Comme je l’ai révélé dans une précédente newsletter, j’aime beaucoup rouler avec mes deux garçons. Mon antique Clio étant dépourvue de tout équipement numérique, elle permet au dialogue intrafamilial de se déployer. Avec Junior 1, 11 ans, les sujets de discussion sont très divers. Avec Junior 2, 5 ans, ils sont nécessairement plus limités et prennent souvent la forme de devinettes consistant à découvrir un « mot secret ». Exercice auquel Junior 1, préadolescent, refuse de se soumettre, estimant que c’est « trop saoulant ». Avouons-le, il m’arrive en mon for intérieur d’être d’accord avec Junior 1. D’autant que le registre de Junior 2 est devenu un peu répétitif. Il y a un an, son « renne du Père Noël » nous avait laissés aussi secs que rêveurs. Aujourd’hui, ses « mots secrets » préférés sont « Formule 1 », « sous-marin », « Concorde » (l’avion, pas le principe philosophique) et depuis peu « canon » et « missile ». Le fait-il exprès pour brusquer son père ? Ou est-ce une conséquence du conflit en Ukraine ? Je m’interroge. De mon côté, je contrebalance avec des propositions bucoliques - « Loire », « peuplier » - ou plus fonctionnelles – « fauteuils », « éoliennes ». Et je persiste à afficher mon enthousiasme. Chez les familles enseignantes, on « pédagogise » tout, comme le racontaient mes consœurs Louise Tourret et Guillemette Faure dans leur livre « Pourquoi les enfants de profs réussissent mieux ». En bon fils et neveu de profs, je reproduis l’atavisme familial. C’est sûrement un peu « saoulant » mais il faut croire que c’est efficace. Junior 2, à 5 ans, a développé un sens aigu des typologies : objet fabriqué par l’homme versus élément naturel, vivant versus inerte, faune versus flore. Mes reportages m’ont montré que ça n’est pas si anodin. Dans une école de Seine-et-Marne, un directeur a dû créer un cabinet de curiosités pour aider les enfants à l’attention diffractée à retrouver le sens des ensembles. Lors d’un voyage en montagne, il s’était rendu compte que beaucoup d’élèves ne parvenaient pas à faire le lien entre les crottes de mouton vues à la bergerie et celles rencontrées ensuite dans le pré. Scolairement parlant, les devinettes ont un autre d’intérêt. En nous obligeant à préciser l’usage des choses, elles préparent excellemment au programme de technologie du collège. Junior 2 sait ainsi parfaitement que sa casquette sert à la fois à « se protéger du soleil » et « avoir du style ». Autrement dit, en jargon Education nationale, il maîtrise déjà la « fonction d’usage » de l’objet. De bon augure pour le brevet. |
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