HISTOIRE
Il y a 80 ans, la guerre d’Espagne
Luis Ortiz Alfau, 99 ans, l’un des derniers combattants républicains en vie. Photo AFP
Parce qu’ils craignaient de déclenc her une autre guerre mondiale, Français et Britanniques ont refusé d’aider la République espagnole contre la conjuration franquiste. Une erreur d’analyse qui a provoqué l’effet inverse.
« La deuxième guerre mondiale vient de commencer à Séville »… De retour d’Espagne, André Malraux prononce cette phrase, le 21 juillet 1936, devant le ministre de l’Air Pierre Cot et son directeur de cabinet – un certain Jean Moulin. Au Maroc espagnol et dans le nord-ouest, les généraux Franco et Mola soulèvent les casernes contre la deuxième République espagnole. Le 19, juillet Séville tombe aux mains des nationalistes insurgés.
Erreur d’analyse
« Il faut aider nos amis du Front populaire espagnol », plaident Cot et Moulin auprès du président socialiste du Conseil Léon Blum, sidéré. Ils lui conseillent d’appliquer un accord de 1934 qui prévoit des livraisons d’armes à l’Espagne en cas d’agression. A Madrid, le président Manuel Azaña sollicite cette aide matérielle. Les républicains n’ont que des armes d’un autre âge et des avions poussifs. « Nous nous exercions avec des balais… Nous n’avions ni fusils ni matériel de guerre », raconte Luis Ortiz Alfau, 99 ans, l’un des derniers survivants des bataillons républicains au pays basque.
Blum est prêt à donner le feu vert. Mais le ministre des Affaires étrangères Yvon Delbos, rival de Cot au Parti radical, et le secrétaire général du Quai-d’Orsay, le diplomate et poète Alexis Léger, alias Saint-John Perse, préconisent l’inverse : « Un conflit interne, surtout ne pas s’en mêler. On créerait un foyer de tension avec les Britanniques. » « Blum hésite. Il se laisse impressionner par la presse de droite qui l’attaque avec une violence inouïe et par Churchill, qui n’est pas au pouvoir mais en qui il a confiance et qui refuse toute intervention. Ils craignent de déclencher une guerre sur tout le continent. L’erreur fondamentale est en marche », raconte Gilbert Grellet, auteur d’ Un Été impardonnable (Albin Michel).
L’opinion indifférente
Le même jour à Berlin, Hitler, qui se désintéressait jusque-là de l’Espagne, cède au commandant de la Luftwaffe Herman Goering qui veut « tester ses bombardiers et exterminer la vermine rouge à Madrid ».
Les Allemands aident les sanguinaires légions arabes de Franco à traverser le détroit de Gibraltar, bombardent le Pays basque. Mussolini répond aussi à l’appel de Franco et envoie des bataillons au sol.
« Les rares journalistes français, dont Saint-Exupéry, qui sont loin du terrain, ne racontent que les exactions commises par les anarchistes du FAI notamment les massacres de religieux et cela nuit à l’image du Front populaire espagnol », souligne Gilbert Grellet qui ajoute : « Blum est contesté en France, sans majorité. Le traumatisme de 1914-1918, le climat de pacifisme ambiant, le programme du Front populaire avec son slogan « le pain, la paix, la liberté », qui exclut toute guerre ont pesé dans cette indécision ».
Blum autorise l’initiative de Malraux, qui n’a pas son brevet de pilote, mais crée une unité aérienne de brique et de broc pour rejoindre les brigades internationales. Mais Londres ne bouge pas, Washington non plus.
Hitler sait maintenant qu’il peut défier ses voisins où et quand il veut, « J’ai été mal informé, on aurait dû les aider », regrettera à Washington Roosevelt en 1940. Trop tard.
L’hiver 1939, 480 000 républicains traversent les Pyrénées à pied dans le froid et sont parqués dans des camps indignes ou carrément sur les plages du sud de la France, derrière des barbelés. Blum n’est plus au pouvoir, Pétain ambassadeur de France à Madrid y apprend le métier de dictateur et la France abandonne encore la République de Madrid. Impardonnable faute. L’Espagne hérite de la tyrannie. L’Europe d’une guerre qu’elle ne voulait pas.
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