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Le Mal existe. La Vertu aussi
Dans ce post, je donne mon point de vue argumenté sur plusieurs sujets. La nouvelle formule de ce blog me permet d’ailleurs d’en rallonger la liste au fil des jours puisque les prises de position « à chaud » prennent place aussi dans le compartiment de tête de cette première page. Les analyses de plus longue portée vont dans la case « à fond ». De plus, un document comme la vidéo de la conférence de Pépé Mujica aux Cordeliers est pour moi la contribution la plus importante que je peux faire à notre reflexion commune cette semaine. C’est un travail bénévole considérable qui a déjà été accompli à cette occasion. Le travail peut être prolongé si des transcripteurs se mettent à la tâche pour préparer une édition littérale du texte de Mujica.
Je veux signaler les grands développements que contient cette note au moment ou je la poste. Je fais le bilan de l’erreur que fut ma participation à la matinale de Bruce Toussaint sur I-Télé. J’en tire quelques leçons notamment sur la façon avec laquelle s’incruste la pratique du « tripartisme » dans les médias. Je reviens aussi sur le débat à propos du projet de réédition de Mein Kampf. Je présente des arguments. Mon ami Alexis Corbière a bien bataillé aussi et je recommande la lecture de sa tribune dans Le Figaro. En fait, je me réjouis qu’une discussion au moins ait lieu avant la publication. Car naturellement cette publication aura lieu.
Je veux signaler les grands développements que contient cette note au moment ou je la poste. Je fais le bilan de l’erreur que fut ma participation à la matinale de Bruce Toussaint sur I-Télé. J’en tire quelques leçons notamment sur la façon avec laquelle s’incruste la pratique du « tripartisme » dans les médias. Je reviens aussi sur le débat à propos du projet de réédition de Mein Kampf. Je présente des arguments. Mon ami Alexis Corbière a bien bataillé aussi et je recommande la lecture de sa tribune dans Le Figaro. En fait, je me réjouis qu’une discussion au moins ait lieu avant la publication. Car naturellement cette publication aura lieu.
Mais j’ai de l’amertume quand j’entends le silence de certaines voix d’habitude plus bruyantes. Silence éloquent des grands dirigeants politiques. De même au CRIF. Il est donc prouvé qu’ils sont capables de dépenser davantage d’énergie contre moi que contre Adolf Hitler ! Et les autorités religieuses gardiennes du bien contre le mal ? Elles qui savent combien la vue d’une femme nue ou seulement celle de ses cheveux est peccamineux n’ont rien à dire sur la publication d’un appel au meurtre qui a déjà tué 50 millions de personnes ! Et les autorités philosophiques du pays ? Et ainsi de suite. Tous aux abonnés absents. Aucun ne donne son avis qui éclairerait le débat en pour ou en contre. Naturellement, l’appât du gain et un certain voyeurisme auront le dernier mot. Telle est devenue notre société où tout ce qui peut devenir une marchandise est réputé bon et toute curiosité, même la plus malsaine est considérée comme un droit. Mais en ajoutant de nouveaux arguments pour étayer ma position, je me suis donné le temps de mettre noir sur blanc ma propre vision de la morale et de la Vertu comme je les conçois. Car dans tout cela il est question du principe de responsabilité individuelle. Que cette situation glauque serve au moins à ça !
Je n’aurais pas dû aller faire cette matinale sur i>Télé. J’y ai perdu mon temps. Questions ineptes, petit sourire condescendant du lecteur de prompteur Brice Toussaint, arrière-plan d’images pourries, bref la totale. Un must de ce qui se fait en termes de mépris et de manque de respect dans un genre d’émission qui doit faire du buzz à n’importe quel prix pour sortir de son espace semi-confidentiel. Le tempo avait été donné par cette insistance à répéter : « Alain Delon s’est exprimé, et cela va sans doute faire du bruit toute la journée… bla bla ». Et hop, me voici contraint de commenter une phrase selon laquelle « madame Morano a des couilles », etc. Ambiance carabin garantie.
Voilà une expérience qui me décide à réduire encore le nombre des invitations et des chaînes où j’accepte de me rendre. Car pour ce genre de partie, il faut être deux et rien ne m’oblige à accepter de faire le monsieur loyal du spectacle. Ce n’est pas la conclusion la plus importante que je tire de cette séquence sans intérêt. C’est le démarrage de « l’entretien » qui m’a le plus choqué. La veille nous étions éliminés du « débat » électoral sur la région Nord-Pas-De-Calais-Picardie. Mais Toussaint voulait néanmoins me le faire commenter. A l’outrage, ajouter l’humiliation.
Certes, il s’agissait de faire de la publicité auto-promotrice à un « débat » qui a saoulé la petite cohorte de ceux qui l’ont regardé (vite, les chiffres de l’audimat !). Il faut bien que l’animateur du matin gagne son pain en servant la soupe à sa chaîne. Et ce n’était pas dur de ridiculiser la manœuvre. D’autant que le lecteur de prompteur s’est piteusement lancé dans une tirade sur les obligations légales de la période électorale qui montrait combien il était ignorant du sujet. Comme c’est sur ce point qu’a porté la dépêche AFP, le boomerang est retourné à l’expéditeur : « une mascarade » ai-je dit, et cela se retrouva en ligne.
Une hypothèse existe quand même et qui n’est pas la plus improbable : Toussaint ne se rend pas compte de ce qu’il fait. Cela signifie donc que le nouveau format de lecture politique est déjà devenu une seconde nature. Ce format, c’est le tripartisme. Un concept qui légitime la chasse gardée du deuxième tour des élections entre le monstre et les deux sauveurs suprêmes et pour cela élimine tout ce qui n’est pas dans le cadre.
Le tripartisme est désormais le système politico-médiatique mis en scène dans notre pays. Cette construction consiste à expulser de la scène tout ce qui ne rentre pas dans une des trois cases prévues : FN, UMP, PS. Que cela fasse deux voix de droite pour une seule « de gauche » ne gêne pas la définition de l’équité comme la comprenne les animateurs de ce cirque. Le PS, ici mis en scène comme seule gauche possible et imaginable, se frotte les mains. C’est exactement ce dont il a besoin. Sa hantise : que soit visible une alternative à gauche. La contrefaçon ne peut fonctionner qu’à la condition qu’il n’y ait pas de comparaison.
La combine a déjà fonctionné aux élections départementales où il s’était attribué le soir des résultats tous les votes de toutes les gauches pour arrondir sa pelote. Les idiots de plateau ont commenté toute la soirée comme de ânes bien bâtés des chiffres bidon. Mais bien sûr, dès le lendemain, les éditocrates produisaient les habituelles mises au point hypocrites « c’est pas moi c’est l’autre, et la faute des sondages, bla bla ». Le PS a tellement aimé faire ainsi 29 % toute une soirée que cela lui fit oublier le désagrément de retomber à 19 % 24 heures plus tard. Si bien que les bidouilleurs de la rue de Solferino se sont remis au travail pour renforcer ce genre de dispositif. La prochaine présidentielle devrait être un festival de truande cosmétique.
Bien sûr, cela censure la motivation du cœur de notre électorat qui se sent alors privé du droit à la parole. Une saine et robuste haine des spoliateurs médiatiques s’incruste ainsi dans les profondeurs de notre peuple et notamment dans sa fraction la plus consciente. Elle peut donc s’élargir et fournir ainsi les anticorps au bourrage de crâne. Mais elle nous rend invisibles pour les millions de braves gens qui se réfèrent encore à la télévision pour s’informer. À mon avis, la disqualification frappe aussi ces médias. Quand on sait que la moyenne d’âge des téléspectateurs du journal de 20 Heures de France 2 est de 63 ans et celle de TF1 de 59 ans, on comprend qu’une fraction significative des générations actives s’est déjà éloignée de la machine à gaver.
La toile en profite à plein. Déjà, je ne compte plus les productions vidéos que nous avons mises en circulation qui dépassent la diffusion d’une chose comme cette matinale à laquelle j’ai fait l’erreur d’aller.Une séquence de mon interview sur air France à BFM a reçu 6 millions de vues ; une autre séquence 1,7 million, et ainsi de suite. À quoi bon, dès lors, s’offrir a des traquenards pourris qui servent de faire-valoir aux aspirants showmen des médias conventionnels. Une séquence télé intéressante n’a de sens que s’il y a des garanties sur des questions dont l’intérêt tient plus de vingt-quatre heures, le temps de découper des pastilles vidéos, de les mettre en circulation et d’en amplifier l’impact le cas échéant. Le reste est juste du service gratuit rendu à des émissions qui sans cela ne peuvent faire mieux que décor visuel muet pour bar-tabac, comme on le voit déjà à longueur de journée dans les bistrots.
Le PS a choisi de serrer la bride médiatique encore un peu plus. Les députés PS ont déposé deux propositions de lois sur les conditions matérielles de la prochaine élection présidentielle. L’une de leurs propositions vise à réduire la période d’égalité de temps de parole dans les médias audiovisuels entre les candidats à l’élection présidentielle. Oui, réduire la période d’égalité de temps de parole. Le PS propose ainsi d’appliquer le principe de « l’équité » pendant la période dite « intermédiaire ». C’est-à-dire la période des trois semaines qui séparent la publication de la liste officielle des candidats au début de la campagne officielle dans les médias. En 2012, cette période s’étalait du 20 mars au 8 avril. C’est-à-dire qu’elle couvre plus de la moitié du dernier mois de campagne ! Jusqu’à présent, dans cette période, les médias devaient assurer l’égalité du temps de parole entre candidats. Ils pouvaient déjà se contenter de « l’équité » du temps d’antenne, c’est-à-dire du temps consacré aux commentaires, éditos et reportages sur la campagne sans que les candidats ne s’expriment directement.
Le PS propose donc d’étendre « l’équité » et de réduire l’égalité entre candidats. L’extension de « l’équité », c’est l’extension de la période où les médias peuvent inviter qui ils veulent, sans aucun contrôle, en s’appuyant sur des sondages tous plus bidons les uns que les autres pour justifier l’élimination médiatique de tel ou tel candidat C’est-à-dire en fait l’extension de la période où les médias libres et pluralistes sont libres de réduire le pluralisme à madame Le Pen, monsieur Sarkozy et monsieur Hollande.
Pour changer la loi, le PS prend prétexte de la « complication » pour les médias de l’existence de deux règles différentes. Soit. Mais alors pourquoi ne pas étendre au temps d’antenne l’exigence d’égalité déjà applicable au temps de parole des candidats ? Le but de la manœuvre du PS est bien là : supprimer trois semaines d’égalité de temps de parole entre candidats un mois avant l’élection. Ne resteraient alors que les 15 derniers jours de campagne où les candidats seraient à égalité. L’idée du PS est donc que les médias puissent continuer plus longtemps à choisir eux-mêmes les candidats « importants » alors même qu’à ce moment de la campagne, tous les candidats ont obtenu le droit de se présenter en recueillant les 500 parrainages d’élus. Il s’agit pour la caste de dresser un barbelé supplémentaire autour de ses intérêts et de la bande des trois qui les défend.
Le député PS Jean-Jacques Urvoas avoue cette soif de censure d’ailleurs très clairement. Il invente des prétextes fallacieux pour justifier son texte. Selon lui, « le nombre important de candidats – 12 en 2007, 10 en 2012 – rend difficile l’application d’une stricte égalité, dissuadant certaines chaînes d’organiser des débats et conduisant in fine à une réduction du temps médiatique consacré à la campagne présidentielle ». Mais dans ce cas, poussons le raisonnement au bout. Si les médias sont incapables d’organiser des débats avec plusieurs candidats, pourquoi ne pas réduire directement le débat à deux candidats ? On économiserait ainsi le premier tour en faisant directement le deuxième. Ou même pourquoi ne pas se limiter à un seul candidat ? Ce serait tellement plus simple à organiser pour les médias, non ?
Des rédactions sans imagination, des bureaucrates impatients d’expédier les formalités démocratiques avant d’en revenir à la « seule politique possible », voilà de qui dépend notre « démocratie ». D’un côté c’est à pleurer de l’autre c’est un pas de plus vers le moment où, après celles des DRH, ce sont leurs chemises qui fourniront de la charpie. Car il va de soi qu’un tel système n’a pas d’avenir sinon une déchéance d’autant plus brutale que ses gardiens se seront eux-mêmes saoulés de sentiment d’impunité qui les rendra ivres de puissance et totalement aveuglé sur ce qui leur pend au nez…
Le PS veut éradiquer administrativement et médiatiquement ses opposants politiques de gauche qu’il ne parvient pas à combattre politiquement. Il veut ainsi rendre publics la totalité des parrainages d’élus aux candidats et pas seulement 500 tirés au sort parmi tous ceux qui soutiennent. Louable souci ! Mais cette publication se ferait « en temps réel », s’il vous plaît. Ne vous laissez pas enfumer. Pour le PS, c’est une manière d’exercer le chantage publiquement et « en temps réel » sur les élus qui seraient tentés de soutenir d’autres candidats, notamment à gauche. Les pressions pour obtenir telle subvention ou tel appui dans un projet local se feront donc « en temps réel ».
Le journal Libération rapporte ainsi les propos d’un député PS selon lequel « les écologistes sont dans un tel état que Cécile Duflot n’aura même pas les 500 signatures ». Les amis de madame Duflot semblent en être tellement conscients que Le Monde nous a appris récemment qu’ils avaient déjà engagé les démarches internes à leur parti pour mobiliser leurs élus. Quoi qu’on pense d’une candidature, on ne peut admettre qu’un courant politique soit empêché de présenter un candidat sur la base de difficultés administratives de cet ordre. De nombreux élus locaux eux mêmes sont meurtris de devoir assumer une telle responsabilité qu’ils n’ont pas demandée.
Ce système devrait être purement et simplement supprimé. Mais d’ici là, je veux dire : d’ici à la tenue d’uneassemblée constituante qui rendrait morale et démocratie à notre vie institutionnelle, ne peut-on rien vouloir ni demander ? Si. Nous pouvons agir. Puisqu’un projet de loi va être présenté, proposons l’abolition du privilège de parrainnage. Pour être cool, on maintiendrait la possibilité reconnue à 500 notables de valider une candidature. Mais les citoyens aussi auraient cette possibilité. Nous pouvons demander que soit déposé un amendement dans ce sens au projet Urvoas. Il établirait que 100 000 citoyens, par exemple, ont le droit de parrainer une candidature et donc de la rendre valide. Pourquoi le privilège de rendre possible une candidature serait-il réservé à certains élus, refusé aux autres et aux citoyens sans mandat électoral ? Oui, pourquoi ? Fixez le chiffre que vous voudrez monsieur Urvoas : 100 000, 200 000, 1 million ! Aucun chiffre ne nous fait peur. La seule chose qui nous fait peur, c’est que le peuple soit privé d’initiatives et de droits.
Plutôt que de vouloir verrouiller le débat de la prochaine présidentielle, il y a mieux à faire pour le rendre « irréprochable » comme prétend le faire le projet de loi du député PS Urvoas. Je note que ce petit génie n’a pas jugé utile de reprendre la proposition de loi sur les sondages votée au Sénat en 2011. Elle fut pourtant adoptée à l’unanimité. Ce n’est pas si fréquent ! Cette proposition de loi prévoit notamment d’obliger les sondeurs à publier le nom du commanditaire de chaque sondage ainsi que les méthodes utilisées par les instituts de sondages pour « redresser » les données brutes recueillies auprès des sondés et modifiées avant la publication du sondage.
Depuis 2011, ce texte pourrit dans un tiroir de l’Assemblée nationale alors que le PS et le gouvernement ont toute la liberté de l’inscrire à l’ordre du jour. Il ne l’a jamais été depuis 2012. Pourquoi ? Le PS paie cash le service qu’il demande aux entreprises de sondages de lui fournir. Ce service, c’est de maintenir la légitimation politique pourrie du tripartisme.
Car il y a pourtant une catégorie comptable simple à établir. D’autant plus simple qu’il s’agit d’une étude limitée à 13 régions. Cette catégorie est la suivante : opposition de gauche. Elle permet de regrouper toutes les listes de gauche qui se présentent en concurrence avec celles du gouvernement. Facile à établir, facile à regrouper, facile à compter. Mais ce n’est pas fait. Pourquoi ? On verrait trop le coude à coude avec le PS, on inciterait trop à l’union de l’opposition de gauche. Donc ça ne se fait pas. Les grasses commandes de sondages gouvernementaux et la menace de la loi en réserve qui ruinerait ce commerce juteux expliquent mieux la bidouille visible que je ne sais quelle soi-disant intérêt de « sciences politiques ».
Je crois que dans le débat sur la publication de Mein Kampf chacun va au bout de ses arguments, et donc, d’une certaine façon, au bout de lui-même. Je ne m’étonne donc pas que Laurent Joffrin, se sente obligé de manière étrange sur un tel sujet de m’insulter et de conclure que je serai cette fois-ci encore dans « l’outrance » (laquelle ?) et surtout dans « l’outrance contre la vérité ». « La vérité » de Mein Kampf ? Je suppose que non. La phrase est incompréhensible. Je n’en retiens qu’une chose : l’envie d’insulter, pavlovienne chez ce soldat perdu du PS.
Cependant, je voudrais prendre au vol ce que je crois avoir compris quand on me dit que cette publication n’est pas illicite et que du coup je devrais juste me taire et subir sans broncher. Je n’ai jamais dit qu’elle l’était. Je pense cependant qu’elle devrait l’être. J’ai argumenté mon propos. Je crois donc mériter mieux que des injures en réponse. Sont-elles destinées aussi à tous ceux qui pensent comme moi sur le sujet ? Jusque dans la rédaction dont Joffrin est le chef ? Car pour ma part, je ne polémique pas contre des personnes mais à propos d’un acte éditorial. Aujourd’hui, je veux prendre le problème sous l’angle de la responsabilité personnelle de celui qui décide d’éditer ou d’approuver cette édition. C’est elle que j’interpelle.
Mais avant cela, je viens sur deux objections que j’ai souvent rencontrées. Ainsi quand on me dit que le document est déjà disponible sur internet, je suis stupéfait : des dizaines de choses glauques ou nauséabondes sont présentes sur internet. Faut-il donc les publier sans autre précaution qu’un « appareil critique » ? Mais si tel est le cas pourquoi alors ne pas demander que soit aussi publié gratuitement « l’appareil critique » dont on prétend faire le prétexte de cette réédition ? On me dit il s’agit d’un document historique. Dans ce cas, La France juive, de Drumont, par exemple, l’est tout autant car elle explique la violence des adversaires de l’innocence du capitaine Dreyfus. Des dizaines d’autres livres de cette sorte peuvent être considérés comme des « documents historiques ». Doit-on tous les laisser rééditer et recréer l’ambiance qu’ils créèrent déjà dans le passé ? Est-il possible d’ignorer que Mein Kampf est un succès en Turquie en parallèle avec la montée de l’extrême droite d’Erdogan ?
J’ai dit que j’interpellais le sens moral de la décision de réédition. Cette interpellation ne contient aucune volonté d’offense comme le montre ma lettre à mon éditrice. Je crois que la discussion sur la morale à l’œuvre dans les actes de ceux qui ont des responsabilités a de l’importance, et peut-être surtout en ce moment. Je rappelle que c’est continuellement le cas à l’endroit des élus politiques, ce qui est bien normal. En interpellant j’agis dans ce cas en accord avec ce que la méditation des leçons du nazisme nous a enseigné. Hannah Arendt nous a appris à reconnaître cette méthode de banalisation du mal. Elle consiste à découper l’acte criminel en segments qui permettent à chacun d’y collaborer sans sentir de responsabilité personnelle dans le crime qui résulte à la fin de la chaîne des actes ainsi posés. Éditer, ce ne serait rien, même si c’est diffuser ? Diffuser un texte écrit pour convaincre, ce ne serait rien parce que le texte est indigeste ? Et à partir de là tout le reste.
Pour aller plus loin :
– Voir la lettre aux éditions Fayard
– Lire l’article « D’autres arguments contre la réédition de Mein Kampf »
– Voir la lettre aux éditions Fayard
– Lire l’article « D’autres arguments contre la réédition de Mein Kampf »
Un ami me reproche d’avoir fustigé les partisans de « l’indifférentialisme moral ». Je reconnais que l’expression désigne mal ce qu’elle veut nommer. Je visais l’attitude qui consiste à être indifférent aux questions de la morale à l’occasion de comportements individuels dans la vie en société. Je voulais dire qu’en dépit du fait que certaines choses ne soient pas illicites, on peut concevoir de se les interdire à soi-même. Si la publication de Mein Kampf est légale (ce que je conteste), celui qui prend la décision de l’éditer et ceux qui approuvent sont-ils, dès lors, dans leur bon droit ? Pour moi, nul n’est jamais exempté de sa responsabilité individuelle ni de la portée de ses actes. C’est ce que font d’ailleurs les croyants laïques qui respectent la loi mais s’interdisent à eux-mêmes ce qu’elle permet. Ainsi celles qui sont contre l’avortement ne le pratiquent-elles pas pour elles-mêmes sans vouloir interdire aux autres la liberté de le faire, même si elles jugeront nécessaire de chercher à les en dissuader. Pour autant, d’aucuns disent qu’aucune règle ne saurait s’imposer à la conscience de tous. Ils disent que chacun aurait sa norme de conscience et que cette liberté-là ne serait pas réductible. Chacun agissant pour ce qui lui semble le mieux, il en résulterait que tout finirait par être bien pour tout le monde. C’est ici l’image de la main invisible transposée dans la sphère des mœurs et des usages de vie commune.
Cette idée n’est pas sans fondement. Elle s’appuie sur une apparence que l’on peut observer autour de soi. En effet, au quotidien, rares sont ceux qui se soucient au moment d’agir de savoir ce qui est bon pour tous. La plupart se contentent de ce qui leur parait bon spontanément, étant entendu qu’ils le savent dans la mesure où cela leur parait bon pour eux-mêmes. Partant de ce constat, on pourrait s’en satisfaire sans demander davantage. En effet on rappellera combien rien n’est pire que les gardiens d’une morale collective qui se chargeraient d’en surveiller l’application et d’en faire respecter de force les règles. Car cette surveillance se fait toujours d’après l’évaluation personnelle du gardien des bonnes manières. Ce ne peut être autre chose qu’un arbitraire. C’est en général ce que font les théocrates qui prétendent gouverner selon la loi de leurs dieux respectifs. Il n’est pas étonnant qu’en Iran il y ait une police des mœurs. Ni que dans certains quartiers, d’aucuns scotchent les interrupteurs de la cage d’escalier pour s’assurer que nul ne travaille le samedi, fusse à pousser un bouton. Ni que des violents empêchent l’accès aux centres d’IVG au nom du péché qu’ils pensent s’y voir commettre. Ici on voit que la loi morale qui « vient d’en haut » est friande de dispositif intrusif ou répressif chargé de la mettre en œuvre. Il est vite sans limite compte tenu du commanditaire supposé.
En France, le refus de la morale imposée « d’en haut » au prétexte d’une autorité discutable est bien enraciné dans l’histoire longue de la lutte contre les privilèges féodaux appuyés sur l’autorité de l’Église. Il explique la persistance d’un courant d’idée resté hostile à toute idée de norme fixée de « l’extérieur » par d’autres que soi. Ou, pour mieux dire : par d’autres que sa propre conscience. Ce sentiment s’est amplifié au fil des persécutions religieuses dont notre pays a été le théâtre pendant plusieurs siècles. L’affaire vient de loin. Dès le seizième siècle, le courant « libertin », celui des libertés individuelles et des lumières renaissantes, se présente aussi comme une contestation de la légitimité de tout pouvoir politique se réclamant de Dieu. Bien sûr, dans ses premiers pas, ce courant comportait aussi une composante sociale de nobles qui affiche cette conviction pour justifier sa liberté de mœurs. Mais les seigneurs restant maîtres de toute chose, leur liberté de mœurs débarrassée de l’interdit moral s’exerçait au besoin sans le consentement de ceux avec qui elle était pratiquée. On devine qu’elle conduisait à des abus aussi exécrables que ceux des bigots.
Ici surgit la limite que l’on devine : la liberté sans règle n’est jamais que la liberté du plus fort. C’est bien pourquoi la règle morale a précédé Dieu dans l’histoire réelle. Autrement dit, sans Dieu il faut encore des règles. Mais d’où tirer leur légitimité ? Ainsi est lancé un défi à ceux qui n’acceptent aucune morale « venue d’en haut ». Il nous faut répondre : existe-t-il un comportement que l’on peut qualifier de socialement moral et quelle est sa légitimité à se dire tel ? Bien entendu, je n’ai pas l’intention de prêcher ici quoi que ce soit ni de proclamer je ne sais quel code. Je ne fais que donner ma façon de voir à cet instant de ma vie en fonction de mon expérience et de ma réflexion. Je le fais parce que la politique se fait désormais dans une période saturée par les querelles à propos des injonctions morales des représentants de Dieu d’un côté et, de l’autre de l’indifférence morale des dandys. C’est donc un vulgaire laïque « outrancier » qui doit rappeler que le Mal existe et qu’on l’a déjà beaucoup rencontré notamment du fait du livre Mein Kampf !
Est-il nécessaire de se doter d’une morale ? Peut-on s’en passer et vivre au fil de l’eau ? Vendre n’importe quel livre parce qu’il y aura des clients ? Bien sûr, tout est possible du moment qu’on accepte d’en payer le prix pour soi. Et sans tenir compte des autres. Si l’existence d’une règle morale à laquelle on décide de s’astreindre remplit une fonction sociale vitale, elle reste aussi indispensable à la construction de soi de chacun. Je n’évoque ici aucun supplément d’âme au doux parfum métaphysique. Je parle d’un processus de construction psychologique très concret. Car la morale est la condition du passage de l’état d’individu à celui de personne. C’est le jeu des interactions personnelles, le « vivre ensemble » qui construit chacun d’entre nous depuis le premier regard des parents croisé avec celui de l’enfant. Et de là part le processus qui construit à chaque instant la société. Je m’explique.
Notre implication de fait dans le grand nombre des humains et la vie dans les systèmes complexes dont chacun de nous dépend, tout cela nous individualise mécaniquement. Chacun de nous vit sa différence avec tous les autres du fait de ses dépendances multiples et originales dont atteste son numéro de sécurité sociale, son numéro de carte grise, de carte d’identité, d’abonnement au gaz, d’identifiant et de mots de passes multiples. Qui voudrait l’oublier serait vite rappelé à l’ordre par les injonctions et demandes de tous les systèmes qui ne fonctionnent qu’avec ces clefs d’entrée. Oui, contrairement à ce que l’intuition suggère, l’appartenance au grand nombre individualise ceux qui le composent. Mais alors comment passe-t-on du statut d’ayant droit multiple répondant à d’innombrables appartenances singulières, à celui de sujet social responsable intimement lié aux autres? Pas autrement qu’en s’impliquant au sort des autres. Nul ne peut y échapper. La relation intime qui institue notre unité sous le regard des autres nous fait savoir que nous sommes uniques parce que nous sommes responsables des conséquences de nos actes sur les autres. Il s’agit de sentiments autant que de situations de vie : amour, fraternité, ou bien métier, famille, engagements, nous instituent. L’individu est produit par la société mais il s’y inclut dans la contrainte où il se trouve d’assumer personnellement ses liens sociaux. Ici revient la question morale : d’après quelles règles vais-je assumer ces liens ?
Une morale laïque, une morale qui laisse de côté la question de son approbation par Dieu (quitte à y revenir si l’on veut ensuite), se pense comme une clef de comportement davantage que comme une série de règles gravée dans le marbre. Bien sûr, l’expérience fait qu’une partie de ces règles finit par aller de soi dès qu’on en a fait une fois un usage positif. La morale dont il est question ici est une méthode de gestion de la relation aux autres. Son application ne vise aucune récompense autre que la satisfaction d’agir en tenant compte du bien de tous. Bien sûr, il faut avoir déjà compris que le bien pour soi trouve sa place dans le bien de tous. Les règles se déduisent alors d’un principe initial préalable. Est bon ce qui est bon pour tous. D’instinct, le populaire le sait quand il rouspète contre quelqu’un qui agit d’une façon qui ne lui paraît pas convenable : « ah, ben si tout le monde faisait pareil, ce serait du joli ! ». C’est dire en négatif : ce qui est admissible, c’est ce que tout le monde aurait le droit de faire sans nuire à personne. Dès lors, ce qui n’est pas généralisable doit être regardé avec soin avant d’être jugé acceptable ou pas. On sait bien que ce sentiment peut aussi charrier bien des préjugés et les perpétuer. C’est pourquoi la morale de la responsabilité doit toujours rester « inquiète », c’est-à-dire en mouvement, pour ne pas se contenter de perpétuer les préjugés. Comment rester « ouvert » tout en assumant ses certitudes ?
Dans la vision matérialiste de la réalité, toute chose est en construction, tout est processus. L’être lui-même n’a de réalité que comme un point provisoire sur l’onde continue que l’on nomme le temps qui passe. Une série de règles figées est condamnée à être continuellement subvertie par le foisonnement éruptif des situations réelles. La morale dont je parle postule la responsabilité de chacun devant toute la réalité à laquelle il participe d’une façon ou d’une autre. Se sentir responsable de tout c’est dire que tout nous concerne parce que tout nous implique et que nos actes, si limités soient-ils, retentissent sur le tout.
C’est une évidence indiscutable du point de vue de l’écosystème auquel nous participons tous. La morale de la responsabilité s’ancre largement dans la prise de conscience écologiste. La morale de la responsabilité postule donc qu’il existe un intérêt général humain duquel elle va pouvoir se déduire en tant que bon comportement individuel. Elle couvre donc un large espace de connaissances nécessaires, d’appréciations différenciées, de remises en cause permanentes et ainsi de suite. Un autre moyen d’ouverture permanente de la morale de la responsabilité dans la vie de la cité est le choix de l’insurrection morale permanente. Je parle du choix qui consiste à trouver inacceptable et insupportable toute offense faites à la dignité humaine ou à la souffrance des êtres sensibles, où que ce soit. Une autre bonne pratique de l’ouverture morale est l’éducation culturelle et le savoir qui élargissent la capacité à percevoir tous les aspects d’une réalité pour agir à bon escient et moralement. Le beau, le juste et le bon doivent coïncider pour qu’un acte soit parfaitement moral, dans mon point de vue. Pour moi tout cela se tient.
La mise en adéquation de ses principes d’action personnelle avec les principes que l’on découvre bénéfiques pour la société est la base de cette harmonie de l’être moral avec l’environnement dans lequel il évolue. Telle est la définition que je donne de la Vertu. On comprend que ce n’est pas une question de mœurs, même si les mœurs peuvent être concernées. On peut alors emboîter ce qui vient d’être dit. La pratique de la Vertu permet d’être une personne et non un simple individu rouage des systèmes qui nous incluent. Comme la Vertu consiste à vouloir le bien commun à travers ses actes personnels, le personnalisme qu’elle propose peut-être dit républicain, au sens où il est voué à la chose publique.
Le personnalisme républicain n’est pas un dogme ou un code, c’est une pratique. Celle-ci s’accomplit à son plus haut niveau dans certaines circonstances. Parmi celles-ci, je place évidemment l’engagement civique et politique qui est une sorte de paroxysme de participation à la vie commune dans la cité. Évidemment, le vote personnel est un moment privilégié de cet engagement. Mais on pourrait aussi classer dans cette catégorie toutes les occasions où nous agissons en commun en respectant des règles consenties. Je pense à la pratique de sport collectif, la vie associative, le syndicalisme, la pratique culturelle et ainsi de suite. Dans ces conditions, tout acte peut être situé sur l’échelle du bien et du mal. Éditer un livre criminel n’est pas un acte neutre du seul fait qu’on le voudrait. Personne ne peut contester que cette publication ait déjà provoqué des millions de morts dans un contexte donné. Personne ne peut nier que les conséquences de ce livre soit toujours à l’œuvre. Personne ne peut nier qu’un contexte sulfureux se réunit sous nos yeux. Éditer Mein Kampf ou bien encourager son édition, quand bien même on ne compte pas le diffuser soi-même, est un acte mauvais parce qu’il va faire du mal. Le bien est la pratique de la Vertu. Celle-ci commande de combattre la production du mal à sa racine et d’interdire Mein Kampf.
La suite ici ---->http://melenchon.fr/2015/11/01/mal-existe-vertu/
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