Lula salue ses partisans en quittant le bureau de vote, lors du second tour de l’élection présidentielle, à Sao Paulo, Brésil, le 30 octobre 2022.
CARL DE SOUZA / AFP
Lula salue ses partisans en quittant le bureau de vote, lors du second tour de l’élection présidentielle, à Sao Paulo, Brésil, le 30 octobre 2022.

BRÉSIL - Le plus dur reste à faire. Après de longues semaines d’une campagne présidentielle brutale et particulièrement polariséel’ancien président brésilien Lula retrouve la tête de la première économie d’Amérique latine pour un troisième mandat, devançant de peu le président sortant Jair Bolsonaro à l’issue du dépouillement.

Lula obtient près de 51 % des voix sur 99 % des bulletins dépouillés à 0h (heure française), contre 49 % pour son adversaire d’extrême droite. Un peu moins de 2 millions de voix les séparent, pour une participation qui frôle les 80 %, soit une légère progression par rapport au précédent scrutin de 2018.

Il est « mathématiquement élu », a officialisé la justice brésilienne peu après minuit :

« Démocratie », avait tweeté Lula peut avant l’annonce des résultats officiels. Un mot symbolique accompagné d’une photo de sa main gauche – privée de son auriculaire en raison d’un accident survenu lorsqu’il exerçait sa profession de métallurgiste – sur le drapeau brésilien :

Emmanuel Macron a très tôt félicité le vainqueur sur son compte Twitter. « Toutes mes félicitations, cher Lula, pour ton élection qui ouvre une nouvelle page de l’histoire du Brésil. Ensemble, nous allons unir nos forces pour relever les nombreux défis communs et renouer le lien d’amitié entre nos deux pays », a écrit le président français.

152 millions d’électeurs

Ce dimanche 30 octobre, quelque 152 millions de Brésiliens avaient été appelés à voter dans les 26 États du pays et le district fédéral. Au premier tour, environ 32 millions (21 %) d’électeurs ne s’étaient cependant pas déplacés. Ces abstentionnistes ont été un des enjeux du second tour car seulement 6 millions de voix séparaient les deux finalistes au soir du 1er tour.

Lula était arrivé en tête de ce premier tour, avec 48 % des voix, contre 43 % pour son adversaire d’extrême droite Jair Bolsonaro. Et malgré le score important du président-candidat au premier tour, la dynamique de fin de campagne et un ultime débat télévisé électrique auront eu raison de lui. Offrant ainsi un retour en grâce de Luiz Inácio Lula da Silva, dit « Lula », près de 12 ans après la fin de son précédent mandat présidentielle.

Un chantier de taille

À 77 ans, Lula était donné favori avec une courte avance dans les sondages du second tour. Ce dernier avait assuré, au moment de voter ce dimanche, que sa victoire contre son adversaire politique soutenu par Donald Trump permettrait « de restaurer la paix entre les Brésiliens ».

Des propos qui tranchaient avec ceux, prononcées un peu plus tôt dimanche par Jair Bolsonaro : « Si Dieu le veut on va gagner ce soir », avant d’ajouter : « Ou mieux encore, le Brésil sera victorieux ce soir ».

Le plus dur reste désormais à faire pour Lula. L’ancien dirigeant syndical se retrouve à la tête d’un Brésil plus divisé que jamais, où le rejet de Bolsonaro par une partie du pays (les antibolsonaristes) a beaucoup fait dans son élection. Une situation qui n’est pas sans rappeler celle des antipétistes (en référence à la famille politique de Lula, le Parti des travailleurs) lors de l’élection de Bolsonaro fin 2018. Il n’avait pas hésité à attiser la haine et le rejet de la gauche socialiste de Lula et de sa successeure Dilma Rousseff, entre 2011 et 2016 pour se frayer un chemin jusqu’au pouvoir à base de désinformation et de postures antisystème.

Gestion et préservation de la forêt amazonienne, conséquences de la gestion du Covid-19 sous Bolsonaro et taux de chômage encore très élevé : voilà certains des défis qui attendent désormais Lula, qui s’était dit favorable à la création d’emplois, à la lutte contre la faim et l’augmentation des salaires, là où Bolsonaro avait surtout fait campagne sur la relance économique à venir et le maintien des valeurs traditionnelles comme la famille ou le christianisme.

Défaite historique pour Bolsonaro

Vendredi, lors du dernier débat télévisé à couteaux tirés où ont fusé les insultes (« bandit »« déséquilibré »), les deux protagonistes s’étaient accusés de « mentir », sans exposer leurs projets pour le pays à taille continentale de 215 millions d’habitants. « Un antidébat, sans la moindre nouveauté qui puisse changer la donne », avait d’ailleurs estimé le chroniqueur politique Otavio Guedes sur la chaîne Globonews.

Ce lundi, la victoire de Lula est pourtant bien réelle et le résultat du second tour de cette élection présidentielle marque surtout un vrai coup d’arrêt pour l’élan bolsonariste après quatre de gouvernance. Avec ce résultat, « le Mythe » (surnom donné à Bolsonaro par ses partisans) devient le premier président sortant à ne pas être réélu pour un deuxième mandat, depuis le retour de la démocratie en 1985 au Brésil.

De quoi laisser craindre que cette défaite ne provoque une crise politique majeure, si Jair Bolsonaro venait à ne pas reconnaître la victoire de son adversaire de gauche. Toutefois, Bolsonaro avait tempéré ses élans trumpistes vendredi, estimant que « celui qui a le plus de voix gagne. C’est la démocratie ». Mais si cette sortie semble avoir quelque peu rassuré, les attaques incessantes de l’ancien militaire de 67 ans contre le système « frauduleux » des urnes électroniques au Brésil sont encore dans tous les esprits.

Dans tous les cas, Jair Bolsonaro laisse derrière lui une empreinte politique marquante après quatre ans à la tête du Brésil. « Bolsonaro va peut-être disparaître de la scène politique, mais le bolsonarisme non », confiait récemment au HuffPost Matthieu Trouvé, maître de conférences en histoire contemporaine à Sciences Po Bordeaux.

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