’y mettre délibérément le feu. La technique du flaring est “utilisée pour brûler l’excès de gaz dans des zones reculées. Mais dans ce cas, la fuite est tellement importante et le flare serait tellement chaud que la situation serait encore plus difficile à contenir”, estime Wired. Le magazine rappelle qu’ “un puits a déjà pris feu à Aliso Canyon à cause d’étincelles causées par des grains de sable qui remontaient le long du conduit, en 1975″. Et ce, à quelques encablures seulement de Los Angeles.
La technique classique consistant à injecter de la boue pour “tuer” la fuite a été tentée. En vain. SoCalGas, qui nie toute lenteur dans sa réaction, a donc entrepris de creuser un deuxième puits pour “soulager” le premier. En parallèle, les autorités pressent la compagnie “d’explorer agressivement toutes les options” pour capturer le méthane. Car les travaux devraient encore prendre trois à quatre mois.
26 réponses à La Californie peine à juguler une fuite monumentale de méthane
Commentaires recommandés....
Effectivement, tout s’use, tout se dégrade, et dans un système basé sur le seul profit, les infrastructures par définition “non rentables” ne sont pas vraiment bien entretenues.
La conséquence, c’est que l’occurrence d’un accident majeur n’est qu’une question temps, y compris en France. Pour autant, même les accidents majeurs ne sont pas le déclencheur qui permettrait d’arrêter, je n’en veux pour preuve que ce qui s’est passé au Japon après Fukushima ou en Ukraine après Tchernobyl. La logique du système de profit, la croyance en l’infaillibilité du pouvoir de la science et de la technique, le manque de culture scientifique réelle de nos décideurs, l’ignorance d’un peuple manipulé par ceux qui n’ont pas intérêt à ce que l’on arrête les frais, tout cela fait que nous boirons le calice jusqu’à la lie. Alors l’on cherchera les coupables, mais en fait, nous auront tous été coupables dans ce processus catastrophique.
Il est plus “rentable” de mobiliser, plutôt d’apeurer, les populations dans une lutte sans fin contre une hydre terroriste insaisissable, cela permet de faire oublier que nous vivons en permanence sur les pentes d’un volcan technologique qui peut se réveiller à tout moment, et nous détruire.
Cela permet de ne pas avoir à remettre en question l’ordre en place,et le modèle de développement qui le permet.