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mardi 31 décembre 2024

LSDJ (La Sélection du Jour) - Sciences Notre Univers peut-il rebondir ? Ou les difficultés des Univers cycliques - Mardi 31 décembre 2024

 



La Sélection Du Jour
31 Décembre 2024 - N°2360

Sciences

Notre Univers peut-il rebondir ? Ou les difficultés des Univers cycliques

Einstein et Tolman / DR
L'idée des Univers cycliques, issus de cycles infinis de contraction et d'expansion, apparaît finalement très improbable, à cause de quatre problèmes : 1. le niveau d'entropie augmente à chaque cycle et devrait être infiniment grand ; 2. le nombre de trous noirs augmente à chaque cycle et devrait aussi être infiniment grand ; 3. la force répulsive de l'énergie noire devrait finir par dominer et conduire à des expansions de plus en plus grandes et à un moment sans fin ; 4. les irrégularités de l'Univers devraient être accentuées à chaque cycle, conduisant à un Univers infiniment déformé (et non homogène et isotrope comme le nôtre). Au total, il semble aujourd'hui très difficile d'imaginer un modèle cosmologique réaliste qui puisse répondre à ces quatre problèmes... Selon toutes probabilités, il y a donc eu un début absolu à notre Univers...

Sur la photo, ils se tiennent tous les deux debout, devant un tableau noir. Alors que le personnage de gauche fixe l'objectif, celui de droite semble un peu hagard. Le regard perdu, il donne l'impression de ne pas avoir remarqué le photographe. C'est Albert Einstein, qui pose en 1932 au côté de son collègue et ami Richard Tolman, professeur à Caltech. Derrière eux se détache un tableau où s'affichent quelques maigres équations, et, dissimulé sous un autre panneau, on remarque un dessin sur lequel on devine une illustration de rebonds : Tolman vient d'expliquer à Einstein que sa théorie de la Relativité générale pouvait décrire un univers fait de contractions et d'expansions cycliques. Notre Univers pourrait-il donc être un cœur battant, qui distribuerait son énergie aux galaxies ? Malgré une image séduisante, nous allons voir que cela n'est pas si simple.

En 1998, Adam Riess et ses collègues font l'une des plus grandes découvertes de ces cinquante dernières années : notre Univers est en expansion accélérée. Cela veut dire que les galaxies s'éloignent de nous de plus en plus vite, comme habitées par une force répulsive qu'on appelle énergie noire (cf. LSDJ 2080 sur le sujet). Pourtant, Riess voulait, au contraire, mesurer le ralentissement de l'Univers. En effet, la gravité est une force attractive, et il aurait été naturel que l'expansion commencée il y a 13,8 milliards d'années, au temps 0 souvent appelé Big Bang, connaisse plutôt une phase de ralentissement.

C'est un peu comme si vous lanciez une balle de tennis en l'air, et que l'énergie que vous lui donnez au travers de votre main soit l'énergie initiale du Big Bang. Reconnaissez qu'il n'est pas tous les jours donné de prendre la place du Créateur ! Si vous lancez la balle avec suffisamment de force (plus de 40 000 km/h, quand même), elle sera « satellisée ». Elle échappera à la gravité, et ne retombera jamais sur Terre. Sa course dans l'espace sera ralentie, par contre, parce que la Terre continuera à jouer un rôle d'attracteur. En mesurant ce ralentissement, il est facile de calculer la masse de la Terre. C'est un peu ce qu'avaient en tête Adam Riess et ses collègues pour mesurer la masse de l'Univers au travers de son ralentissement.

Par contre, si vous lancez la balle avec moins de conviction, celle-ci retombera sur Terre, et finira en une série de rebonds. La théorie d'Einstein prévoit justement, mathématiquement, ces deux scénarios pour l'Univers. Les modèles d'Univers à rebonds, que Tolman venait d'expliquer à Einstein avant que le photographe ne les prenne sur le vif, sont aussi appelés Univers cycliques. Mais ils présentent de nombreux problèmes, sur lesquels se penchent encore certains physiciens.

1. Tout d'abord, à chaque rebond, l'Univers crée ce qu'on appel de l'entropie, ou du désordre. Un peu comme la balle, à chaque rebond, chauffe légèrement le sol. Il en résulte que plus l'Univers rebondit, plus son entropie augmente, à un point tel qu'au bout d'une vingtaine de rebonds, l'entropie générée serait bien plus grande que celle qui est observée actuellement.

2. De plus, les trous noirs formés entre chaque rebond devraient rester présents, leur durée de vie étant immense. Notre galaxie devrait donc contenir énormément de trous noirs « reliques », en nombre bien plus grand que les étoiles, ce qui n'est manifestement pas le cas.

3. Par ailleurs, à chaque rebond, l'entropie produite a tendance à faire rebondir l'Univers encore plus haut, telle une force qui pousserait la balle à chaque fois un peu plus. Or, un Univers trop peu dense, en présence d'énergie noire, finit toujours par être dominé par cette dernière, et entre à un moment en phase d'expansion accélérée, sans fin, effaçant le souvenir de ses rebonds passés.

4. Enfin, il est facile de montrer que, à chaque rebond, l'Univers ne reprend pas exactement la même trajectoire qu'au rebond précédent. Un peu comme la balle de tennis, qui dévie de sa trajectoire au bout de trois ou quatre rebonds. Et cela aurait des conséquences dramatiques puisque, chaque petite perturbation en entraînant une autre, cela conduirait nos galaxies, non pas à suivre une distribution homogène comme nous l'observons dans le ciel, mais à s'accumuler autour des petites perturbations, de plus en plus à chaque rebond, jusqu'à prendre une forme de cigare. Et au vu des observations, Dieu ne semble pas être un fumeur de havane…

Même si, dans les années 1990, certains scientifiques ont proposé des alternatives dites ékpyrotiques, où des dimensions supplémentaires pouvaient servir de dévidoir aux surplus d'entropie ou de trous noirs, aucun modèle actuellement sur le marché n'est totalement satisfaisant. Aucun Univers cyclique n'est au final véritablement éternel dans le passé. Alors, donc, même si notre balle de tennis s'est perdue à tout jamais dans les confins de l'Univers, je vous propose de nous consoler autour d'un bon Cohiba, et d'apprécier ses volutes de fumée comme autant de galaxies dans notre Univers si joyeux.

Janus Maat

Big Bang ou rebond éternel : de nouvelles découvertes redessinent les débuts de notre univers

>>> Voir l'article de Trust My Science
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