LES ABSTENTIONNISTES SONT-ILS DES « CONS » ?
Par Jacques Nikonoff, 30 août 2021
Il y avait quelques semaines que Monsieur Mélenchon n’avait pas dérapé. L’anomalie est désormais corrigée, puisque lors de son discours du 29 août dans la Drôme, à Châteauneuf-sur-Isère, près de Valence, il a insulté les millions de citoyens qui s’abstiennent aux élections en affirmant que « L'abstention, décidément, est un piège à cons ». La raison ? « L'abstention est le pire qui puisse nous arriver », car « plus ça vote, plus nous sommes forts, moins ça vote, plus Macron et Le Pen sont forts ». Au total, selon Monsieur Mélenchon, l'abstention serait un « vote Macron ». Il se trompe doublement.
D’abord, on comprend que l'abstention, mais aussi les votes blancs et nuls, terrorise les politiciens. Nous l'avons observé au lendemain des élections départementales et régionales du printemps 2021, qui ont été un échec pour les candidats de Monsieur Macron et de Madame Le Pen. L'abstention, en effet, a lourdement pénalisé ces deux prétendants à l'Élysée, contrairement aux affabulations de Monsieur Mélenchon.
Ensuite, le boycott de la prochaine élection présidentielle, dès le premier tour, se justifie plus que jamais. Il faut mettre un coup d'arrêt au système présidentialiste qui est devenu une machine à fabriquer des apprentis dictateurs. D'autant que les jeux sont quasiment faits : le duo Macron / Le Pen figurera très probablement au second tour. Monsieur Macron a toutes les chances d'être élu car Madame Le Pen n'a pas les réserves de voix pour gagner puisque la plupart des dirigeants politiques appelleront à « faire barrage au FN », c'est-à- dire, comme en 2017, à voter Macron. C’est ce qu’avait fait Mélenchon en 2017 et qu’il refera à nouveau en 2022… D’ailleurs, sachant que Marine Le Pen sera perdante, beaucoup de ses électeurs se dirigent désormais vers l'abstention. Comme beaucoup d’électeurs de La France insoumise pour les mêmes raisons.
Bien sûr, tous les candidats à la présidentielle ont besoin d'entretenir la fiction de leur possible victoire pour entretenir la flamme militante. Mais quand cette fiction va au-delà de la simple rhétorique électorale traditionnelle pour piétiner le principe de réalité, cela devient une illusion, ou du somnambulisme politique.
À droite, on compte déjà 5 candidats (Barnier, Bertrand, Ciotti, Juvin, Pécresse). Certains veulent une primaire pour les départager, d'autres non. On parle aussi de nouveaux candidats comme Zemmour, des généraux, un comique, etc.
Chez EELV, il y a aussi 5 candidats… Comme les primaires qu'ils organisent sont toujours des psychodrames, tout reste possible avec cette famille politique structurellement instable.
A gauche, il y a pour le moment 6 candidats, record battu : Hidalgo (dont il n'est un secret pour personne qu'elle est candidate, PS), Mélenchon (LFI), Roussel (PCF), 2 pour le NPA à lui tout seul, 1 pour LO, on parle aussi de Montebourg et de Taubira…
Ajoutons à cela une flopée de nano-candidats dont aucun ne franchira la barrière des 500 parrainages et qui alimentent la confusion. Bref, jamais élection présidentielle n’avait connu pareille cacophonie. Qui peut croire un seul instant que cette dispersion tous azimuts trouvera une solution d'ici le printemps 2022, au point de perturber le duel Macron / Le Pen qui s'annonce ?
C'est le moment de mettre un bon coup de balai grâce au boycott électoral à l'élection présidentielle, mais pas aux législatives
Faisons d'une défaite électorale prévisible pour tous les courants d'idées une victoire politique, cette fois-ci parfaitement possible. Car si la somme des abstentions, des blancs et des nuls dépasse le score du candidat élu président de la République, ce dernier sera certes élu légalement, mais il ne sera pas légitime. Ceci n'est jamais arrivé dans l'histoire de France. Le rapport de force politique sera alors inversé. Le peuple sera à l'offensive. Le président de la République, clef de voûte des institutions, sera ébranlé, la voie sera ouverte pour un changement de Constitution.
Ajoutons que les élections législatives qui suivront briseront sans aucun doute la dynamique politique habituelle en faveur des candidats se réclamant de la majorité présidentielle. Car la majorité, cette fois-ci, sera celle du peuple et des candidats « constituants » qui se présenteront aux législatives pour une « Nouvelle Constitution ».
Nous pourrions retourner le compliment à Monsieur Mélenchon en lui répondant « élection présidentielle, piège à cons ». Mais nous ne le ferons pas, car la vie publique doit privilégier l’argumentation à l’insulte. Au contraire, la grande majorité des abstentionnistes fait preuve d'une lucidité politique source d'un immense espoir pour la reconquête démocratique. Ils peuvent devenir la force propulsive politique.
Jacques Nikonoff
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