Emmanuel Macron lance son « initiative d’ampleur », à quoi sert-elle ?
Le chef de l’État réunit ce mercredi 30 août à Saint-Denis les chefs des partis politiques représentés au Parlement, dans le but de converger vers des solutions communes.
CHRISTOPHE ENA / AFP
Emmanuel Macron photographié lors de l’ouverture du Conseil ministre vendredi 21 juillet.
POLITIQUE - Prenez des gens aux convictions et aux agendas radicalement opposés. Accordez-leur une considération qui ne dépend pas de leur poids électoral. Mettez-les autour d’une table, et espérez obtenir un consensus visant à « bâtir » des textes législatifs, pouvant ouvrir la voie à l’organisation des référendums.
Tel est le pari fait par Emmanuel Macron, qui réunit ce mercredi 30 août au Lycée de la Légion d’honneur à Saint-Denis tous les chefs de partis politiques représentés au Parlement. Une « initiative politique d’ampleur » visant à « réunir autour d’un projet clair et simple tous ceux qui veulent s’y retrouver ». Dans son interview fleuve accordée auPointle 23 août, puis dans la lettre envoyée à ses invités deux jours plus tard, le chef de l’État a dévoilé la philosophie de ce rendez-vous, présenté comme « une nouvelle d’étape d’unité et d’efficacité ».
Un échange à huis clos qui a vocation à brasser large, de la géopolitique à l’intégration, en passant par l’organisation territoriale, la réforme des institutions, l’école ou encore le pouvoir d’achat et l’inflation. Cet ordre du jour particulièrement dense laisse sceptiques les oppositions, échaudées par les précédents en la matière, du « grand débat » en réaction à la crise des gilets jaunes au destin contrarié de la Convention citoyenne sur le climat.
Alors, à quoi bon se donner tant de peine, alors que le risque d’un énième coup d’épée dans l’eau, à l’image du CNR ou du Haut-commissaire au Plan, est si élevé ? Qui plus est dans ce contexte de majorité relative où les oppositions n’ont aucune intention, ni aucun intérêt, à apparaître comme une force supplétive du pouvoir macroniste ?
Incarner le volontarisme
Première utilité pour le chef de l’État : se placer au centre du jeu. Alors que les émeutes et les différentes crises traversées par la France appellent effectivement une réponse politique, Emmanuel Macron entend se hisser à la hauteur des enjeux, en proposant aux différentes forces politiques de dépasser les clivages au nom de l’intérêt général. Un positionnement qui offre un double avantage.
Dans le cas où cette « grande initiative politique d’ampleur » accouche d’une mesure ambitieuse, Emmanuel Macron sera perçu comme le chef d’orchestre de cette réussite collective. « On nous a beaucoup reproché d’être arrogants lors du premier quinquennat, l’idée c’est de ne pas recommencer », décrypte un ministre, satisfait de constater que ce rendez-vous a le mérite de « mettre chacun au pied du mur ».
Mais même en cas de crash, le chef de l’État pourra retomber sur ses pattes, en fustigeant des oppositions incapables de saisir une main tendue pour le bien du pays. Ce qui, en cas de référendum ou de dissolution dans les années à venir, lui offrira une justification sur plateau. « Il aura fait la démonstration de son ouverture, donc s’il est contraint un jour d’aller au vote, il pourra dire ’j’ai tout essayé’ », analyse le ministre précité. Une analyse partagée par un pilier de la majorité, qui résume l’enjeu ainsi : « on tente le tout pour le tout ».
Enjamber la rentrée
Autre intérêt pour le chef de l’État, se projeter au-delà d’une rentrée marquée par de nombreuses difficultés, que ce soit sur le front enseignant, ou sur le plan social, avec une inflation à deux chiffres qui n’a pas épargné les fournitures scolaires. Un retour de vacances marqué par les tensions liées à la question budgétaire qui promet une cure de 15 milliards d’euros d’économies et du très sensible projet de loi sur l’immigration attendu à l’automne au Parlement.
« Ça permet de nous sortir de l’ambiance du budget et de potentielles motions de censure qui planent pour trouver d’autres terrains de jeu », assume un membre du gouvernement, rappelant que le chef de l’État a tendance à se sortir des situations compliquées avec ces outils politiques aux contours flous, permettant de faire retomber la pression. Raison pour laquelle la gauche a décidé de boycotter une partie de l’événement, qualifié de « nouveau bidule » par le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure. Il faut dire que, même dans la majorité, le doute existe quant à la fécondité de l’exercice. « Je ne suis pas sûr que tout le monde sache très bien ou tout cela va atterrir », admet un pilier de l’exécutif.
Selon le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, l’expérience pourrait déboucher sur un « préférendum », décrit par ses soins comme « un concept qui nous permettrait de tester plusieurs sujets à la fois au cours d’un même vote ». Auprès de franceinfo, le constitutionnaliste Thibaud Mulier souligne la particularité juridique d’un tel dispositif : « La difficulté est que l’état du droit ne prévoit pas ce mécanisme. Dès lors, un préférendum serait au mieux sans portée contraignante. » Ce qui permettrait au chef de l’État de garder la main sur ce qui en ressortirait. Pas vraiment de quoi rassurer ceux qui craignent un énième pétard mouillé.
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