CGT : Martinez reconnait des « inégalités » dans la mobilisation
Sans parler d'échec, Philippe Martinez a reconnu que la journée d'action interprofessionnelle du 8 octobre n'avait pas répondu à ses attentes. Le secrétaire général de la CGT s'exprimait, le 5 novembre, devant la commission exécutive (CE) de sa centrale, composée de 56 membres, une intervention dont Le Monde peut révéler la teneur. Rendant compte de "réunions téléphoniques" avec des fédérations et des unions départementales (UD), Philippe Martinez a relevé que "des organisations ont ainsi demandé de l'aide face à la montée du Front national dans la perspective des élections régionales ou bien sûr la question des réfugiés". "Nous devons veiller à ce que tout le monde en ait la même vision", a-t-il commenté de manière elliptique.
Mais c'est sur l'analyse de la journée d'action du 8 octobre que son propos a le plus détonné: "Les retours, a-t-il déclaré, montrent des inégalités de mobilisation selon les territoires et les professions. Mais ce qui ressort de façon quasi-unanime, c'est le manque de visibilité des appels à l'action dans les entreprises, l'absence des salariés, voire des syndiqués, dans les cortèges et les rassemblements. Ces absences sont notées, y compris quand des mots d'ordre spécifiques ou des initiatives existent dans l'entreprise". Pour Philippe Martinez, "de plus en plus, les salariés sont convaincus que des succès revendicatifs sont possibles au sein de leur établissement mais que c'est plus difficile à l'échelle d'un groupe, au niveau national, voire impossible au niveau interprofessionnel".
Une problématique qui interpelle le patron de la CGT. "La construction d'un tousensemble, a-t-il affirmé, reste une exigence forte parmi les syndicats les plus avancés dans la construction du rapport de force, elle est moins évidente pour beaucoup d'autres. Comment conjuguer, sans les opposer, ancrage revendicatif et d'action à l'entreprise et élévation du rapport de force à l'échelle interprofessionnelle? Comment se sortir des débats souvent stériles entre ceux qui râlent sur les journées d'action nommées ''saute-moutons'' et les nombreuses initiatives dans les entreprises, professionnelles ou territoriales? (...) Comment rassembler la diversité du salariat, des statuts à travers des formes de luttes qui permettent une intervention, une implication du maximum de salariés?"
Philippe Martinez qui campe, depuis son élection le 3 février, sur une ligne radicale en espérant qu'elle lui assurera sa réélection au congrès de Marseille, du 18 au 22 avril 2016, a réaffirmé sa volonté d'imprimer "une démarche qui conjugue contestation d'une politique d'austérité et une avalanche d'accords ou de lois régressifs et la nécessité de construire des alternatives, de proposer des réformes innovantes", comme sur la sécurité sociale professionnelle ou la réduction du temps de travail, "avec la référence à 32 heures entre autres". Affichant sa conception d'un "syndicalisme tourné vers les salariés", le secrétaire général de la CGT a annoncé une "consultation de masse, avec des questions simples et ouvertes" dont la première étape aurait lieu début mars, dans le cadre de la préparation "extraordinaire" du congrès. Sur les 2 000 syndicats qu'il a l'intention de visiter d'ici avril, il s'est félicité d'avoir "dépassé le cap des 1 000 rencontres".
Toujours en butte à l'hostilité ou aux réticences de plusieurs fédérations, Philippe Martinez, dont la gouvernance est jugée en interne autoritaire, peine encore à s'imposer. La décision de ne pas participer à la conférence sociale du 19 octobre a été entérinée au dernier moment par la commission exécutive - qui, avant les incidents à Air France, s'était prononcée en faveur de la présence - à une seule voix de majorité. Et des révolutions de palais viennent de se produire dans deux des plus grosses UD, "les préfètes", de la CGT. Fin octobre, le secrétaire général de l'UD des Boûches-du-Rhône, réputée pour être sur une ligne dure, Thierry Pettavino, a été démis de ses fonctions par sa commission exécutive. Certains contestataires reprochaient au patron de l'UD 13, celle qui va héberger le congrès confédéral en avril, d'être "trop proche de la confédération". D'autres jugeaient Thierry Pettavino, membre de la CE confédérale, "trop mou". Un collectif transitoire a été mis en place pour diriger l'UD, en attendant l'élection d'un nouveau secrétaire général. D'aucuns craignent que le (ou la) prochain(e) titulaire appartienne à la mouvance trotskiste lambertiste qui s'est déjà emparée de l'UD de Seine-Maritime.
Une autre changement est en train de se produire dans l'UD du Nord. Son secrétaire général, Vincent Delebarre, n'a pas démissionné mais il a annoncé qu'il ne se représenterait pas pour un nouveau mandat. C'est la conséquence du vote pour l'élection de Philippe Martinez. Vincent Delebarre était mandaté pour voter contre et il avait voté pour. La fédération de la santé avait elle aussi pas respecté son mandat - votant pour au lieu de contre - et dans les deux cas la sanction est la même, un changement de secrétaire général. Là aussi, un collectif transitoire a été mis en place mais c'est, à l'évidence, un nouveau coup dur pour le dirigeant de la CGT.
Le dernier déboire en date a pour théâtre le Conseil économique, social et environnemental (CESE). La liste des 18 membres du groupe cégétiste - au lieu de 17 dans l'assemblée sortante, la CGT ayant gagné comme la CFDT un siège, à la faveur de la mesure de représentativité de 2013 - que Philippe Martinez avait fait valider par sa CE a été retoquée par le premier ministre parce qu'elle ne respecte pas la stricte parité imposée par la loi organique sur le CESE. Elle comprenait plus de femmes que d'hommes... Face au refus de validation par Matignon, le patron de la CGT ne veut pas céder. Il pourrait choisir d'enlever une femme sans la remplacer par un homme... Résultat, dans cette hypothèse, la CGT reviendrait à la situation antérieure et... perdrait un siège.
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