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lundi 31 octobre 2022

Le Dauphiné Libéré - Nord-Isère - Mais, où sont passés les Gilets jaunes ? le 31.10.2022

                                             La UNE du Dauphiné Libéré du 31.10.2022 







                       


Nord-IsèreMais, où sont passés les Gilets jaunes ?

Si l’actualité sociale récente a remis sur le devant de la scène des revendications historiques du mouvement, les Gilets jaunes de Saint-Jean-de-Soudain à la sortie de La Tour-du-Pin n’ont pas vu de réel regain de mobilisation de la part du reste de la population.
Par Lisa RODRIGUES, Georges AUBRY et Emile VAIZAND - Aujourd'hui à 06:05 | mis à jour aujourd'hui à 06:09 - Temps de lecture : 7 min
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Les Gilets jaunes de La Tour-du-Pin continuent de se rassembler au rond-point de Saint-Jean-de-Soudain.  Photo Le DL /Mourad ALLILI

À l’approche du quatrième anniversaire des Gilets jaunes, ils sont toujours là, tous les samedis de 10 à 12 heures au rond-point de Saint-Jean-de-Soudain, à la sortie de La Tour-du-Pin en direction de Bourgoin-Jallieu. Un groupe d’une petite dizaine d’irréductibles continue de « mener le combat » au nom de « ceux qui sont pour la justice sociale ». « On est tout le temps entre 12 et 20, et surtout 15 à venir, chiffre Bernard, un des Gilets jaunes turipinois. C’est quand même admirable ! »

Ce samedi matin de fin octobre, les klaxons d’automobilistes en signe de soutien sont encore nombreux, klaxons auxquels le groupe s’empresse de répondre avec entrain, gilet ou drapeau jaune à la main.

Un des derniers ronds-points isérois actifs

« Je trouve qu’il y a quand même moins de voitures que d’habitude. Sûrement avec le prix de l’essence, estime Nicolas. Mais c’est peut-être meilleur pour la planète ! » Car dernièrement, entre les grèves dans les dépôts pétroliers ou l’inflation qui s’envole, les revendications des Gilets jaunes sont revenues sur le devant de la scène… Mais sans forcément bénéficier au mouvement. « J’espère que ça va bouger, mais je reste prudent, souffle Gil. J’ai l’impression que les gens ne sont pas très réactifs quand même. » Le rond-point de Saint-Jean-de-Soudain reste tout de même l’un des derniers actifs d’Isère. « On n’est plus que 4 : nous, à Crolles, à Échirolles au rond-point Pierre et Marie Curie, et Saint-Sauveur à Saint-Marcellin, liste Anne. On a toujours été très dynamiques, mais l’essence n’est pas la seule revendication du mouvement. Il y a aussi une lutte environnementale et sociale, contre la vie chère, contre l’évasion fiscale, contre le fait qu’on monte les petits contre les autres… » Le refus d’une participation active à la guerre en Ukraine s’est aussi ajouté à la liste.

« Mettre un gilet jaune, c’est un acte politique »

Des revendications globalement partagées par les autres membres du groupe turipinois. « Sur les questions du Covid, on était assez unanimes, pareil pour l’Ukraine. Il y a un consensus », estime Nicolas. Même si quelques différences d’opinions existent et que certains affichent leur sympathie pour des partis comme La France Insoumise, la Nupes ou le Parti Ouvrier Indépendant. De quoi politiser un mouvement qui se réclamait à la base apolitique ? « On est Gilets jaunes, mais chacun est libre de faire comme il veut pour son engagement politique, balaye Anne. Le fait de mettre un gilet jaune et de venir ici, c’est déjà un acte politique. On est plus apartisan qu’apolitique. Parce que la lutte, ce n’est pas quelque chose qui s’invente ! »

 

Les rassemblements des Gilets jaunes de La Tour-du-Pin au rond-point de Saint-Jean-de-Soudain se font toujours en musique. Photo Le DL/Mourad ALLILI

Lutter oui, mais dans la bonne humeur

Ce qui plaît aux Gilets jaunes de ce rond-point, c’est l’ambiance. Musique et chants - avec micro fourni - agrémentent le moment. « C’est festif. Et puis, c’est aussi une forme de lutte : montrer qu’on a de la joie alors qu’on s’attend à ce qu’on ne le soit pas », sourit Anne. Une formule qui a d’ailleurs convaincu Gil de venir à Saint-Jean-de-Soudain, lui qui a démarré en tant que Gilet jaune à La Côte-Saint-André. « Ça s’essouffle un peu plus là-bas. Ici c’est plus convivial ! »
Et ce n’est pas Chantal qui dira le contraire. La militante qui a démarré chez les Gilets jaunes de Morestel n’est pas la dernière pour donner de la voix. « On refuse de militer triste ici ! C’est aussi thérapeutique, on chante, et après ça nous donne la pêche, rit-elle. En plus, on a toujours quelqu’un qui apporte un peu de café et de quoi manger. Il y a vraiment une vie sur le rond-point, et aussi une force de résistance. »

 

 À Bourgoin-Jallieu : le rond-point déserté, mais une colère « encore présente »

Entre Bourgoin-Jallieu et L’Isle-d’Abeau, le rond-point des Buissières a longtemps été le fief des Gilets jaunes du secteur. Point névralgique du mouvement local, à deux pas de la barrière de péage de l’A43, il a rassemblé jusqu’à une centaine de manifestants par samedi, au plus fort de la contestation en 2018 et 2019.

Jusqu’au mois de juin, ils étaient encore une quinzaine d’irréductibles, la plupart retraités. Mais leur présence s’est arrêtée au début de l’été. « On est avant tout contre la politique d’Emmanuel Macron, alors sa réélection nous a surpris et un peu cassé le moral. En fin de compte, je suis restée près de quatre ans sur le rond-point pour pas grand-chose », lance amèrement Annick Bouchet, retraitée de La Poste et qui était présente chaque samedi. Sébastien Zimmermann, qui a lui aussi vécu les débuts du mouvement à Bourgoin-Jallieu , renchérit : « Quand vous manifestez contre un projet et que la même personne est réélue au pouvoir, il y a une incompréhension et un peu de résignation. »

« Ça peut repartir à tout moment »

Autre motif commun aux deux Gilets jaunes berjalliens, « la peur de la répression » du mouvement, qui a parfois pu être vive. « Ça a diminué, parce qu’on nous a fait comprendre qu’il fallait arrêter de contester », estime Sébastien Zimmermann. De manière plus globale, Annick Bouchet pense que « la division du mouvement [et de certaines personnalités qui l’ont porté] a fait notre malheur ». Pourtant, le terreau contestataire d’octobre 2018, basé sur la vie chère et notamment la hausse des tarifs à la pompe , semble plus que jamais d’actualité. « Tous dans le mouvement, et notamment les écolos, ne se battent pas forcément pour la baisse du prix du carburant, explique Sébastien Zimmermann. Mais la situation est effectivement très critique. » « Je pense que les gens s’habituent à la pauvreté », tente de son côté de justifier Annick Bouchet.

Sébastien Zimmermann s’est rendu pendant des semaines devant ce rond-point, entre L’Isle-d’Abeau et Bourgoin-Jallieu, où il a rencontré sa femme fin 2018. Photo Le DL /É.V.

S’ils évoquent une motivation en baisse, ces deux Gilets jaunes se disent prêts à enfiler de nouveau la chasuble fluo et continuer le combat. « Non, le mouvement n’est pas terminé. La colère est toujours présente, ça peut repartir spontanément à tout moment. Il faudrait un nouvel élément déclencheur et ça remotiverait tout le monde », espère Sébastien Zimmermann.

Mais pour l’heure, ce quadragénaire n’est pas près de retourner sur le rond-point des Buissières avec sa compagne Marina, qu’il a rencontrée là-bas fin 2018. Celle-ci vient en effet d’accoucher de leur deuxième enfant. Quant à Annick Bouchet, elle indique que les derniers Gilets jaunes actifs ont poursuivi leurs retrouvailles hebdomadaires différemment : en jardinant une parcelle partagée à Nivolas-Vermelle. « On peut y poursuivre les échanges politiques, raconte-t-elle. Mais le but premier est de cultiver pour ensuite donner à manger à des gens plus modestes. On ne peut pas oublier que certains sont dans une situation pire que la nôtre et qu’il faut continuer de se battre. »

 

Ancienne Gilet jaune de la première heure à Saint-Clair-du-Rhône et défendant le Ric en toutes matières, Patricia Sanfilippo, qui habite Auberives-sur-Varèze, demeure une militante, aujourd’hui « au service de tous les habitants de ma commune », dit-elle. Photo Le DL /Georges AUBRY

À Saint-Clair-du-Rhône : une idée du Ric qui s’exporte dans la commune voisine

Il fut l’un des fers de lance des Gilets jaunes à Saint-Clair-du-Rhône et l’un de ceux qui ont porté haut et fort, jusqu’au niveau national, le référendum d’initiative citoyenne (Ric) en toutes matières (qui permettrait de démettre même des élus ou d’abroger et d’ajouter des articles à la Constitution). Daniel Fernandes jette sur ce mouvement né il y a quatre ans un regard contrasté. D’un côté, selon lui, rien n’a changé concernant les aspirations démocratiques, l’unique revendication portée à Saint-Clair-du-Rhône, commune considérée dans la presse nationale comme la capitale du Ric  ; d’un autre, des petites graines ont été semées et font leur chemin. « Nos aspirations étaient très populaires. Avec le Ric, nous voulions régler les choses de façon apaisée et démocratique », estime M. Fernandes.

Néanmoins, parmi les petites graines semées, Daniel Fernandes en voit plusieurs, comme une politisation du mouvement avec des candidats qui portent désormais le Ric ( aux dernières municipales à Saint-Clair et même à la présidentielle comme Jean Lassalle qui est venu dans la commune ), et des idées qui prennent racine dans des communes, comme à Auberives-sur-Varèze.

Justement, ancienne Gilet jaune saint-clairoise, Patricia Sanfilippo avait été élue en 2020 comme conseillère à Auberives-sur-Varèze, où elle habite. À la suite d’une crise municipale , elle n’est plus élue mais soutient l’équipe aujourd’hui aux manettes.

« La voie associative est la bonne »

« Je reste une militante totalement apolitique. Nous allons créer une association démocratique en lien avec la commune pour consulter les citoyens. Les gens amèneront les sujets ; on les fera remonter en mairie où les élus se sont engagés à porter le débat et à consulter les habitants », observe Patricia Sanfilippo.

Celle-ci se souvient de l’aventure saint-clairoise « comme une aventure humaine hors du commun ». Elle se souvient être arrivée à Saint-Clair-du-Rhône le 17 novembre, lors du premier rassemblement sur le rond-point réclamant le Ric. « J’en avais ras-le-bol de subir les décisions. Quand j’ai vu ce qui se passait, j’ai décidé de rester. J’y allais après mon travail et le week-end », raconte-t-elle.

Désormais, elle met beaucoup d’espoir dans l’association qui devrait être créée à Auberives-sur-Varèze, considérant qu’il faut déjà poser les choses localement pour les faire fructifier. « La voie associative est la bonne façon de procéder », confirme Daniel Fernandes, qui poursuit aussi son chemin dans ce sens. « Cela montre que ce que nous voulons est possible. C’est concret et nous nous en servirons comme retour d’expérience ».



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