Bonjour à chacune et chacun, À un moment où de multiples défis sont posés à chacune et chacun d’entre nous, et à notre humanité commune, les réunions internationales de forces progressistes sont extrêmement importantes. Ce sont toujours des moments de partage d’analyses, d’expériences et d’élaboration en commun d’initiatives et de propositions nouvelles. Ce fut le cas la semaine dernière lors du Forum Progressiste Européen qui s’est tenu trois jours durant à Athènes. Plus de 300 délégués des pays européens y participaient. Pour avoir assisté à plusieurs de ces forums et à d’autres réunions internationales, je suis marqué à la fois par la diversité des participants, communistes, socialistes ou sociaux-démocrates, écologistes, progressistes et par le climat d’écoute, de recherche d’issues, de volonté de construire ensemble des projets communs. (Lire ici mon intervention préliminaire au débat sur mon blog) Les grands enjeux de l’heure ont été au cœur des débats : la paix, l’action nécessaire contre les bouleversements climatiques, le soutien aux mouvements des femmes iraniennes et des femmes qui, aux États-Unis comme en Pologne, agissent pour le droit à l’avortement, le soutien aux mouvements sociaux qui se développent dans tous les pays pour obtenir des augmentions des rémunérations du travail et pour une autre répartition de la plus-value du travail kidnappée par le système capitaliste. Il a été très intéressant de noter les convergences de vue, y compris sur l’analyse du déclenchement de la guerre en Ukraine et la recherche d’un chemin pour la paix. La même bataille idéologique est déployée partout en Europe pour justifier la dangereuse stratégie de « la guerre jusqu’au bout ». Il y a en effet urgence à favoriser une stratégie de désescalade. Cette guerre a d’ailleurs déjà de multiples effets sur l'Union européenne. On le voit depuis quelques semaines à propos des relations entre la France et l’Allemagne. Parmi les multiples contradictions qui germent, on voit l’Allemagne à la fois se soumettre de plus en plus aux pressions nord-américaines tout en tentant de maintenir sa domination sur l’Europe en déplaçant son centre de gravité vers l’Europe orientale, notamment la Pologne. Les États-Unis, tout en revenant avec force en Europe, tentent de la fracturer en privilégiant les pays de cette même zone, dont ils considèrent qu’ils constitueront demain avec l’Ukraine un nouveau bloc aligné à leur botte. Ceci explique pour une part leur acharnement pour la guerre et leur volonté de s’appuyer sur les pays frontaliers de la Russie pour jouer les maîtres de l’OTAN. C’est tout le contraire d’un projet diplomatique de paix. L’Allemagne si dépendante des sources énergétiques des pays du nord et de la Russie peut connaître à moyenne échéance une crise industrielle majeure qui la mettrait en difficulté pour longtemps. La France et l’Italie ne seraient pas épargnées. Les enjeux sont donc extrêmement lourds. Tout dans la situation plaide donc en faveur d’initiatives pour l’arrêt de cette guerre et la réunion d’une conférence pour la paix et la sécurité. L’un des autres thèmes débattu a été celui des moyens à déployer pour faire reculer l’extrême droite et les forces du proto-fascisme qui se déploient désormais partout. On a déjà parlé ici de leurs avancées en Suède et du pouvoir qu’il exerce en Italie en alliance avec la droite. (Lire ici la déclaration finale du Forum sur mon blog) La France est très loin d’être immunisée. La scandaleuse récupération de l’abominable meurtre de Lola par des animateurs de télévision sans scrupules, le déchainement de la droite et de toutes les fractions et factions de l’extrême droite, les manifestations violentes en fin de semaine dernière dans plusieurs villes et les opérations politiques de blanchiment de cette extrême droite crée un climat plus qu’inquiétant. (Lire mon texte ci-dessous). Celle-ci se déploie comme souvent au moment où les urgences sociales cognent aux portes du pouvoir et des puissants. La double opération visant à discréditer les revendications des travailleurs et de la CGT, alors que les profits des grandes entreprises sont au zénith et cette banalisation de l’extrême droite participe de la part des puissants de la même démarche. Comme en Italie, les forces du grand capital considèrent que l’extrême droite peut être, pour un temps, une bonne roue de secours. Dans ces conditions, rien ne doit être fait, aucune parole, aucun acte ne doit affaiblir le mouvement social. Au contraire, les forces politiques du changement - particulièrement la coalition des gauches et des écologistes, la NUPES - doit soutenir le mouvement comme elle le fait, mais elle doit surtout contribuer à son développement en portant le débat idéologique et économique sur la perspective politique progressiste à construire. Ceci doit se faire en respectant les décisions des syndicats et la pluralité de leurs adhérents. En ce sens, Jean-Luc Mélenchon, pas plus qu’un autre dirigeant politique ne peut donner des ordres aux syndicats et qualifier de « sectaire » le secrétaire général de la CGT, comme il l’a fait la semaine dernière. Procéder ainsi revient qu’on le veuille ou non à affaiblir le syndicat de classe qui est au premier rang du combat pour les salaires, l’emploi, les services publics. Il y a bien assez des représentants des syndicats patronaux, du pouvoir, de la droite et de l’extrême droite pour fustiger Philippe Martinez parce qu’il mène avec ses camarades le combat journalier sur les lieux de travail et d’exploitation. La CGT est libre de prendre ses décisions en toute autonomie, à partir de son analyse des rapports de classe, de l’entreprise jusqu’ à la nation. Chacun à gauche se doit de respecter ses décisions sans fustiger son premier responsable qui agit et décide sur la base de délibérations collectives. C’est contre ce mouvement que le président de la République a pris la parole mercredi soir. On a pu mesurer son degré de cynisme lorsque lors de l’émission de France Télévision, il a répondu à une famille qui ne peut plus joindre les deux bouts et a dû renoncer à son rêve de maison avec des tableaux aussi abscons qu’éloignés de la vie réelle. Les fameux tableaux de « macro-économie » n’ont jamais rempli le charriot de course ni fait le plein de carburant. Cette séquence dit tout des « maitres » qui nous gouvernent au service des puissances d’argent. Il peut toujours brandir des tableaux sur les écrans de télévision, pour faire accepter la mal vie des classes populaires, leurs souffrances pour refuser quelques instants plus tard l’indexation des salaires sur les prix, il doit savoir qu’une majorité de nos concitoyens connait les intérêts de classe qu’il sert. C’est d’ailleurs ce qu’a dit la mère de famille lors de ce reportage. Mieux, sonné par les urnes en avril et juin dernier, Emmanuel Macron gouverne sans tenir compte des opinions et propositions du Parlement en faisant déclencher par sa Première ministre, en rafale l'article 49-3, quand il ne fait pas décider la réquisition de travailleurs en lutte qui ne réclament que leur dû. C’est ce qu’ont dénoncé les députés de la NUPES à l’Assemblée nationale qui, relayant le mouvement social en utilisant leur droit de censure. Que l’extrême droite ait organisé à ce propos une opération politique participant de sa dédiabolisation, est un fait. Il n’y a rien de commun entre la gauche, les écologistes et les forces d’extrême droite. Rien ! M. Macron et certains de ses ministres se sont engouffrés sur ce choix de l’extrême droite, non pas pour la décrédibiliser, mais pour attaquer et tenter de diviser la gauche. Il ne faut pas y prêter le flanc. Et monsieur Darmanin est vraiment très mal placé pour donner des leçons ; lui, qui écrivait dans les années 2008 « si je suis maire de Tourcoing, je ne célébrerai pas de mariages entre deux hommes et deux femmes ». Lui qui jugeait encore récemment, Mme Le Pen, « trop molle ». Lui qui écrivait dans la revue liée au mouvement restauration nationale, proche de Maurras et de l’Action française, « Politique Magazine ». Lui qui a voté en 2015 une motion de censure avec l’extrême droite. Lui qui ne cesse d’effacer les urgences sociales en utilisant les sujets identitaires. Cependant, nous n’avons pas à nous réjouir de l’opération politique de Le Pen au nom de la volonté de faire chuter l’actuel gouvernement. Un gouvernement peut tomber de plusieurs côtés. Nous préférons que ce soit du côté gauche. Pour y parvenir, c'est un rapport de force qu’il faut construire patiemment dans le pays. De ce point de vue, plusieurs députés de la France Insoumise ont fait une faute en se réjouissant, en revendiquant même le soutien du parti de Le Pen au nom de cet objectif de chute du gouvernement. Et, pour la motion de censure déposée par LFI contre le budget de la Sécurité sociale, le député Éric Coquerel, appelle quasiment au RN à la voter, sinon « on serait là pour l’opérette » dit-il. Or, nous ne sommes pas au théâtre, ni aux jeux. Obtenir avec les voix d’extrême droite et de droite au Parlement revient à leur offrir sur un plateau d’argent ce qu’il recherche : leur plus grande normalisation-banalisation dans la vie politique. Voter un texte sur la Sécurité sociale avec les partisans de la préférence nationale ne conduit pas à clarifier le débat politique, et les murs qui nous séparent de l’extrême droite. On ne peut laisser tracer un trait d’égalité entre la gauche des Lumières, la gauche progressiste, la gauche de la Résistance, la gauche militante de l’après-capitalisme, avec leur strict opposé. On ne peut donc laisser croire à l’équivalence de la nature de nos votes au Parlement ni à l’équivalence de nos positions politiques. Rien, absolument rien ne doit être fait pour laisser croire que nous poursuivons les mêmes objectifs. Le faire c’est entretenir la confusion et se préparer à de terribles déboires. Malgré soi, cela revient à leur élargir encore la route qui mène au pouvoir pour l’extrême droite en alliance avec la droite. Ajoutons que, quand un gouvernement tombe, le président de la République, seul maître à bord, en nomme un autre à sa botte. Il n’a pas caché, dans un pas de deux avec M. Sarkozy qu’il peut s’ouvrir encore aux réserves du parti « Les Républicains ». Du reste, tous les textes régressifs sont depuis le mois de juin votés par Les Républicains et la plupart du temps par le groupe d’extrême droite. Changer de pouvoir dans une perspective de changement progressiste, pour changer de société, implique donc un énorme travail d'explications populaires, de discussions dans les usines, les bureaux, les universités, les villes et villages. Cela demande l’animation des luttes dans l’unité citoyenne la plus large en cessant de répandre le venin des invectives, des sous-entendus malsains, des divisions et des postures sans lendemain. L’heure est trop préoccupante, trop grosse de dangers pour ne pas mener le travail politique pour gagner une majorité populaire favorable à un changement dans le pays. Il convient d’autant moins de le négliger qu’il va être difficile pour le pouvoir de légiférer pendant cinq ans à coup d’utilisation du couperet du 49.3, alors que la situation des travailleurs, des privés d’emploi comme des retraités ne va cesser de s’aggraver malgré l’application de quelques pansements qui ne guérissent rien. Raison de plus pour initier un débat sur les conditions de la réalisation d’une unité populaire permettant une politique de gauche. Ce sont bien les gouvernements au service de la bourgeoisie la plus rapace qui sont en cause, quel que soit le nom des ministres. L’enjeu est de transformer la colère en une majorité populaire en faveur d’un projet progressiste. Il convient de le faire dans la discussion en associant, en unissant les citoyens. |
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