Bourgoin-Jallieu Le Nord-Isère en marche contre la réforme des retraites
« On est débordés », lance sans sourciller Patrick Claret, de l’union locale de la CGT, en plein cœur du deuxième volet de la manifestation contre la réforme des retraites, ce mardi 31 janvier, à Bourgoin-Jallieu.
Pas de heurts à déplorer, mais le reflet d’une situation inattendue, à savoir des milliers de personnes dans les rues de Bourgoin-Jallieu. Cette deuxième marche, après celle du jeudi 19 janvier, a réuni un peu plus de personnes : 6200 selon les syndicats ; 3500 à 3800 selon les forces de police (légèrement plus que la 1ère édition, donc).
« C’est une situation inhabituelle pour nous, explique quant à lui Serge Mazars, secrétaire général de l’union berjallienne de la CGT, alors que la tête du cortège des manifestants atteint l’avenue des Alpes, vers 11 heures, après être partie de la place Saint-Michel à 10 h 15. « On n’avait pas eu autant de personnes depuis 2010, pendant les années Sarkozy… »
Diriger le cortège, éviter les débordements, rediriger les voitures…
Derrière un tel cortège, c’est toute une organisation qui se met en place, de la déclaration préalable à la préfecture de l’Isère à la préparation du prochain mouvement social. À Bourgoin-Jallieu, quelques personnes de la CGT et de FO, à la vue de tous, gravitent dans le cortège, aux abois. « On veut par exemple éviter que d’autres personnes se mettent devant et change le parcours », remarque Serge Mazars.
Chacun à un rôle déterminé : « Il y a les porte-drapeaux, ceux qui parlent, ceux qui chantent, des référents sécurité pour épauler la police ou bloquer la route », explique Sylvain Fuster, portant une sono à bout de bras à la fin du cortège, lui aussi représentant CGT.
Après le 19 janvier, les unions locales se sont pourvues de nouveaux encadrants. « On était quatre… ce n’était pas viable. Aujourd’hui, on est 10 », souligne Serge Mazars, alors que son compère, Patrick Claret, évoque une interpellation d’un jeune en parallèle de la manifestation. Si ce nombre paraît encore insuffisant, « on s’est mieux coordonné avec la police municipale pour placer des personnes sur les axes routiers, et empêcher les voitures de passer. »
Parmi les nouveaux encadrants, Nathalie, par exemple, du syndicat FO, tient le rond-point devant le cinéma Kinépolis. Elle redirige les voitures. « Les automobilistes ne sont pas tout le temps d’accord mais au moins on donne un coup de main. » Et de lâcher, faisant des signes à une énième voiture, « c’est un vrai travail. »
Un travail qui s’achève ce mardi, aux environs de midi, moment où les manifestants se dispersent dans le calme. Les représentants syndicaux se réuniront le soir même, pour organiser la suite et faire un bilan. « Il s’agira peut-être de remonter à Paris », suppute Nathalie. « Chaque manifestation nous fait progresser dans l’organisation », reprend en parallèle Serge Mazars, qui préfère rester prudent sur une prochaine date. « Sur ce point, on ne saura pas avant vendredi ».
Entre-temps, il compte bien organiser retraite aux flambeaux, affichages et tractages. Avec un objectif affiché : « Battre le fer tant qu’il est chaud. »
*La manifestation à Bourgoin-Jallieu, comme ailleurs, est le fruit d’une intersyndicale.
À Vienne, ils étaient des milliers à battre le pavé
« 64 ans, c’est non ». Le slogan scandé par les manifestants à Vienne, mardi 31 janvier, avait le mérite d’être clair. Ils étaient entre 2000 selon la police et 3 000 personnes selon la CGT à battre le pavé pour montrer leur opposition à la réforme des retraites.
Lors de la précédente mobilisation, jeudi 19 janvier, ils étaient entre 2 300 et 2 500, mais il n’y avait pas eu de manifestation dans l’agglomération roussillonnaise (voir ci-dessous). Cette fois-ci, rendez-vous a été donné l’après-midi, mais le parcours était le même.
Le cortège s’est élancé du Champ-de-Mars et a fait une boucle en passant par le quai Jean-Jaurès jusqu’à la place Saint-Louis, avant d’emprunter la rue Marchande puis le cours Romestang et le cours Brillier, et de terminer devant la sous-préfecture. Un cortège dense et motivé.
« Je ne me vois pas tenir une classe à 67 ans »
« Je ne me vois pas tenir une classe à 67 ans, tempête Sabine Espositio, enseignante à Estressin. On a perdu beaucoup en quelques années. Avant on pouvait partir à 37 annuités et demi, maintenant ça risque d’être 43 ».
À côté d’elle, son mari n’en démord pas. « On a l’impression de se faire avoir, glisse, désappointé, Francisco Jimenez, dessinateur industriel. J’ai 57 ans et je vois la retraite s’éloigner ». Avec la réforme il devra travailler 3 ans et demi de plus pour atteindre 64 ans. Il retournera sans hésiter dans la rue dans les prochaines semaines pour s’opposer à la réforme.
À Salaise-sur-Sanne, une première manifestation très suivie
Ils étaient 3 000 manifestants selon la CGT, 1 700 selon la police. Dans tous les cas, la mobilisation contre la réforme des retraites était importante ce mardi matin. Alors qu’il n’y a pas eu de manifestation dans l’agglomération roussillonnaise le 19 janvier, ce premier rendez-vous était très suivi.
Dans les rangs des manifestants, de nombreux drapeaux de divers syndicats représentant la plateforme chimique ou la centrale nucléaire. Mais aussi des personnels de santé, des Ehpad, des aides à domicile, des AESH, des enseignants, des retraités… Des enfants étaient aussi présents avec leurs parents. Des pancartes avec des slogans bien sentis comme “Tu nous mets 64, on te re-Mai 68” traversaient le cortège, qui prenait le départ joyeusement depuis le parking de Lidl.
Vers 10h30, une fumée noire a interpellé les manifestants, qui pensaient à des pneus brûlés mais il s’agissait d’un bus en feu (lire en page 4). Quelques élus étaient présents, vêtus de l’écharpe tricolore, comme les maires de Salaise et du Péage-de-Roussillon.
« Le même âge de départ pour tout le monde, une erreur »
C’est sur son vélo que Florence Courcelle a transporté les banderoles pour la manifestation du mardi 31 janvier à Vienne. L’enseignante est vent debout contre la réforme des retraites du gouvernement. « Si la loi passe, je vais devoir travailler jusqu’à 68 ans, soit encore 30 ans, explique-t-elle. C’est trop ». Elle ne souhaite pas qu’on modifie l’âge de départ à la retraite.
« Il faut qu’on puisse partir à la retraite en étant en bonne santé, plaide-t-elle. Aligner le même âge de départ pour tout le monde c’est une erreur. Nous n’avons pas tous les mêmes études et les mêmes carrières ». Elle regrette que les critères de pénibilité soient moins nombreux qu’auparavant. « Le gouvernement ne se rend pas compte des contraintes des métiers difficiles, notamment les professions manuelles », tempête Florence Courcelle. Déjà présente dans la rue jeudi 19 janvier, elle sera à nouveau mobilisée en cas de 3e round. « Il vaut mieux perdre quelques jours pour les grèves que 730 jours à cause de la réforme (deux années de plus), insiste-t-elle. Je pense que le mouvement va finir par payer. Les gens ont besoin de se faire entendre ».
« 62 ans, c’est déjà bien, non ? »
C’est la première fois qu’Eddy Massacrier participe à une manifestation. Mais cet artisan plombier à son compte de 45 ans ne se voit pas travailler plus longtemps : « J’ai le dos fatigué, je suis en mauvais état et j’ai encore vingt ans à faire ! Ce n’est pas possible. C’est déjà difficile de tenir jusqu’à la fin mais s’il faut que je continue jusqu’à 64 ans, je n’y arriverai pas. » Ils sont rares les artisans à manifester : « On a beaucoup de boulot. Mais j’avais envie d’être là et de dire non à cette réforme. La pénibilité n’est pas prise en compte. » Lui souhaiterait que l’âge légal de départ reste le même, 62 ans : « Je comprends qu’on ne puisse pas revenir en arrière. Mais 62 ans, c’est déjà bien, non ? »
« Il faut mieux partager les richesses »
Et pour le financement, que propose-t-il ? « Des sous, il y en a en France. C’est juste qu’ils sont mal répartis. Il faut mieux partager les richesses. Macron a fait trop de cadeaux aux grands patrons. Le système marchait très bien avant, pourquoi faudrait-il changer ? Il y a d’autres problèmes à régler, non ? Il y a des gens qui ont beaucoup d’argent et d’autres qui sont pauvres, c’est à cela qu’il faut s’attaquer. » Sans parler des problèmes concernant sa profession : « La concurrence déloyale dans les métiers du bâtiment, avec des gens qui viennent de toute l’Europe. »
« Prendre en compte les femmes »
« J’ai l’impression que ça fait des années qu’on manifeste. Aujourd’hui, pour la réforme des retraites, demain pour autre chose. » Gabriel Meunier, retraité de 75 ans, ancien professeur de science économique et sociale au lycée, ne mâche pas ses mots. Pourtant, cet habitant d’une commune du Nord-Isère, près de Morestel, a le regard pétillant de vie. Dans la rue ce mardi 31 janvier, « contre la crise, contre la guerre, pour défendre les retraites… », il se dit soulagé, « car on voit beaucoup de jeunes qui ont arrêté le travail pour venir. » Une situation inhabituelle pour cet ancien syndiqué, habitué des mouvements sociaux. « Ça donne de l’espoir. »
« Une solidarité à tous les niveaux »
De son côté, le septuagénaire dénonce « une réforme qui attaque des gens qui n’avaient déjà pas beaucoup de défenses au travail, comme les femmes, qui, par exemple pour faire des enfants, ont plus souvent des carrières en pointillé. » Comme alternative, « s’il faut changer les choses, il faut prendre en compte les femmes, bien entendu, mais aussi prendre en considération les différentes branches professionnelles. Sans les noter, il y a des secteurs où les entreprises sont plus riches, où les actifs sont plus riches… je pense qu’elles doivent payer pour celles en déclin. » Plus loin, Gabriel Meunier plaide tout de même pour « une solidarité à tous les niveaux. »
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