Translate

vendredi 5 mai 2023

Toute l'actualité littéraire HEBDO avec BIBLIOBS - vendredi 5 mai 2023

 


BibliObs

Vendredi 5 mai 2023

Boum ! Pour la troisième fois en moins d’un an, le fantôme de Louis-Ferdinand Céline a frappé de son bâton de maréchal le parquet lustré des salons de France. En mai dernier, au moment de la sortie de « Guerre », premier roman inédit publié après la rocambolesque affaire des manuscrits retrouvés à l’été 2021, « L’Obs » avait à juste titre sorti le canon de 100 pour annoncer un événement sans précédent. Pour autant, avec le recul, il nous apparaît que chaque publication a été suivie d’une forme particulière de silence. Entendons-nous bien, le premier récit a bien été salué par les exégètes comme par les profanes mais aux applaudissements a succédé un calme aussi stupéfait qu’anonyme. C’est que, précipitée au chevet d’un soldat de 14-18 qui a « attrapé une guerre dans (s)a tête », la production littéraire contemporaine faisait pâle figure à ses côtés.

Six mois plus tard, quand « Londres » paraît à son tour, rares sont les publications à s’y intéresser, on ne s’ébaudit plus, on murmure, un silence circonspect gagne vite les commentateurs. Il n’y a pas eu d’effet de souffle, « On remplace pas le vent des balles », nous avait averti l’auteur. L’ascension est, il est vrai, plus ardue, plus de 500 pages d’errance chaotique chez les proxénètes et déserteurs français réfugiés à Londres. Le lecteur découvre une paix hallucinée dans cette ville où « la jeunesse s’égare ignoblement ». Pourtant le roman, chef-d’œuvre plus abouti que le précédent, fait, entre autres choses, merveilleusement écho aux interrogations contemporaines sur la masculinité toxique. On ne l’attendait pas là le père Ferdinand mais on ne se souvient pas avoir lu quelque chose d’aussi terrifiant sur la façon dont des individus s’approprient la chair et l’âme des femmes pour les façonner et les vendre. Quitte à couper ou casser des doigts à celles qui résistent. « Je parle pas des femmes, c’est des fleurs, ça pousse sur n’importe quel fumier, n’importe quel homme », conclut-il.

Et voilà qu’a paru la semaine dernière le troisième volume, « La Volonté du roi Krogold », légende médiévale de sa composition, délire opératique apparu par fragment au gré de romans que les puristes retrouveront dans deux versions inachevées. A ce jour, le silence est quasi total. Tel Roland, il n’y a guère que « L’Obs » et les camarades de l’indispensable émission « Mauvais genres » sur France Culture pour sonner l’olifant. Certes, il faut avoir été hanté par l’apparition spectrale du roi, de sa fille Wanda et du prince Gwendor dans les textes précédents, pour aller à leur rencontre aujourd’hui. Il n’empêche, un malentendu semble toujours accompagner le reclus de Meudon. Mort et enterré, il ne cesse de nous revenir, de nous surprendre mais dès que le fracas ou le scandale cessent, quand il ne vocifère plus les pires horreurs qui soient pour se mettre à chanter « à travers les rêves, la peur et le vent », nous ne l’entendons plus.

Arnaud Sagnard

Notre sélection
Derrière « Sur la route » de Kerouac, il y avait un ami qui écrivait des lettres incroyables
La suite après cette publicité
 
   
  
 
   
 
   
  
 
   
Contribuez à l'information durable, découvrez nos offres d'abonnement

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire