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vendredi 18 octobre 2024

L'actualité littéraire Hebdo avec BIBLIOBS - Vendredi 18 octobre 2024

 



BibliObs

Vendredi 18 octobre 2024

Au moment où nous écrivons ces lignes, la Foire de Francfort bat son plein, et, n’y ayant jamais posé un pied, nous imaginons qu’agents, auteurs et maisons d’édition s’y disputent les récits qui feront les best-sellers de demain. On y a d’ailleurs annoncé la future parution des mémoires du pape François chez Albin Michel dont le titre, « Espère », nous rappelle soudain cette réplique prononcée par un des personnages de l’écrivain Harry Crews, prélat d’un autre genre : « Fais un vœu d’une main, chie dans l’autre et regarde laquelle se remplit la plus vite. »

Ces jours derniers, j’ai par ailleurs reçu par la poste un recueil de témoignages d’artistes de stand-up glanés les mois précédents via un podcast. Autrement dit, il ne s’agit pas des textes que jouent sur scène les humoristes en question, ni même leurs propres récits de cette pratique, mais de la retranscription par une tierce personne des confessions radiophoniques que ceux-ci lui ont adressées. Non seulement, on imprime un podcast, un comble au pays de l’oralité reine et des arbres à protéger, mais c’est en matière de blague, le retour de l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours.

Manie on ne peut plus fréquente qui n’est rendue possible que parce que depuis quelques années, le « retour d’expérience »(baptisé « rex » ou « retex » dans le domaine de l’accidentologie) a envahi toutes les strates de l’industrie culturelle. Prenez la dernière « Grande Librairie ». On y a vu cette semaine Mazarine Pingeot revenir sur ses tristes années d’enfant cachée au 11, quai Branly ; Thibault de Montaigu évoquer sa découverte d’un secret de famille ; Riad Sattouf et Edouard Louis raconter, l’un en dessin, l’autre en prose, la vie de leur frère respectif et Anne-Dauphine Julliand tenter de décrire l’indicible, la perte d’un enfant, malheur qui l’a frappée trois fois. Autant de retours d’expériences, proches ou lointains, déchirants ou factices, comme si le réel ne cessait de terrasser l’imagination dans la tête des écrivants.

Qu’on ne se méprenne pas, la littérature en est pleine depuis la nuit des temps et certains particulièrement saisissants. On pense à « Son odeur après la pluie » de Cédric Sapin-Defour, magnifique recension d’années passées auprès d’un chien, qui efface les piètres tentatives narcissiques de ses contemporains. C’est qu’il y a, comme le savent bien les experts de « retex », accident et incident, collision et collusion, carambolage et accrochage, et que tous ne méritent pas récit. Ainsi, on peut s’être cassé un ongle à l’adolescence et ne pas en faire un livre, avoir un cousin borderline sans pour autant lui dresser un tombeau de papier. A moins que cette myopie collective ne soit elle-même l’épidémie et l’accident sur lequel il faudrait écrire.

Arnaud Sagnard

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