Les lecteurs du roman « l’Ecrivain national », de Serge Joncour, ou ceux de ce reportage sur ses pas en pleine tournée des librairies en 2016 le savent : la vie de celles et ceux qui ont la chance d’écrire et d’être publiés est pleine de surprises et de déceptions.
Ces deux textes nous sont revenus en mémoire cette semaine à la faveur de plusieurs événements. D’une part, la multiplication de mauvaises nouvelles concernant la santé de la double activité consistant à lire et écrire ; et de l’autre, une expérience personnelle arrivant à point nommé. Bien qu’accaparés par leur récente dévotion à la toute-puissante image et à l’oralité au détriment de l’écrit, les médias l’ont déploré, des trémolos dans la voix : la nouvelle étude du Centre national du Livre fait état d’un « décrochage extrêmement violent » des Français vis-à-vis de la lecture. En un mot, les jeunes comme les cinquantenaires oublient de lire à force de regarder leur écran de smartphone. Autre troublante actualité, le dernier baromètre établi par la Société civile des Auteurs multimédia (Scam) et la Société des Gens de Lettres (SDGL) établit que les relations entre les auteurs et leurs éditeurs se dégradent. Il y aurait d’ailleurs une étude à commander sur l’effet des études sur le moral de ceux qui les font et de ceux qui les lisent, mais c’est un autre sujet.
Hasard du calendrier, je me trouvais au même moment au cœur du dispositif faisant le lien entre les auteurs et les lecteurs, et ce, de manière la plus concrète possible. Plus précisément à la 28e édition de la Fête du livre d’Autun, en Bourgogne, le temps d’un beau week-end, d’où j’ai tiré ces quelques observations. Première leçon : la fiction dont on nous rebat les oreilles ne représente qu’une infime part de ce qui est écrit, recherché et acheté par les lecteurs ces derniers temps. A en croire les camarades invités et les allées et venues du public le long des tables des exposants, les livres pour enfants, la bande dessinée (Mathieu Sapin était présent), les documents, les romans de terroir (ces textes racontant la vie passée locale et publiés par de petites maisons d’édition méconnues), les fictions inspirées par des personnages connus du grand public, les ouvrages ayant trait au jardinage, à la gastronomie et j’en passe, attirent tout autant, si ce n’est plus, que le fameux roman.
Autre évidence, ce petit monde ne tient que grâce à l’abnégation de dizaines de bénévoles, d’associations et de libraires qui se démènent pour chouchouter les gratte-papier et faire venir à eux un public heureux d’oublier son smartphone le temps d’un week-end. Dernière observation, l’invité faisant parfois la gueule au regard de ce qu’ont « commis » ses condisciples ou du nombre de livres qu’il a vendus et dédicacés, a, à chaque fois, l’occasion de vérifier qu’il y a toujours quelque information précieuse à en tirer pour sa pomme ou pour un futur livre.
Ainsi, de la nuit passée dans un superbe ancien couvent aux longs couloirs propices à l’imagination, en passant par la découverte de l’incroyable fonds ancien de la bibliothèque nationale Bussy-Rabutin et de ses incunables, à l’infinie variété des profils que le mot « auteur » revêt, sans même parler de la révélation d’un sens caché du titre de son propre livre par son intervieweuse ce jour-là, chaque salon, festival ou fête du livre vaut son pesant d’or. Métal noble et précieux (d’autant plus, comme chacun le sait, quand les autres valeurs s’effondrent) dont aucune étude ne saurait exactement rendre compte.
Arnaud Sagnard
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