Photo Shutterstock Disney est un titan pesant 200 milliards de dollars. La firme aux grandes oreilles est aussi l’ambassadrice de l’Empire américain, le symbole de l’« American dream ». Fondé en 1923 par deux génies créatifs, Disney a connu un succès planétaire grâce aux contes de fées animés. Mary Harrington propose de suivre le destin des princesses de ces histoires merveilleuses (voir son essai en lien) comme de figures de proue de l’Empire américain. L’extraordinaire « success story » de ces héroïnes qui devaient « vivre très longtemps et avoir beaucoup d’enfants » semble avoir tourné court. Alors que les petites filles de 2022 ont toujours autant besoin de rêver, les héritières des premières princesses de Disney sont devenues de plus en plus moralisatrices. Seraient-elles devenues aussi pénibles que la belle-mère acariâtre de Cendrillon ? Que nous révèle cette évolution sur l’Amérique contemporaine ? 5 ans avant la création de la firme, l’Europe se trouvait plongée dans les cendres de la 1ère Guerre Mondiale. Le Président Wilson affirmait la nouvelle mission universelle américaine avec ses célèbres « 14 points ». Les jours des grands empires coloniaux étaient comptés et le droit à l’auto-détermination des peuples serait protégé par l’Amérique toute puissante. La crise de 1929 et la terrible dépression du début des années 30 allaient forcer le pays à se replier sur lui-même, limitant sa propension à l’impérialisme. Alors que l’illusion d’une paix garantie par la jeune Société des Nations s’évanouissait, Blanche-Neige (1937) était projetée sur les écrans et reprenait fidèlement la trame du conte européen d’origine. Cendrillon (1950) suivait la même tradition. Disney rappelait à ses spectateurs du Nouveau Monde leurs liens avec l’Ancien. L’apocalypse de la 2ème Guerre Mondiale a réduit à néant les dernières illusions de puissance européennes. L’Amérique était triomphante et s’affirmait comme le phare du « monde libre ». La création des Nations Unies allait renforcer la prétention universaliste déjà présente dans le discours de Wilson. Seul mur face à la menace communiste, Washington a tout fait pour faciliter le démantèlement des empires coloniaux britannique et français. L’Europe des années 50 était fascinée par ce pays-continent regorgeant de réfrigérateurs, de voitures rutilantes et de fusées… Dans ce contexte, le 3ème opus de Disney opère une première rupture en s’affranchissant de la référence européenne. La Belle au bois dormant (1959) laisse de côté l’allégorie à peine masquée sur l’éveil à la sexualité féminine pour raconter l’histoire d’un macho bourré de testostérone – la puissante Amérique – qui vient délivrer une nouille ronflant depuis 100 ans sur des coussins rembourrés depuis qu’elle s’est vaccinée à la quenouille empoisonnée… En filigranes : les États-Unis viennent sauver la faible Europe de la menace communiste et de ses restes moisis de rêves impérialistes. La chute de l’Empire soviétique a transformé l’Amérique de Disney (et d’Hollywood) en superpuissance mondiale. L’idéologie individualiste et libérale proclamée en 1918 par Woodrow Wilson et utilisée comme force d’attraction pour agglomérer le « monde libre » pendant la Guerre Froide pouvait s’imposer… Et une nouvelle génération de princesses naissait. La petite sirène (1990) renverse le conte d’Andersen qui présente les conséquences tragiques d’essayer de devenir ce qu’on n’est pas. La version Disney raconte au contraire l’histoire d’une sirène qui va vaincre les contraintes sociales et familiales pour devenir ce qu’elle désire être. Dans La belle et la bête (1992), la princesse échappe au carcan d’une vie ennuyeuse pour un destin plus brillant. Raiponce (2010) met en scène une princesse qui sauve son mauvais garçon de prince en s’échappant toute seule de sa tour. L’apogée de ce renversement idéologique intervient avec Frozen (2013) qui se détache des mythes et légendes européens et prévient des dangers à réprimer sa vraie nature (« libérée, délivrée… »). Ce qui poussera les groupes de pression LGBT à s’emparer de cette héroïne… Les princesses de Disney sont aussi devenues plus « diverses » culturellement : Aladin (1993) revisite le Moyen Orient et Mulan (1998) s’aventure en Chine. Le rêve américain s’estompe… L’Amérique des années 2010 est polarisée, divisée. Disney n’échappe pas à cette évolution. Sa « bien-pensance » devient identitaire et introspective. Dans les grandes écoles, les thèses sur le « racisme systémique » et le « sexisme » des œuvres de Disney font florès. Les cadres créatifs de la firme sont plongés dans un wokisme militant, déconnecté des attentes de ses clients de la classe moyenne qui croient encore au retour du rêve américain. Comment faire rêver sans recourir à des stéréotypes que l’auditeur embrasse le temps d’une histoire ? Les princesses attirent toujours les enfants de 2022 mais Disney ne sait plus en proposer. Dans Encanto (2021), l’héroïne est prisonnière de l’histoire de sa famille, personnifiée par sa grand-mère… |
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