Translate

vendredi 26 mai 2023

L'actualité littéraire HEBDO avec BIBLIOBS - vendredi 27 mai 2023

 

BibliObs

Vendredi 26 mai 2023

C’est un petit jeu lancé par Serge Gainsbourg avec sa chanson « 69, année érotique ». Lorsqu’il écrit ses paroles, tout le monde a en tête 1968, grande « année politique ». Peut-on prolonger l’exercice ? Avec la mort par overdose de Jimmi Hendrix et Janis Joplin, 1970 semble avoir été une année toxique. « Brown Sugar », « Starway to Heaven », « Imagine » et bien d’autres titres ont fait dire à certains historiens du rock que 1971 avait été « l’année magique ». Or, voici que, se penchant sur les premières luttes environnementales, historiens et militants tombent eux aussi sur un bref âge d’or, marqué par une brusque accélération de la prise de conscience écologique : l’année 1972.

Qu’on en juge. C’est cette année-là que sont publiés les premiers résultats du fameux rapport Meadows sur « Les limites de la croissance », première étude systématique des relations entre l’augmentation constante de la production économique et les ressources naturelles de la Terre. Ce document frappe les esprits, notamment celui du néerlandais Sicco Mansholt, alors vice-président de la Commission européenne et qui, illico, écrit à ses homologues pour leur proposer d’engager l’Europe dans la voie de ce qui ne s’appelle pas encore la sobriété. Ce texte étonnant, republié ces jours-ci par les éditions Les Petits Matins.

Toujours en 1972, au mois de juin, se tient à Stockholm, sous l’égide de l’ONU, la première conférence internationale sur l’environnement. « Nous n’avons qu’une Terre », proclame le titre du rapport d’experts préparatoire à la rencontre… A cette occasion, le philosophe André Gorz, alors journaliste au « Nouvel Observateur », organise un colloque où, pour la première fois, l’écologie est posée comme une question d’emblée politique. Invités de cette manifestation qui rencontre alors un vaste écho : les philosophes Herbert Marcuse et Edgar Morin, le syndicaliste Edmond Maire et… Sicco Mansholt !

Citons aussi la mobilisation contre l’extension du camp militaire du Larzac, avec le premier grand rassemblement à l’été 1972 - 20 000 personnes pour une « occupation des terres » qui annonce les ZAD d’aujourd’hui. Ou la création du journal écolo « la Gueule ouverte », la publication de « l’An 01 », BD-culte de Gébé, la chanson « Comme un arbre dans la ville », de Maxime Le Forestier. Et encore « la Convivialité », du philosophe Ivan Illich, texte-pivot de la pensée écologique, et dont André Gorz (encore lui !) publie des extraits dans « le Nouvel Obs » dès la rentrée 72. Oui, il s’est bien passé quelque chose cette année-là…

Bien sûr, ce n’est qu’un jeu et une année n’est jamais en soi politique, érotique ou écologique. Mais constater l’accumulation de ces événements intellectuels ou militants a des vertus. Ce que nous croyons découvrir aujourd’hui, on mesure que d’autres s’en étaient déjà emparés hier. Nous ne sommes pas seuls, nous avons des précurseurs, nous pouvons nous appuyer sur eux, sur leurs écrits, sur leur énergie.

Tel est le but d’un débat organisé ce samedi 27 mai, dans le cadre du « Week-end des possibles » imaginé par « l’Obs » à l’Académie du climat, à Paris. Sous le titre, « 1972, année écologique », la rencontre réunira Dominique Méda, qui préface la republication de la « Lettre Mansholt », et Willy Gianinazzi, auteur de la remarquable biographie d’André Gorz paru en 2016. Avec votre serviteur à la modération.

Venez nombreux !

Eric Aeschimann

Notre sélection
Demain, un monde meilleur, mais comment ? Quand la science-fiction imagine des « récits positifs »

 
   
  
 
   
 
   
  
 
   
Contribuez à l'information durable, découvrez nos offres d'abonnement

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire