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lundi 30 décembre 2024

LSDJ (La Sélection du Jour) - International Un an de présidence Milei en Argentine ou les vertus insoupçonnées de la tronçonneuse...lundi 30 décembre 2024

 



La Sélection Du Jour
30 Décembre 2024 - N°2359

International

Un an de présidence Milei en Argentine ou les vertus insoupçonnées de la tronçonneuse...

Photo : Javier Milei à Rome le 14 décembre 2024 (Shutterstock).
L'élection de Javier Milei a stupéfié les grands médias occidentaux qui l'avaient taxé de « populiste » et « d'extrémiste ». Son programme allait à coup sûr faire plonger l'Argentine dans le chaos... Après un an de présidence, les premiers résultats donnent au contraire des preuves de redressement alors que le pays était ruiné depuis des décennies par un État omniprésent et corrompu.

Javier Milei avait créé la surprise en novembre 2023 en gagnant l'élection présidentielle argentine. Un excentrique qui voue une passion telle aux Rolling Stones qu'il en a gardé le style capillaire et qui promettait de redresser un pays complètement ruiné par des décennies de gestion socialiste grâce à un traitement de choc ultralibéral… Le libertarien qui exhibait une tronçonneuse vrombissante à la foule comme une promesse de couper dans les dépenses de l'État est aussi un professeur d'économie. Or, les résultats obtenus en 12 mois sont tellement impressionnants qu'on peut parler d'une révolution politico-économique. Il convient de revenir rapidement sur l'histoire du pays : l'Argentine était le pays le plus riche du monde en 1896 (en revenu par habitant) et disposait d'une constitution libérale inspirée des « pères fondateurs » états-uniens depuis 1853. Buenos Aires était devenue en 1914 l'une des métropoles mondiales les plus importantes et la destination de très nombreux émigrés européens (la moitié des résidents de la capitale n'étaient pas nés sur place). Restée à l'écart des guerres mondiales, l'Argentine n'avait pas échappé à l'influence des conflits idéologiques. L'arrivée au pouvoir d'un militaire — Juan Domingo Perón — en 1946 allait plonger le pays dans une spirale d'appauvrissement de près de 80 ans. Car le « péronisme » survit depuis sa mort en 1974. Fasciné par Mussolini, Perón était un adepte du collectivisme, de la nationalisation des entreprises, et il a régné sur le pays de 1946 à 1955 (avant de revenir brièvement au pouvoir en 1973 jusqu'à sa mort). Il a prôné une « troisième voie » refusant le libéralisme occidental et le communisme soviétique. C'est au début de sa présidence que de nombreux anciens nazis ont été accueillis en Argentine. Le pays a connu des décennies d'instabilité — gouverné par des juntes militaires principalement — après son exil en 1955 et sa courte dernière présidence en 1973.

Le plus surprenant dans l'élection de Milei : 70 % des jeunes (de 16 ans — âge légal pour voter — à 24 ans) ont voté pour lui. Les réseaux sociaux ont joué un rôle central : l'équipe autour de Milei a privilégié ces médias pour expliquer ses préconisations. Le style excentrique de Milei, ses accents révolutionnaires ont parlé à cette classe d'âge réclamant un changement radical. Dès son élection, il a mis en place les actions qu'il avait promises alors qu'il n'avait pas de majorité au Congrès. Aujourd'hui, la population approuve sa gestion à 66 % (sondage du 26 novembre au 2 décembre derniers). À titre de comparaison, Emmanuel Macron bénéficie de 18 % d'approbation en France.

La tronçonneuse a fonctionné à plein régime : 10 ministères fermés (sur 18), arrêt des projets d'infrastructure publique, coupes drastiques des transferts vers les gouvernements régionaux. Il a dévalué le peso (la monnaie nationale) de 50 % et le laisse filer de 2 % par mois pour rendre son cours officiel plus proche de sa valeur réelle. Cette politique vise à encourager les investissements étrangers tout en poussant les ménages à moins acheter des produits importés. Le premier effet a été une chute lourde du PIB de 3,5 % cette année (moins de consommation des ménages et de dépenses publiques), faisant monter le taux de pauvreté de 40 % à 53 % en juin. L'autre conséquence prévisible était une flambée de l'inflation mensuelle à court terme : elle est passée de 12,8 % en novembre 2023 à 25,5 % le mois suivant. Cela correspondait à une inflation de 1400 % sur base annuelle. Les effets de ce « traitement de cheval » étaient prévisibles et Milei avait par avance expliqué aux Argentins ce qui allait arriver. Dès le mois d'avril, l'inflation mensuelle est tombée sous la barre des 5 %. Cela reste élevé par rapport aux standards internationaux mais historiquement bas en Argentine.

Les salaires progressent plus vite que l'inflation ! Ils connaissent une hausse de 6 % mensuellement, soit 2 à 3 points au-dessus… Le taux de pauvreté est passé de 53 % en juin à 49 % maintenant. Le pari de Milei est d'engager un cycle vertueux pour relancer le PIB (voir l'interview en lien). Cela implique de couper dans les dépenses de l'État, de diminuer la consommation en poussant les exportations et d'encourager les investissements étrangers. Ça fonctionne : les exportations ont atteint à fin juillet 45,4 milliards de dollars (+14.8 %) contre des importations en baisse de 25,9 % (33,1 milliards). L'Argentine a donc une balance excédentaire de 12,3 milliards (contre un déficit de 5,2 milliards l'année dernière). Le pays compte sur ses réserves de lithium et de cuivre pour augmenter ce bilan. Le gisement de gaz de roche « Vaca muerta » en Patagonie est aussi très prometteur. Pour la première fois depuis 2011, l'Argentine est exportatrice d'énergie.

L'économie argentine est toujours en récession, mais les résultats obtenus en quelques mois sont remarquables. Elon Musk veut s'inspirer de cette expérience dès le début de la présidence Trump. Mais est-ce réplicable ? Car Milei a pu engager ces réformes drastiques en cassant le centralisme bureaucratique parce que la situation était devenue désespérée : les Argentins étranglés par l'inflation étaient prêts à des sacrifices à court terme pour des lendemains meilleurs …

Ludovic Lavaucelle

Javier Milei: Argentina’s comeback, Trump tariffs & the fight for the Falklands

>>> Voir l'interview sur : The Spectator (via YouTube)
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