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Ils pleurent Laurent, agriculteur qui s'est suicidé à 38 ans
Laurent, un agriculteur parmi bien d'autres, en proie à une détresse insurmontable./ Photo DDM, Sebastien Lapeyrere
Benoît 58 ans fane du foin. Normal direz-vous, il est agriculteur… Oui mais du côté de Montréal-du-Gers, Benoît fane le foin qui régalera les vaches de Laurent qui n'est plus là pour faire «le job». Car Laurent, 38 ans, s'est pendu à l'auvent de sa maison. C'est son père qui l'a découvert… Laurent avec son père retraité, faisait tourner une exploitation vigne-élevage.
Benoît leur voisin et ami affirme : «Laurent était un agriculteur comme tant d'autres, toujours prêt à rendre service à qui lui demandait, laissant là son travail pour aller aider… Mais il était seul, pas de femme, pas d'enfant, quelle fille pour accompagner un éleveur qui travaille du matin au soir, sans week-end, sans vacances ? Il n'a pas su, il n'a pas pu prendre du temps pour lui. Il aurait pu embaucher un salarié mais dans un pays avec autant de chômeurs pas moyen de trouver un gars qui veuille travailler la terre !».
Quand il a besoin de main-d'œuvre, Benoît embauche «au sud» : Portugal, Maroc… Benoît aussi avait remarqué que Laurent «qui n'avait pas, je pense, de graves problèmes financiers», n'allait pas fort depuis quelque temps. La journée finie, il dînait avec son père seul lui aussi, puis rentrait dans sa maison. Soirées et nuits de solitude… Ce matin-là pourtant, le jeune agriculteur avait paru plein d'allant. «Il triait des veaux avec son père. Il s'est aperçu qu'il lui manquait des cartes d'identification, il est parti en chercher chez lui à trois kilomètres de là. En descendant l'allée qui mène à sa maison, il a vu les taches sur la vigne. Peu de temps avant la pépiniériste l'avait appelé pour lui parler sans doute de l'urgence de la prochaine plantation. Et tous ces foins qui restaient à faire…».
Arrivé chez lui, Laurent a pris l'échelle et la corde… Comment se disent désespoir, lassitude, burn-out en gascon ?
Aux obsèques de Laurent qui laisse aussi un frère en plein chagrin, Benoît a été «impressionné» par le silence de la large assemblée. Puis par petits groupes, les paysans se sont murmurés ce qu'ils ont sur le cœur.
Benoît a dit «pauvre France, toi dont les paysans ont embelli le paysage, tout en nourrissant les hommes, toi, dont les paysans ont donné leur vie, il y a cent ans, dans les tranchées, pour te préserver, toi dont les paysans disparaissent, chaque jour, par centaines, et dont certains, comme Laurent, choisissent l'irrémédiable». Un autre, «les paysans tout le monde s'en fout. L'Euro de foot, le Tour de France, ça oui ça occupe le citoyen, ça lui fait oublier qu'on fonce dans le mur». Un autre a dénoncé «une PAC (n.d.l.r : politique agricole commune) plus débile que la précédente, même les agents de la DDT ne savent pas remplir le formulaire». Benoît a repris : «A coup de mondialisation, de réglementation, de principe de précaution, d'amoureux du loup qui bouffe les brebis et tue le berger, le paysan de France meurt laissant le vide derrière lui». Laurent laisse un grand vide.
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