Le soleil peut-il nous sauver du patriarcat ? C’est ce que je me suis demandée en entendant cette phrase : « Christopher, t’as mis de la crème ? Tu crames ! », remontant du dessous d’un parasol planté dans le sable chaud d’une plage bondée comme elles le sont toutes en ce mois d’août. « Nan », répond une voix d’homme adulte. « T’abuses ! Attends, je t’en mets », concède une femme qui se lève désormais de sous le parasol, pistolet solaire dans une main. Deuxième « Nan » de Christopher. De Donald Trump – qui avait choisi en 2017 de regarder une éclipse solaire sans lunettes de protection – à Christopher de la plage, des hommes pensent sincèrement pouvoir défier le soleil. Pourquoi ?
Selon « Biba », parce que ces Icares de la bêtise prennent « la vie comme elle va ». Et les mélanomes avec, donc. Par flemme (le flacon corps ne rentre pas dans une poche arrière d’un short), mais aussi par peur de paraître trop coquet (« le badigeonnage, c’est pour les femmes »), ces individus pratiquent la masculinité toxique pour eux-mêmes. Mais pas seulement, puisqu’ils embarquent dans leur folie les gens de sous les parasols qui leur courent après avec un tube de protection 50, privés de l’opportunité de faire tranquillement leurs mots croisés.
Les Christophers deviennent alors ces enfants de 5 ans, bob sur la tête, t-shirt anti-UV autour du cou, qui se débattent tandis que quelqu’un qui les aime tente de les protéger, au moins autant d’eux-mêmes que des éléments extérieurs. Ce sont ensuite ces homards, qui disent « même pas mal » quand on leur tape sur le dos à leur arrivée au bar de la plage, alors qu’ils ont pleuré sous la douche quand l’eau chaude a ravivé la brûlure de cette peau désormais en chiffonnade.
A qui la faute ? A la publicité, estime un expert dans un article du magazine féminin « Harper’s Bazaar », qui nous vend ces crèmes anticancérigènes comme des extraits de fontaine de Jouvence promettant le raffermissement des chairs. Résultat, les Chirstophers perçoivent le produit comme « féminin » (pourtant, le flacon n’est pas rose, Christopher), et estiment qu’il entre ainsi « en contradiction » avec leur masculinité. Qui, en plus d’être toxique pour tout le monde, est fragile. Rappelons qu’en 2018, le nombre de décès par mélanome de la peau était estimé à 1 135 chez les hommes (840 chez les femmes), selon Santé publique France.
Barbara Krief
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