Après des semaines de débats entre les nations occidentales concernant la livraison de véhicules blindés modernes à l'Ukraine, la décision a finalement été prise par les pays de l'OTAN d'offrir plus de 300 chars à Kyiv, dont des Challenger 2 britanniques, des Abrams américains et des Leopard de fabrication allemande. Si l'opinion publique française a été très divisée sur le sujet, de nombreux commentateurs craignant une escalade du conflit avec la Russie dans un scénario où la France se trouverait parmi les « cobelligérants », c'est en Allemagne que la question a suscité la plus grande controverse. Le gouvernement d'Olaf Scholz n'a initialement accepté ni de fournir les Leopard lui-même, ni d'autoriser leur exportation par d'autres pays, mais il a enfin donné son accord suite à l'annonce que les États-Unis allaient également engager leurs chars en Ukraine. Quelles sont les conséquences probables de cette décision de l'OTAN, tant sur le champ de bataille que sur le plan diplomatique ? Comment la perspective de l'arrivée des chars est-elle perçue en Russie ?
Certains analystes militaires, en particulier dans les médias anglophones, ont fait l’éloge des nouveaux chars comme améliorant radicalement le matériel post-soviétique dont disposaient jusqu'à présent les Ukrainiens. Ils leur offriraient un avantage décisif dans le cadre d'une contre-offensive visant à récupérer les territoires actuellement occupés. D'autres voix ont nuancé leur impact tactique immédiat, étant donné qu'il faudra plusieurs mois avant qu'ils ne soient tous opérationnels en Ukraine, compte tenu de leur sophistication et de la complexité de leur entretien. Les commentateurs les plus prudents ont proposé une interprétation plutôt défensive de leur livraison. Selon eux, la fonction principale des chars serait de permettre à l'Ukraine – dont les pertes de chars ont été considérables et qui ne dispose pas de la même capacité de régénération de son armée que Moscou – de survivre face à une nouvelle offensive russe dans les mois à venir pour « dé-nazifier » toute l'Ukraine, objectif réitéré par le vice-président de la Douma russe Piotr Tolstoï.
Cet aspect défensif a notamment été mis en avant par le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki dans une interview pour LCI, évoquant la possibilité d'une seconde invasion de l'Ukraine depuis la Biélorussie. Il a également souligné que la Pologne a déjà fourni 250 chars à l'Ukraine, un fait noté par d'autres pour demander si la récente décision des pays de l'OTAN franchit réellement un nouveau seuil d'intensité militaire sur le terrain. L'amiral néerlandais Rob Bauer, président du comité militaire de l'OTAN, a affirmé que la « ligne rouge » reste inchangée pour l’alliance (incursion russe sur le territoire de l'OTAN), tout en reconnaissant que c'est Moscou qui dicte désormais la chronologie des événements et qui décidera de l'exécution éventuelle de ses fréquentes menaces verbales contre l'Occident.
Sur le plan diplomatique, l’approche officielle des pays de l’OTAN reste celle (paradoxale) d’offrir un soutien maximal à l’Ukraine tout en évitant une confrontation directe avec la Russie. En tournée en Amérique latine, le chancelier Scholz a voulu rassurer l’opinion publique internationale, citant le refus de Berlin d’envoyer des troupes ou avions de combat en Ukraine : « Nous avons contribué à ce qu’il n’y ait pas d’escalade du conflit, car cela aurait de graves conséquences pour le monde entier. Cela conduirait, par exemple, à une guerre entre la Russie et les pays de l’OTAN, cela n’arrivera pas. » Cependant, quelques jours plus tôt, la ministre des affaires étrangères allemande Annalena Baerbock avait défrayé la chronique au Conseil de l’Europe en disant : « Nous menons une guerre contre la Russie, et non les uns contre les autres ». Des propos plutôt spontanés dont Berlin a nié la portée, mais qui ont été amplement cités du côté russe, notamment par la porte-parole du Kremlin Maria Zakharova, comme la preuve d’une « guerre préméditée contre la Russie ». Vladimir Soloviev, propagandiste très suivi à la télévision d’état russe, a traité Baerbock de « porc nazi » et de « Frau Ribbentrop », tandis que Margarita Simonian, directrice de Russia Today, a suggéré que la Russie devrait « libérer » le peuple allemand de son gouvernement « fasciste », responsable pour la livraison des chars. Non moins combatif, l’ex-président russe Dimitri Medvedev s’en est pris au ministre de la défense italien Guido Cosetto, « imbécile rare », qui avait affirmé que l’Italie voulait justement empêcher une Troisième Guerre Mondiale en protégeant Kyiv. Sur Telegram, Medvedev a conjugué railleries et menace apocalyptique : « Premièrement, défendre l’Ukraine, dont personne n’a besoin en Europe, ne sauvera pas l’Ancien Monde, devenu sénile, des représailles en cas d’incident. Deuxièmement, une fois la Troisième Guerre Mondiale déclenchée, il ne s’agira malheureusement pas de chars, ni même d’avions de combat. Tout se transformera définitivement en poussière. »
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