Marine Le Pen lors de son meeting place Vauban ce dimanche 6 avril.
JULIEN DE ROSA / AFP
Marine Le Pen lors de son meeting place Vauban ce dimanche 6 avril.

POLITIQUE - Le décor des Invalides, les plans serrés sur les drapeaux tricolores, la musique épique… : la mise en scène du meeting organisé ce dimanche 6 avril par le Rassemblement national après la lourde condamnation de Marine Le Pen pour détournement de fonds publics, est d’une redoutable efficacité pour les chaînes d’information en continu. Une efficacité de forme qui aura toutefois du mal à camoufler la vacuité du fond et l’échec du parti d’extrême droite à avoir de fait de ce rendez-vous improvisé un événement d’ampleur.

« Vous êtes 10 000 », a félicité Jordan Bardella, alors que les nombreux journalistes sur place, dont le reporter du HuffPost, décrivent une place Vauban clairsemée réunissant le tiers – voire le quart – du chiffre claironné par le président du RN. La contreperformance est réelle. En 2017, entre 30 000 et 50 000 personnes étaient venues place du Trocadéro soutenir le candidat François Fillon en 2017 en plein « Pénélope Gate ».

En février 1998, Jean-Marie Le Pen avait réuni plus de 10 000 soutiens sous la pluie de Versailles pour contester (déjà) une possible peine d’inéligibilité. En dépit du soleil printanier qui frappe la capitale, le RN fait donc moins que le patriarche vingt-sept ans plus tard. Et les photos du contrechamp s’avèrent particulièrement cruelles pour une formation qui entend jouer « le peuple » contre la justice. D’autant que la gauche, dont une partie s’était donné rendez-vous place République, s’en amuse. « FN = Flop National », ironise le député insoumis Antoine Léaument sur le réseau social X.

Arguments éculés et « État profond »

Sur scène, Jordan Bardella, Éric Ciotti ou Louis Aliot n’ont pas réussi à donner un souffle nouveau à la défense du RN. Tous ont rabâché les éléments (trompeurs) martelés par Marine Le Pen et ses lieutenants tout au long de la semaine. Le tout avec une tonalité complotiste parfaitement assumée. « Ceux qu’ils ne peuvent plus vaincre dans les urnes, ils cherchent à les éliminer par d’autres moyens », s’est emporté le député des Alpes-Maritimes. « Je ne connais pas de démocratie saine où l’opposition est réduite au silence, persécutée judiciairement, frappée financièrement », a renchéri Jordan Bardella.

Avant qu’il ne prenne la parole, une vidéo compilant les messages de soutien des alliés européens du RN a été diffusée. On y voit l’eurodéputé du FPÖ Harald Vilimsky dénoncer « l’État profond » qui, « aidé par une justice de gauche », chercherait à « interdire à Marine Le Pen à se présenter aux futures élections ». Apparaît également le néerlandais Geert Wilders qui accuse les institutions françaises d’agir comme « république bananière ». Mais sur le fond, rien de nouveau sous le soleil d’avril. Les magistrats du tribunal correctionnel sont accusés d’avoir sciemment voulu enterrer le destin présidentiel de Marine Le Pen.

Défense de diversion

Elle-même a dénoncé « les forces du système, dont le seul projet est de se maintenir, quel qu’en soit le prix, quelles que soient les bassesses pour y parvenir ». Référence au « mur des cons », au Syndicat de la magistrature, lecture partielle des 152 pages du jugement… Marine Le Pen et ses soutiens du jour ont livré le parfait bingo d’une défense de diversion, très éloignée de la réalité du dossier. Une victimisation à laquelle, pour le moment, n’adhèrent pas les Français et qui a tourné, bien que l’état-major du parti d’extrême droite s’en défende, au procès de la justice.

« Ce n’est pas une décision de justice, c’est une décision politique » qui a « non seulement bafoué l’État de droit, mais aussi l’État de démocratie », a martelé Marine Le Pen, dans le sillage de sa défense prononcée dès lundi au 20 heures de TF1. Des mots et une tonalité qui rappellent le rassemblement organisé au Trocadéro pour François Fillon lors de la présidentielle de 2017, et auquel Éric Ciotti a explicitement fait référence ce dimanche.

La stratégie était parfaitement identique : nier les faits, dénoncer un complot ourdi par le pouvoir en place et fustiger une justice politisée agissant sur un dossier vide. Il a été condamné en première instance, puis en appel. Ce qu’a confirmé la Cour de cassation. Pour l’heure, Marine Le Pen, frappée d’inéligibilité, en est à l’appel. Sans changer le fond, ni la forme, de sa défense.

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