Quels souvenirs conserver dans ses placards… et lesquels jeter ? C’est la question que je me suis posée lors d’une discussion entre amis. L’un d’eux, qui allait déménager, abordait cet exercice fastidieux avec un étonnant détachement : il projetait de déplacer ses quelques meubles à l’aide d’un vélo-cargo ; quant au reste de ses affaires, elles pouvaient tenir dans un seul sac semblable à ceux, carrés comme une grosse boîte, qu’utilisent les livreurs à vélo, fanfaronnait-il.
A l’heure où la plupart d’entre nous croulent sous quantité d’appareils électroménagers et de babioles en tout genre, l’exploit n’est pas mince : on estime qu’environ 2,5 tonnes d’objets sont cumulées en moyenne dans chaque logement en France – soit le poids d’un hippopotame !
La discussion a dévié sur ces petites choses que chacun d’entre nous conserve au fin fond de ses placards malgré leur évidente inutilité. Un peu honteuse, une amie a confessé qu’elle gardait précieusement la plupart de ses cahiers d’école depuis le CP. Dissertations et autres cours universitaires synthétisés sur des fiches Bristol ont survécu à tous ses déménagements. Se replongeait-elle parfois dedans ? Absolument jamais. Mais impossible de s’en séparer.
J’ai, moi aussi, longtemps fait partie de cette catégorie d’être humains qui, tels des archivistes de leur propre vie, rechignent à se débarrasser de traces de leur jeunesse perdue. Dans mon cas, il s’agit surtout de vieux magazines : un numéro de « Cousteau junior », reçu en CE2, et des dizaines d’exemplaires de « Onze Mondial », dont un numéro d’avril 1998 où Robert Pirès pose en une avec le maillot du FC Metz. Le tout se trouve dans une malle aux dimensions disproportionnées par rapport à celles de mon appartement.
Mon regard sur ce que j’ai longtemps considéré comme un petit trésor est pourtant en train de changer. Plus je vieillis et plus ce goût de l’archive m’apparaît désuet, si ce n’est absurde. Est-ce parce que, les années passant, se replonger dans son enfance et son adolescence s’avère plus douloureux que réconfortant ? Ou, plus simplement, parce qu’avec un enfant le besoin de gagner de l’espace devient une obsession ?
Reste que je ne suis pas encore tout à fait « guéri ». Pire, un nouveau mal est en train de me gagner : des piles de livres s’amoncellent dans mon salon, et il est peu probable que je parvienne à en venir un jour à bout. Un collègue, lui aussi touché par cette « addiction », m’a appris qu’elle avait un nom venu du Japon : le « Tsundoku » (pour « syndrome de la pile à lire »). Comme si notre besoin d’accumuler était plus fort que tout…
Sébastien Billard
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