Quand j’ai lu qu’il manquait des volontaires pour assister au concert géant d’Indochine prévu à Bercy le 29 mai prochain (et conçu comme un test préalable à la réouverture des salles de concert), la petite usine à sarcasmes qui me sert de cerveau s’est dit : waouh, incroyable surprise. Comment ça, personne n’a envie d’aller brailler « L’aventurier » dans un hall de gare en compagnie de 5 000 autres personnes, masquées qui plus est ? Et puis, j’ai lu les interviews de Malika Séguineau qui ont paru les jours suivants. C’est la directrice générale du Prodiss, le syndicat national du spectacle musical et de variété. Chargée d’organiser ce concert-test avec l’Assistance publique et les Hôpitaux de Paris (AP-HP), elle détaillait les contraintes de cette expérimentation à grande échelle. En fait, ce n’est pas que les fans d’Indochine manquaient, c’est qu’il fallait réunir une réserve de 20 000 personnes âgées de 18 à 45 ans, au sein de laquelle 5 000 élus seraient tirés au sort pour aller à Bercy, pendant que 2 500 autres regarderaient le concert de chez elles. Franchement : chaud. Mon envie de faire des blagues a tourné court en apprenant qu’une entreprise d’analyse numérique d’images a été missionnée pour filmer l’audience afin de vérifier, grâce à sa technologie, que chaque individu portera son masque correctement tout au long du concert. Ça m’a rappelé un concert de Kraftwerk à Reykjavik, il y a quelques années. Des vigiles avaient été embauchés pour évacuer les gens qui prendraient des photos. Nous étions assis, ils passaient dans les rangs avec de petites lampes torches. C’est là que deux mots se sont mis à clignoter en rouge dans ma tête : « effet cliquet ». En matière de surveillance, l’effet cliquet décrit un processus politique de pérennisation et de détournement d’une technologie initialement mise en place dans un contexte d’exception. Imaginez : on apprend dans quinze jours qu’il n’y a eu ni contamination, ni propagation du virus pendant ce concert d’Indochine. Pour peu que des politiques se disent que l’on doit ce succès à l’analyse numérique des visages, je me dis qu’on n’est pas à l’abri de voir ce dispositif de surveillance fleurir lors d’autres événements. Vivement le monde d’après. |
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