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samedi 12 octobre 2024

La lettre de Patrick LE HYARIC - Samedi 12 octobre 2014

 

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La Lettre du 12 octobre 2024
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« Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l’avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière ; il en couvre la surface d’un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient se faire jour pour dépasser la foule ; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige ; il force rarement d’agir, mais il s’oppose sans cesse à ce qu’on agisse ; il ne détruit point, il empêche de naître ; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger.
J’ai toujours cru que cette sorte de servitude, réglée, douce et paisible, dont je viens de faire le tableau, pourrait se combiner mieux qu’on ne l’imagine avec quelques-unes des formes extérieures de la liberté, et qu’il ne lui serait pas impossible de s’établir à l’ombre même de la souveraineté du peuple. » 
 
Alexis de Tocqueville
De la démocratie en Amérique (1840)
 
 
Retailleau le contre révolutionnaire
 
Aucun démocrate, aucun authentique républicain ne peut banaliser ni relativiser les récents propos de membres du gouvernement mettant directement en cause le corpus du droit démocratique et républicain.

Souvenons-nous de ces réflexions de Tocqueville, dont la droite se réclame pourtant, qui, dans « De la démocratie en Amérique » relève la volonté du despote de fixer « les humains dans l’espace de l’enfance” et de faire de “chaque nation (...) un troupeau d’animaux timides et industrieux dont le gouvernement est le berger ». Nous sommes précisément à l’un de ces moments charnières où la tentation despotique fraye son chemin.

Il y a urgence à construire un barrage populaire pour empêcher pareil désastre qui s’avance par glissades réactionnaires, régulières et permanentes, jusqu’à faire système contre-révolutionnaire.

Nous venons de franchir un palier décisif dans cette pente funeste : « l’état de droit n’est pas intangible, ni sacré » a oser le ministre ultra-réactionnaire de l’intérieur M. Retailleau. Alors que les locataires des palais et les médias dominants s’amusent à jouer aux agences de notation, décrétant à leur bon vouloir qui est autorisé à intégrer le fameux « arc républicain », il est utile de s’arrêter un instant sur les pensées et objectifs du ministre.

Il ne répète pas seulement le programme de l’extrême droite comme le soulignent, sourire aux lèvres, les acolytes de Mme Le Pen. Il le valide, le nourrit et prépare la grande bascule politique et idéologique. M. Retailleau était en compétition avec le triste Ciotti lors de primaire pour la direction du parti « les Républicains ». Leur opposition n’est que de façade. Tous deux avec leur parti construisent le pont de la fusion et la fission des droites qui nous mènent aux égouts où se meurt la république. Ils n’en sont que le véhicule qui sert de co-voiturage sur un chemin aussi sombre, aussi réactionnaire, aussi hostile aux principes qui fondent la République. C’est désormais dans les ministères régaliens que l’antihumanisme prend ses aises et que l’universalisme républicain est bazardé. Le silence sur ces forfaitures doit donc être brisé.

Sacré ? L’état de droit n’est pas une sorte d’accord flou que l’on pourrait négocier au gré des circonstances et des gouvernements. Celui-ci n’en a encore moins la légitimité qu'un autre, puisque le parti de ce sinistre ministre n’a recueilli qu’à peine 7 % des voix aux dernières élections. De surcroît, l’utilisation du mot “sacré” dans la bouche de M. Retailleau prêterait à sourire si son propos n’était pas aussi grave, lui qui regrette sans doute que l’Église soit séparée de l’Etat depuis 1905 et que la Loi de séparation soit partie intégrante du corpus républicain de l’Etat de droit.

Pas intangible ? Il suffit que des pouvoirs exécutifs qui se succèdent depuis plusieurs quinquennats fassent croire qu’ils n’ont pour souci que la protection des citoyens afin de rogner toujours plus les libertés au prétexte que « le droit » entraverait cette protection.

Confrontée à la commission des lois de l'Assemblée nationale le 2 octobre, le ministre n’a pas pondéré ce propos contrairement à ce qu’affirment les embrouilleurs d’idées qui peuplent certains studios de télévision et de radio, puisqu’il a précisé : « j’ai simplement dit qu’il fallait déplacer le curseur dans l’état de droit comme nous l’avons fait au moment du terrorisme et du Covid ». On avait donc bien compris sa pensée profonde. Ce n’est pas une pondération. C’est au contraire une confirmation puisque le ministre de l’intérieur cite les régimes d’exception comme justification d’une altération permanente des principes de l’Etat de droit, ouvrant donc la porte à tous les arbitraires et à toutes les dérives autoritaires.

Car, qu’y a-t-il derrière ce fameux « Etat de droit » ? Il s’agit simplement du respect des droits fondamentaux et du contrôle que les citoyens peuvent exercer pour les faire respecter. Droits qui sont inscrit dans le marbre de grands textes : la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et le Préambule de la Constitution de 1946, dans des textes internationaux et européens. Le contrôle citoyen sur l’action de l’Etat est rendu possible par l’exercice de libertés comme celle de la presse, la liberté d’expression ou d’association, et l’indépendance de la justice. Autant de libertés ou de garantie des libertés attaquées dans tous les régimes autoritaires.

Ceci ne signifie pas que le droit ne peut pas évoluer afin d’accompagner les évolutions de la société ou pour affronter des enjeux nouveaux comme ceux de la préservation du climat et de la biodiversité. Mais ces modifications se font dans le respect de la hiérarchie des normes codifiée dans les grands textes qui fondent notre République.

Ainsi le droit à la sûreté est partie intégrante de « l’Etat de droit ». Mais il l’est au même titre que la liberté, l’égalité devant la loi, l’interdiction des arrestations ou de la détention arbitraire, la légalité des peines. Ces principes fondamentaux sont garantis par des règles bien plus strictes et sévères que ne le laissent croire le déchaînement politico-médiatique.

Évidemment, il en va de « l’Etat de droit », au confluent de la séparation des pouvoirs et du respect des droits humains, comme il en va de la démocratie : il s’agit d’un horizon que l’on n’atteint jamais complètement. Seulement, l’avalanche de lois sécuritaires ces dernières années nous en éloigne. La loi sur le renseignement de 2015 restreint fortement le droit au respect de la vie privée. Celle de 2008 introduit une rétention de sûreté conçue sur le modèle allemand. Celle baptisée “séparatisme” ouvre la voie au contrôle des associations. L’utilisation des développements technologiques permettant grâce à des entreprises privées la surveillance, la reconnaissance faciale, la géolocalisation et le traçage, le fichage à grande échelle font glisser l’Etat de droit vers un Etat de surveillance qui lui-même ouvre la porte à un Etat policier, tout en abreuvant les firmes capitalistes qui en sont chargées. Ceci se fait au mépris de l’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 instituant la force publique « pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ».

Le droit à la sûreté est lui-même corrélé à l’accès à l’école et la formation, à la santé et à la psychiatrie, au logement aux moyens octroyés à la justice, à la lutte contre la délinquance fiscale, le blanchiment d’argent ou le trafic de drogue.
On ne devrait pas faire de la politique politicienne sur les violences qui minent la société, mais mener des politiques pour les empêcher. L’effectivité des droits constitutionnels s’oppose donc aux politiques d’austérité telle que veut l’imposer au peuple un pouvoir qui n‘a pourtant aucun mandat pour le faire.

Le ministre de l'Intérieur est évidemment bien loin des idéaux des Lumières, de la Révolution française, comme de nos principes républicains. En s’appuyant sur d’odieux crimes, il pense le moment venu d’attaquer au cœur tout ce que les citoyens ont construit par leurs luttes en fondant la République française depuis 1789.

C’est la caractéristique même du nationalisme-populiste que de refuser la soumission au droit. C’est vrai pour le droit international comme pour le droit commun des sociétés. Il n’y a qu’à voir le sort que réserve à l’Organisation des Nations Unies M. Trump aux Etats-Unis, Netanyahou en Israël, Milei en Argentine, pour ne citer qu’eux. Le droit pénal, judicaire, social comme international est devenu, pour ces fondés de pouvoir du capital en crise, un frein à l’extension des sphères marchandes comme à la domination financière et impérialiste.

Car la pleine réalisation de l’Etat de droit signifierait le respect du droit au travail pour toutes et tous, l’accès à l’éducation et à la santé, le droit au logement. Que de travail et de luttes encore sont nécessaires pour porter partout l’exigence d’égalité contre l’inégalité des droits.

On voit à quel point ce processus de progrès se heurte aux intérêts capitalistes. Ceux-là même que sert l'actuel gouvernement, au bénéfice du bloc bourgeois, en préparant une cure d’austérité sans pareil avec l’aide de l’extrême droite.

C’est donc à fortifier l’Etat de droit que nos énergies devraient être dépensées.
Heureusement, loin du retour à l’ordre ancien, la société bouillonne d’initiatives qui portent la république sociale, laïque, écologique, fraternelle. Dans les écoles, les quartiers, les villages, sur de multiples lieux de travail des citoyens agissent, imaginent et fondent des bases nouvelles pour faire société ensemble, produire du commun qui porte en germes un avenir progressiste : réseaux d’entraide, systèmes d’échanges locaux, ouverture de lieux de convivialité et de culture, entraide scolaire, accueil des étrangers et échanges culturels, développements agro écologiques et préservation de la biodiversité, expérimentation de nouveaux modèles économiques et solidaires. Nous sommes de ceux qui y participent ou encouragent toute initiative qui permet à notre humanité commune de s’épanouir.

Ne laissons pas disparaître sous les coups de menton d’un authentique contre-révolutionnaire « l’Etat de droit » avec la douce pente actuelle des coups répétées aux libertés d’expression, d’association, de manifestation, aux droits syndicaux, aux droits fondamentaux à la santé, à l’accès au travail mais surtout au pouvoir des travailleuses et travailleurs de toute catégorie sur le travail et la production, à l’école, à la culture. L’Etat de droit appelle la réalisation de tous les droits humains. En ce sens, il est un enjeu fondamental à l’aune duquel se juge la santé démocratique de nos sociétés.
9 octobre 2024
 
 
Cher-es- confrères
L’histoire ne commence pas le 7 octobre 2023 !


Comme tous les humanistes du monde entier, nous avons eu une pensée, manifesté notre soutien aux familles israéliennes endeuillées par les attaques terroristes du Hamas commise un an plus tôt. Nous réclamons avec force la libération de tous les otages. Nous nous sommes placés aux côtés des démocrates israéliens, et des partisans de la paix. Surtout, nous nous plaçons aux côtés de tous les partisans de la justice. Enfin sortent dans quelques médias des enquêtes et des témoignages sur les conditions de cette attaque. Sur sa possibilité, alors que les gardiennes des miradors n’ont cessé d’alerter les autorités militaires et celles du renseignement israélien sur l’imminence d’une attaque. Un service de renseignement prétendument si défaillant alors qu’il vient de montrer pourtant à quel point il est performant quand il tue des premiers responsables du Hamas et du Hezbollah en Iran et au Liban, quand il est capable de piéger téléphones et talkies walkies.

Un mouvement populaire d’importance réclame d’ailleurs des comptes au pouvoir d’ultradroite nationaliste, Israéliens.

Mais nos pleurs et nos soutiens ne sont pas à géométrie variable. À l’occasion des commémorations des crimes de guerre du 7 octobre nombre de médias et des responsables politiques comme le président du Sénat ou la présidente de l'Assemblée nationale se sont une nouvelle fois éloignés de la complexité, de la vérité historique, et de la rigueur d’analyse pour se placer aux côtés du pouvoir d’extrême droite guerrier Israélien. À quoi bon faire mine de combattre ici l’extrême droite quand on lui manifeste son soutien indéfectible là-bas. Et, toute personne qui ne répète pas le récit criminel de l’extrême droite Israélienne est traitée « d’antisémite ». Voilà un bon moyen de faire taire les défenseurs du droit international. Voilà un moyen de justifier la guerre tout azimut que livre désormais le pouvoir israélien à Gaza, en Cisjordanie et au Liban. Voilà qui permet de cacher le projet fondamental de ce pouvoir qui est le remodelage de toute la région aux canons du capitalisme occidental qui persiste à vouloir y piller les ressources. Voilà qui permet de minimiser les dangers en cours pour le monde entier.

Pourquoi laisser dire sans broncher que la guerre contre les Palestiniens et les Libanais est nécessaire, car ils sont toutes et tous suspecté de soutenir le Hamas ou le Hezbollah ? Mieux on prétend les en libérer en les tuant toutes et tous ?

Pourquoi tenter d’effacer des mémoires, les déclarations des ministres Israéliens traitant les Palestiniens « d’animaux humains », ou du président de l’assemblée israélienne appelant à éliminer Gaza de la surface de la terre » ?

Répétons le. Les otages doivent être libérés. Mais les prisonniers palestiniens qui ont augmenté de 6000 en un an aussi !

Pourquoi taire ce que la justice internationale a qualifié de « plausible génocide » ? Ne rien dire, c’est acquiescer !

Pourquoi faire débuter l’histoire le 7 octobre 2023 alors qu’Israël imposait un blocus à Gaza, et colonise la Cisjordanie dans un curieux silence ? Sauf celui du secrétaire général des nations unis qui a déclaré que « l’agression du 7 octobre 2023 « ne venait pas de nulle part ». Mieux, la veille des attaques criminelles du Hamas, le ministre israélien des colonies déclarait que « le peuple palestinien n’existe pas »

Pourquoi d’ailleurs laissé dire que ce secrétaire général est Persona non gratta sur le sol israélien ?

En laissant entendre que la guerre que mène Israël contre les habitants de Gaza est justifié, grand média et soutiens de l’extrême droite israélienne ont choisi de nier une longue histoire de domination, de colonisation, d’emprisonnement de militants palestiniens, de vol des terres et des maisons.

Même le mot « conflit israélo-palestinien » est plus que discutable. De quoi parle-t-on ? On parle ici d’une violation du droit international de la part d’un Etat reconnu par ce droit et refusant à un peuple voisin l’application de ce même droit en le colonisant, en lui menant une guerre sans fin pour annexer l’espace sur lequel il devrait pouvoir construire son pays.

Là comme ailleurs, il est temps que dans les médias dominant, on fasse remettre les choses à l’endroit et de cesser cette propagande qui justifie tout. Guerre, crime de guerre, violation du droit humanitaire, violation des libertés. Surtout, acceptation d’une injustice qui sautera à la face du monde si elle n’est pas réparée vite.
 
 
Je souhaite à chacune et chacun d’entre vous la meilleure semaine possible.
Je le fais en pensant à celles et ceux qui subissent les violences des intempéries avec son lot de trombes d’eau et d’inondations qui font perdre à certaines familles tout ce qu’elles ont pu accumuler au long d’une vie, détruisent des équipements communaux et des entreprises artisanales et commerciales. Pensées aussi à celles et ceux qui subissent le même sort parfois en bien pire aux Etats Unis ou dans l’Europe de l’Est, ou en Chine. Comme quoi les bouleversements climatiques appellent à s’éloigner de tout nationalisme et des absurdes calculs des requins de la finance. Ajouté aux guerres qu’il faut résoudre ; les dérèglements climatiques menacent la vie humaine et celle de tout le vivant. Ce n’est donc pas l’heure de réduire de plus de 1,5 milliard d’€ les crédits d’état pour la transition environnementale et de priver les collectivités locales de plus de 5 milliards d’€. La vie, le vivant devrait être la priorité de toutes et de tous dans une société harmonieuse, dans un monde débarrassé de la course à l’accumulation du capital et des guerres de proies. Un monde incompatible avec le capitalisme. Voilà ce à quoi il faut travailler vite et ensemble.
 
 
Bonne semaine. Avec mes amicales salutations.

Patrick Le Hyaric
 
 
NB : Je reçois chaque semaine plusieurs courriers avec des remarques , des critiques ou des encouragements. Il m’est difficille de répondre à toutes et à ntous aussi vite que je le souhaiterais . mais dans la mesure du possible j’essaie de répondre a chacun et chacun.
 
 
 
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L'Humanité - Patrick Le Hyaric
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