La consommation de pornographie continue d'exploser d'années en années, entraînant nombre de jeunes et moins jeunes dans son sillage. Le risque pour ces consommateurs : tomber dans l'addiction jusqu'à en détraquer leur vie. Face à ce constat alarmant, quantité de témoignages et d'initiatives émergent pour mettre fin au cycle infernal. Une tendance, là aussi, à la hausse.
Chaque année, les plateformes de streaming et téléchargement pornographiques publient leurs statistiques. Et le constat est alarmant. À en croire les chiffres du site n°1 en 2023, la France se hisse sur le podium des plus gros consommateurs de contenu pornographique, derrière les États-Unis et les Philippines. Fait plus notables encore : plus de la moitié des visiteurs a entre 18 et 34 ans et 27 % ont moins de 25 ans. Notons le biais dans ces statistiques : pour accéder au contenu en ligne, il faut simplement cocher une case certifiant que l'on est majeur. Une bien piètre sécurité à passer pour tous les mineurs en quête de vidéos X.
Car les jeunes sont en réalité très nombreux à consommer du porno. Selon une étude de l'IFOP en 2023, « la loi du 30 juillet 2020 sur le contrôle de l'âge à l'entrée des sites X n'est pas du tout respectée ». Pire, « l'exposition à la pornographie est massive et touche des adolescents de plus en plus jeunes ». L'âge moyen du premier visionnage continue de chuter : 16 ans pour les filles, 14 ans et demi pour les garçons. Et qui dit moyenne dit qu'une bonne partie se situe encore en-deçà, le premier visionnage pouvant carrément dater de l'école primaire ! Ce fait indique qu'une part importante des nouvelles générations s'éduque à la sexualité via la pornographie. Cela les expose à une image factice — les acteurs eux-mêmes l'évoquent — et stéréotypée (rôles caricaturaux). La chose n'est pas nouvelle puisque Atlantico alertait déjà sur ce sujet il y a plus de dix ans, chiffres à l'appui.
Cette consommation précoce est aggravée par une notion de fréquence. Selon un rapport du Sénat, 136 milliards de vidéos sont visionnées chaque année et 35 % des vidéos sur Internet sont de la pornographie. En 2013 déjà, Atlantico évoquait le cas d'étudiants pouvant passer jusqu'à 5 heures par semaine sur des sites pornographiques ! Dix ans après, la hausse du temps moyen de consommation continue. On peut mentionner la crise du coronavirus et l'impact des confinements : le bond aurait été de 50 %, selon le secrétaire d'État chargé du Numérique. Mais il faut dire aussi que la société a banalisé cette pratique. Certaines émissions comme « Allô Docteurs » en parlent même aujourd'hui comme quelque chose de normal, voire de « très bien » (à 5 min 10 s). La culture célèbre même cette industrie au travers de figures starisées, comme Rocco Siffredi ou Clara Morgane. Mentionnons aussi les événements médiatiques comme les Hots d'Or, les Venus de Berlin et autres remises de prix dignes des Oscars. Après tout, s'il n'y a pas de problème (autre que la culpabilité évoquée), pourquoi se priver ?
Premièrement, parce que le porno omniprésent n'est pas sans conséquences. La psychologue clinicienne Lynda Mayer, issue de l'université du Minnesota, en dresse même une liste à blêmir. Cela peut aller d'une baisse de la productivité dans le travail à une baisse du désir « dans la vraie vie ». Des études citées ont de plus mis en évidence un lien direct avec une hausse des dysfonctionnements érectiles chez les hommes. Plus inquiétant, de nombreux divorces impliquent des difficultés sexuelles ou relationnelles issues de la consommation de contenu X. On identifie même chez certains consommateurs des syndromes de type stress post traumatique. La liste rappelle aussi les risques de normalisation de la violence, de la consommation de drogue, quand ce n'est pas carrément de crimes ! (La pédopornographie présentant des mineurs à l'écran par exemple). Passons sur le volet financier... Les producteurs encaissent beaucoup d'argent sur le dos des gens, quand ce n'est pas sur fond de trafic ou d'exploitation des personnes montrées en vidéo. Le rapport du Sénat (voir plus haut) évoque des revenus du porno de 140 milliards de dollars par an, dont 17 milliards aux États-Unis... soit plus que Netflix et la NBA réunis !
Si toutes ces données présentent un intérêt, l'information clef donnée par Lynda Mayer est celle-ci : 10 % des Américains admettent être dépendants du porno. Et le phénomène mis en lumière en Amérique existe bien entendu ailleurs. On touche ici à la notion d'addiction au X, un fait établi pour beaucoup de professionnels de santé mais encore débattu. À ce jour, elle n'est pas reconnue comme trouble mental au même titre que d'autres dépendances. Cela n'empêche pas de plus en plus d'émissions de mentionner le fait directement et de s'interroger ouvertement sur la régulation à mettre en place. De nombreux Youtubeurs (principalement des hommes) témoignent aussi de pourquoi ils ont arrêté la pornographie et de comment elle a nui à leur santé mentale et affective.
Plusieurs proposent carrément des méthodes pour en sortir, mentionnant diverses plateformes et initiatives. On peut parler d'un véritable essor de sites ou d'associations combattant cette dépendance : SOSPorno.net, Libre pour aimer, Stop au porno, We Are Lovers, Cœur Hackeur… La liste grandit de jour en jour et si la majorité des initiatives étaient au départ confessionnelles (associations catholiques pour la plupart), de plus en plus de collectifs sans lien avec la religion se développent. Une application baptisée Sentinel doit même être lancée le 23 octobre 2024. Son concept ? Bloquer l'accès aux sites X et associer les gens souhaitant sortir de la dépendance à un binôme ou une équipe (en famille, en couple ou entre amis). La coopération comme gage de réussite en somme. Une notion qui pourrait s'appliquer à ce large éventail de combattants contre le porno. Reste à voir si ce dynamisme portera ses fruits dans les années à venir.
Corentin Rahier
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