Et si Alzheimer, véritable fléau mondial, était mieux appréhendé et traité par les odeurs ? À partir des liens entre mémoire et odorat, des chercheurs niçois ont récemment mis au point un test de dépistage de la maladie. De quoi donner de l'espoir aux patients alors que des tests cliniques sont menés sur la rééducation mémorielle par l'olfaction.
La maladie d'Alzheimer touche aujourd'hui près de 35,6 millions de personnes dans le monde, selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Le nombre de cas devrait par ailleurs doubler d'ici à une vingtaine d'années. D'après une étude menée par la fondation Médéric Alzheimer, les coûts médicaux de la maladie d'Alzheimer en France s'élèvent à 5,3 milliards d'euros chaque année.
Cette maladie neuro dégénérative se traduit par une perte progressive de la mémoire, mais aussi de certaines fonctions cognitives. Au début de la maladie, la personne atteinte s'adapte, développe des stratégies pour compenser ces altérations, comme par exemple la mise en place d'un système de pense-bêtes. D'autres zones du cerveau peuvent également prendre le relais et être sollicitées. La personne présentant la maladie d'Alzheimer peut donc demeurer actrice de sa vie pendant un temps mais celui-ci varie selon les cas. Un diagnostic précoce de la maladie permettra de maintenir plus longtemps une bonne qualité de vie.
L'enjeu ici est donc double : mettre au point des tests permettant de déceler et de prédire le développement de cette maladie le plus tôt possible, mais aussi élaborer des traitements pouvant ralentir son développement. Des études scientifiques ont montré que nos émotions et l'olfaction (capacité à sentir les odeurs) étaient étroitement liées. Plus récemment, un lien entre olfaction et cognition (la perception par notre esprit) a également été mis en évidence. Dans le cas de la maladie d'Alzheimer, le cortex entorhinal, une des zones de notre cerveau jouant un rôle dans les mécanismes d'olfaction et de la mémoire, est atteint précocement. Examiner notre système olfactif pourrait donc donner des informations sur l'état de santé de notre système cognitif.
Une équipe de scientifiques de l'université Côte d'Azur, du CNRS et du CHU de Nice a notamment développé un test olfactif rapide, TODA2, permettant de déceler si un patient est atteint ou pourrait être atteint de la maladie d'Alzheimer. Ce test d'environ dix minutes consiste à reconnaître des odeurs suivant différentes concentrations. Les odorants ont été choisis en fonction de la culture du pays dans lequel il est proposé et de la pathologie d'étude. Pour la France, il s'agit par exemple du chocolat, de la rose et de la fraise. En fonction de la capacité du patient à reconnaître ces odeurs, les scientifiques en déduisent son degré d'atteinte olfactive. L'utilisation d'odorants à différentes concentrations permet d'écarter l'hypothèse que la non-reconnaissance serait due à un problème de concentration.
Un programme de rééducation olfactive est également à l'étude pour les patients présentant la maladie d'Alzheimer. Pendant la pandémie du Covid-19, une maladie pouvant être également source de l'altération de l'olfaction, un programme a vu le jour : Ma Madeleine. Il propose une rééducation olfactive pour les personnes connaissant des altérations de l'odorat persistant suite au Covid-19. Cette rééducation ne se base pas uniquement sur la stimulation de la perception olfactive, mais sur le travail des réseaux sémantiques, autrement dit de la mémoire du concept de l'objet associé à une odeur donnée. Ce type de rééducation serait applicable pour les patients au stade « léger » de la maladie d'Alzheimer. Pour des formes modérées à sévères de la maladie, une rééducation olfactive utilisant la réalité virtuelle est actuellement à l'étude au sein du laboratoire CoBTeK de l'université Côte d'Azur. Dans cette rééducation, le patient se trouve transporté au sein du Centre mémoire de ressources par le biais d'OREVAS, une application numérique accessible sur un téléphone portable ou une tablette. Cette dernière va permettre de travailler sur trois mécanismes atteints à ces stades de la maladie : la mémorisation, l'identification et le souvenir olfactif. Dans un premier temps, le patient est amené à sentir des odeurs présentes dans des fioles que l'équipe scientifique lui remet. Sa mission est ensuite de retrouver les objets associés à ces dernières sur l'application. Dans un second temps, il réalise un exercice de mémorisation dans lequel il doit associer des odeurs à des notes de musique, suivi d'une évocation libre sur un morceau musical. La musique aurait des effets positifs sur la mémoire selon des études en neurosciences.
Les recherches se poursuivent pour les scientifiques pour toujours mieux comprendre les liens entre olfaction et maladie d'Alzheimer. À ce jour, les tests olfactifs ne sont pas encore mis en place dans les hôpitaux en raison entre autres de la disponibilité de ces tests sur le marché. De plus, l'étude de l'olfaction se situe au croisement de nombreuses disciplines scientifiques, complexifiant l'interprétation des résultats olfactifs. La rééducation par l'olfaction fait l'objet de tests cliniques dont les résultats devraient paraître prochainement.
Emma Bellavia
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