Tous les parents le savent : les enfants développent de bien curieuses obsessions. Il y a quelques années, Rue89 s’est penché sur les raisons de leur fascination pour les dinosaures. Mon fils a 2 ans et son obsession à lui, ce n’est ni les Tricératops ni les T-Rex, mais les voitures et les motos. Tout ce qui roule, fait du bruit et pollue, en somme. Tout récemment, cette passion dévorante est encore montée d’un cran. Alors qu’il arpentait les rayons de la bibliothèque municipale, son choix s’est porté sur un livre et un seul : « Vroum vroum ». Ce bouquin pour enfants, c’est un peu la « Bible » des moyens de transport. Camions, motos, voitures de sport, avions… Tout y est. On trouve même dedans l’illustration d’un gyropode, c’est dire le souci d’exhaustivité qui a guidé l’auteur. Depuis, le rituel est le même : si tôt rentré de sa journée de crèche, mon fils court en direction du livre comme si sa vie en dépendait en criant « Vroum vroum ! », puis contemple sans jamais se lasser les différentes illustrations. A le regarder, complètement absorbé, on pourrait penser qu’il a devant les yeux le tableau d’un grand maître de la peinture. Pour ses parents, cette marotte est aussi rassurante que terrifiante. Rassurante, car à en croire des chercheurs qui ont consacré une étude aux obsessions des jeunes enfants, « l’intérêt intense » le plus commun est bien celui pour les véhicules. La passion de mon fils n’a donc rien de pathologique. Pour le journaliste en charge des sujets écologiques que je suis, en revanche, cet amour immense pour tout ce qui émet du CO2 a quelque chose de plus perturbant, surtout depuis que son regard s’arrête, émerveillé, sur le gros (et affreux) pick-up… Alors que la Terre brûle, est-il bien sérieux de continuer à divertir son enfant avec cet imaginaire-là ? Pour l’heure, bien sûr, je me plie au jeu et me garde bien de lui faire perdre son insouciance en lui parlant de l’augmentation démentielle de la concentration de CO2 dans l’atmosphère et du dernier rapport du Giec. Mais plusieurs questions demeurent : à quel âge faudra-t-il lui expliquer que les pick-up qu’il aime tant sont un désastre écologique et contribue à hypothéquer son avenir ? A quel âge lui parler du réchauffement climatique avec lequel il devra vivre ? A quel âge lui annoncer, aussi, que nous n’avons rien fait – ou si peu – pour enrayer la hausse des températures ? Quand il aura 5, 10 ans ? A quel âge est-on vraiment prêt à encaisser ça ? |
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