16.janvier.2019
Les lanceurs d’alerte pourraient être les perdants du remaniement des règles fiscales de l’UE. Par Laura Kayali
Source : Politico, Laura Kayali, 19-12-2018
Par Laura Kayali 19/12/2018
Comme si l’évasion fiscale ne suffisait pas, les fraudeurs fiscaux pourraient bientôt échapper aux règles qui justement visent à les tenir pour responsables.
Selon un document interne vu par POLITICO, le service juridique du Conseil de l’UE a conseillé aux pays de l’UE d’exclure des protections accordées aux lanceurs d’alerte l’évasion et la fraude fiscales.
En avril, la Commission Européenne a présenté une proposition législative visant à protéger les lanceurs d’alerte suite aux scandales tels que LuxLeaks ou les Panama Papers, qui ont mis en lumière les stratagèmes d’évasion fiscale à grande échelle des entreprises et des particuliers.
Une protection serait accordée aux personnes qui signalent des infractions à la législation communautaire dans un large éventail de domaines, allant de la protection des consommateurs à la violation des règles fiscales applicables aux sociétés. Le service juridique du Conseil dit que cela représente un problème, faisant part de préoccupations juridiques quant à l’ampleur du projet de loi proposé.
Selon un avis du 14 décembre vu par POLITICO, il fait valoir que la proposition devrait être scindée en plusieurs textes différents, parce que « des bases juridiques multiples ne peuvent se justifier que dans des circonstances exceptionnelles ».
« Je ne peux pas accepter que le niveau d’ambition soit réduit, surtout si cela conduit à exclure l’impôt sur les sociétés du champ d’application de la directive » – Virginie Rozière, négociatrice socialiste en chef du Parlement européen.
Cela veut dire une loi séparée pour protéger les lanceurs d’alerte qui divulguent des informations sur des questions fiscales. « Ce domaine politique devra… être retiré du projet de proposition par le biais d’une scission et traité en parallèle », peut-on lire dans le document, faisant référence à la fiscalité.
Une loi séparée de ce type aurait peu de chance d’être adoptée par le Conseil puisqu’elle exige l’unanimité des pays de l’Union Européenne.
« Je ne peux accepter de voir le niveau d’ambition réduit, surtout si cela conduit à exclure l’impôt sur les sociétés du champ d’application de la directive, alors qu’il s’agit d’un des secteurs où nous devons protéger ceux qui parlent pour le bien commun », a déclaré à Politico Virginie Rozière, la négociatrice socialiste en chef du Parlement européen.
Lorsque la Commission a présenté la législation, elle a mis en lumière LuxLeaks et les documents de Panama, deux des scandales les plus récents et les plus médiatisés en matière d’évasion fiscale des entreprises révélés par les lanceurs d’alerte.
Selon la proposition, les entreprises devraient mettre en place des canaux sûrs pour les signalements futurs des comportements illégaux ou répréhensibles des sociétés. Le texte visait également à protéger les lanceurs d’alerte des représailles de leur employeur et à les exonérer de toute responsabilité judiciaire.
« Si nous offrons une meilleure protection aux lanceurs d’alerte, nous pourrons mieux détecter et prévenir les atteintes à l’intérêt public telles que la fraude, la corruption, l’évasion fiscale des entreprises ou les atteintes à la santé des citoyens et à l’environnement », a déclaré le vice-président de la Commission, Frans Timmermans en avril.
Lors de l’écriture de la directive, la Commission a ajouté les questions fiscales dans le champ d’application et ce, avec l’approbation de son service juridique. Le texte couvre également la dénonciation des marchés publics, le blanchiment d’argent, les services financiers, la sécurité des produits et les aides d’État, en s’appuyant sur dix-sept législations ou traités différents existants.
Le Parlement a adopté son rapport sur la proposition en novembre (son service juridique a également approuvé l’utilisation de plusieurs bases juridiques), mais les pays de l’UE doivent encore se prononcer.
Les recommandations du service juridique du Conseil ont été examinées lundi par les délégations nationales au sein du groupe de travail « Droits fondamentaux, droits des citoyens et libre circulation des personnes » (FREMP).
Selon les membres du Parlement, un texte qui serait uniquement axé sur la protection des lanceurs d’alerte dans le cadre de la fraude et de l’évasion fiscales des entreprises est voué à l’échec.
Selon 3 officiels de l’UE, plusieurs pays de l’UE ont retardé leur prise de position sur la question, affirmant qu’ils devaient vérifier auprès de leurs capitales avant d’énoncer une position officielle.
La présidence autrichienne du Conseil a affirmé que les travaux se poursuivraient sous la direction des Roumains, qui prendront le relais le 1er janvier.
Le service juridique du Conseil estime qu’une législation séparée pour les infractions aux règles fiscales relèverait de la procédure spéciale de l’UE en matière fiscale. Cela exclurait de facto le Parlement européen du processus législatif et nécessiterait une adoption unanime des pays membres, dans la mesure où ils sont les seuls à avoir la compétence en matière fiscale.
On peut lire dans le document que les dispositions du texte relatives à l’évasion et à la fraude fiscales « prévoient une procédure législative spéciale exigeant l’unanimité au Conseil et la consultation du Parlement Européen ».
Un texte axé uniquement sur la protection des lanceurs d’alerte en matière d’évasion et de fraude fiscales des entreprises est voué à l’échec, ont déclaré plusieurs membres du Parlement, en effet des pays comme le Luxembourg refuseraient de l’approuver.
La prochaine réunion du Conseil est prévue en janvier, sous présidence roumaine.
Source : Politico, Laura Kayali, 19-12-2018
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
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