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dimanche 20 octobre 2024

Là - bas si j'y suis - 17 octobre 1961, roses rouges dans la Seine...dimanche 20 octobre 2024

 



 Là-bas si j'y suis
 

17 octobre 1961, roses rouges dans la Seine

À Paris, sur le pont Saint-Michel, chaque année, le 17 octobre, on vient jeter une rose rouge dans la Seine à la mémoire des Algériens noyés et assassinés par le pouvoir français le 17 octobre 1961.

On se retrouve, on s’embrasse, on vieillit, Roger a une canne maintenant, Mahmoud est à l’hôpital mais sa fille est venue, et il y a de la jeunesse, mais si. On affirme qu’il y a même des jeunes juifs de gauche, mais si.

Cette année, drapeaux algériens et drapeaux palestiniens à nouveau sont mêlés, mêmes couleurs, même combat. Papon s’appelle Nétanyahou, mais c’est le même colonialisme. De Dunkerque à Tamanrasset, c’est ce que voulaient les colons français. Les sionistes genre Nétanyahou, c’est du Jourdain à la mer, mais c’est la même mission civilisatrice. On bombarde, on torture, on fusille, on affame, on gaze, on noie. Et à la fin on perd.

À l’époque, avec ses copains de l’OAS, Jean-Marie Le Pen aimait bien casser de l’Algérien.

Aujourd’hui, sa fille et ses fidèles descendants du RN soutiennent ceux qui cassent du Palestinien.

Ici on noie des Algériens.

Ici on bute des Palestiniens.

On meurt avec les mêmes mots en arabe, les mêmes corps dans la Seine ou dans des sacs, recouverts par les mêmes bulldozers et par le même oubli.

Pour les enfants, un petit sac suffit.

Roses rouges sur la Seine

On se souvient, le 26 août dernier, de l’ouverture des JO, comment depuis leur bateau sur la Seine les athlètes de la délégation algérienne ont jeté des roses rouges en passant sous le pont Saint-Michel à la mémoire des « martyrs » du 17 octobre 1961. Quelques secondes qui ont fait le tour du monde.

Où sont allées ces roses au fil de l’eau ?

En 1961, dans les transistors, une chanson se demandait : « où s’en vont toutes les fleurs ? »

Voilà la réponse, soixante ans plus tard.

Ces roses rouges ont vogué jusqu’au pont des Arts, deux ponts plus loin en allant vers la mer, au moment précis où Aya Nakamura faisait son apparition sur le pont avec ses danseuses toutes dorées sous la pluie.

« Oh, Djadja
Y a pas moyen, Djadja
J’suis pas ta catin, Djadja »

Le monde entier connaît par cœur, les jeunots surtout. La scène a fait la plus grosse audience télé de tous les temps en France, 31,4 millions de spectateurs ce soir-là. Et depuis, des centaines de millions de vues jusque sur les écrans des cosmonautes dans l’espace, jusque dans le moindre village du Mali.

Oui, par cœur et en chœur on connaît le show. Sur le pont, Aya et les danseuses arrivent depuis l’Institut de France, le temple des élites et de la langue française, Aya dont les paroles font parler. La chanteuse francophone la plus écoutée dans le monde a inventé une langue qui fait hurler tous les réacs les plus réacs, décadence, déchéance, toute la France rance est déchaînée. « Elle ne chante pas français », dit Marine Le Pen, « elle ne chante d’ailleurs pas étranger non plus ». On entrevoit ce que serait la culture si le RN arrive au pouvoir. Là, avec Aya, c’est de la haine en boucle. On ne peut plus rien dire, avec le wokisme on ne peut plus dire négresse, gonzesse, gros cul, racaille-de-quartier-retourne-chez-tes-singes. On peut plus rien dire même pour de rire, mais on se comprend. Suffit de dire qu’elle cause pas le français de la France.

Charabia, sabir, baragouin, jargon, pidgin, créole, galimatias, argot, le langage n’est pas une cage, la langue est comme cette eau courante avec des fleurs incongrues qui arrivent dedans on ne sait ni d’où ni comment, un long fleuve jamais tranquille, les linguistes vous expliqueront ça.

Le coup de génie du metteur en scène Thomas Jolly, c’est les musiciens de la garde républicaine qui arrivent à leur rencontre venant du côté Louvre. Toute la rigidité de la virilité coincée devant cinq femmes exubérantes sur les paroles d’un autre métèque, un certain Aznavour qui se réfère à la langue de Molière, un autre pervers.

Et là, il faut comprendre, attention. Aujourd’hui, la libération des femmes, ça signifie les femmes qui viennent libérer les hommes de la prison de leur virilité. Voilà le message d’Aya et de ses danseuses. Ça se voit dans le pas de danse hésitant que tentent les rigides gardiens de la musique républicaine avec leurs trombones à coulisse et leur gros hélicon. Ce n’est qu’un début, mais c’est un début.

Et les roses rouges dans tout ça ?

Elles font le lien entre deux ponts, entre deux moments de notre histoire, elles mesurent le chemin parcouru entre les noyés, en dessous, dans l’obscure mémoire du fleuve et les filles dorées qui dansent joyeusement au-dessus, comme une mutinerie sur le pont du navire colonial, avec la garde qui se rend en musique à la fin en dansant.

Hier, à coup de crosses et de câbles de vélo serrés autour du cou, les flics noyaient les immigrés algériens dans la Seine. Aujourd’hui, avec son nom japonais de vélo, son argot du neuf-trois et ses entourloupes langagières, une femme « issue de l’immigration », une Française née à Bamako fait danser la musique de la garde républicaine et les fachos en rage bouffent leur chapeau.

D’autant qu’entre les deux tours des législatives en juillet, elle aggrave son cas. Elle appelle à voter « contre le seul extreme a condamner car il n’y en a qu’un ».

Leur chapeau, ils l’ont en travers de la gorge.

Mais attention, répétons-le, hier le viril Le Pen cassait du bicot et aujourd’hui ses descendants ont déjà la main sur les clés du camion France.

Oh, Djadja, il est minuit moins une, Djadja, y’a pas moyen Djadja…

Daniel Mermet

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