- Vous n’avez plus aucune trace de votre passé ?
- Non.
À la veille du procès des attentats du 13 novembre 2015 qui s'ouvrira le 8 septembre prochain, nous avons pu rencontrer un témoin-clé des attentats. C’est elle qui a croisé le terroriste Abdelhamid Abaaoud et qui a appelé le numéro d'urgence mis en place après les attaques. C'est aussi elle "le témoignage humain" grâce auquel le terroriste a été neutralisé le 18 novembre 2015 par la police, à Saint-Denis. Mais depuis, elle est en danger de mort et doit vivre cachée avec sa famille.
"Une vie de mensonges"
En 2017, la France lui crée un statut unique, prévu par la "loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme" : le statut de témoin protégé, avec une nouvelle identité. Cette prise en charge par l'État assure la garantie de sa survie.
Mais pendant deux ans, de 2015 à 2017, avant qu'il soit mis en place, les autorités lui ont demandé de se cacher. "Il faut disparaître dans la nature, tout en étant vivant", confie-t-elle. Maintenant officiellement témoin protégé, elle vit dans la peau d’une autre, sans la moindre trace de son passé, à l'exception de quelques vêtements.
"J'ai été arrachée à ma vie, à mon avenir, à ce que j'avais construit"
Si ce statut est censé protéger la témoin, celle-ci doit en subir les conséquences quotidiennement. "J'ai été arrachée à ma vie, à mon avenir, à ce que j'avais construit, à ce que j'avais prévu, à mes projets, à tout", confie-t-elle. Sonia a dû apprendre "par cœur" un "texte" lui dictant sa nouvelle vie : elle n'aura plus la même date de naissance, ses études et son parcours scolaire ont, eux aussi, changé. Elle ne possède plus de photos de sa vie d’avant, plus le moindre document administratif. Elle confie : "C'est pas parce que vous avez une nouvelle identité que vous vivez." Son seul point d'ancrage avec son ancienne vie, c'est sa famille avec laquelle elle a le droit de rester en contact : "Pour survivre, il faut toujours avoir une petite lueur d'espoir, donc voilà, c'est cette petite lueur-là qu'on a."
Elle ajoute : “Il faut pouvoir aussi avoir la force de vouloir s’en sortir, moralement, professionnellement, physiquement. Vous n’avez pas d’autre choix que de vivre avec un nom qui n’est pas le vôtre, avec une date de naissance qui n’est pas la vôtre, avec une vie qui n’est pas la vôtre.”
“Je n’hésiterais pas à le refaire”
Aujourd'hui soutenue par une psychologue et son avocate, elle affirme n’avoir aucun regret. “Je n’hésiterais pas à le refaire”, lance-t-elle avant d’ajouter enfin : “J'ai sacrifié mon intégrité, ma personnalité, ma vie personnelle mais au prix de la vie d'un être humain. Ne serait-ce qu'un être humain que vous pouvez sauver, il faut le faire."
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