| | | | | | Bonjour . Son embauche comme coiffeur, sa rencontre avec Philippe Labro, la découverte de sa vocation et le rôle de sa vie : voilà les quatre moments qui ont marqué la carrière de Fabrice Luchini. | | | | |
| | | | | | 1. Son embauche en tant que coiffeur
« Là, ça a été un moment essentiel de ma vie où je suis passé des pauvres aux riches. Ça veut pas dire que je suis passé d’être pauvre à être riche, mais voilà. On m’a présenté un monsieur qui ressemblait à Georges Brassens, qui était un grand coiffeur, qui s’appelait Jacques France et ce monsieur m’a dit : "Vous aimez la coiffure ?" J’avais jamais entendu parler de ma vie du mot coiffure. Et il me dit : "Parce que moi, la première chose si je vous prends : faudra faire pousser vos cheveux." Et ça a été un miracle dans ma tête parce que c’étaient les premiers temps des Beatles et je me disais : putain, pour la première fois, on va pas me couper les cheveux. Et j’ai déliré en disant : "Je suis un dingue de la mise en plis, vous savez ça ? C’est ma passion. Le matin, je me lève, j’ai envie de faire des brushings, j’ai envie de…" Il a dit : "Mais il est exalté ce jeune homme." Et ils m’ont donné le rôle, apprenti coiffeur. »
2. Sa rencontre avec Philippe Labro
« Je suis coiffeur, j’ai 16 ans, 17 ans. Mais je danse au "Whisky à Gogo" à Angoulême avec Paul Pacini et Ben Simon. Ben Simon a été très important dans ma vie. C’est un bonhomme qui m’emmène à Angoulême et il me dit : "Faut que tu animes la boîte." Donc, je me mets à danser, j’avais beaucoup observé les blacks, je danse beaucoup moins bien que James Brown. Et là, il y a un mec qui me regarde, il s’appelle Philippe Labro et il me dit : "Est-ce que tu veux faire de la figuration dans mon film ?" Boum ! Tout peut arriver. Je quitte la coiffure pour devenir débutant comédien. Et après, je suis retourné à la coiffure parce que ça m’a pas plus branché. Le mot "comédie", je savais même pas ce que ça voulait dire. J’étais coiffeur. J’étais coiffeur ! Nous, on n’avait qu’une ambition à notre époque : fumer du shit, aller à Katmandou et finir en Iran... » | | | | |
| | | | | « J’ai 24 ans, je fume beaucoup de shit » | | | | |
| | | | | 3. La découverte de sa vocation
« Éric Rohmer, Rohmer, je savais pas du tout qui c’était, hein. Parce que moi, mon papa, il m’emmenait pas voir des films d’Éric Rohmer. C’était pas un prof, c’était un immigré italien. Et Rohmer me convoque et il me donne un rôle dans Le Genou de Claire. Alors là, ça devient très bizarre, tout d’un coup j’ai un second rôle, je demande rien. Rohmer me prend. On me dit que c’est un des plus grands metteurs en scène de la Nouvelle Vague et à partir de là, les agents de comédiens disent : "À mon avis, tu réussiras jamais parce que tu n’es pas sexué, tu n’es pas sexy. Tu as un phrasé bizarre. On sait pas si tu es homo, hétéro. Alors, fais plutôt du théâtre parce qu’au cinéma, tu auras jamais de carrière." Alors je dis : "Ah merde, ah vous êtes pas encourageants, en somme." "Bah non, parce que tu as vu ta gueule ?" Et je me suis retrouvé avec Jean-Laurent Cochet. Ça, c’est un moment essentiel de ma vie, c’est la découverte, c’est comme si j’avais découvert Glenn Gould, ou un mec qui aime le reggae Bob Marley, ou un mec qui aime le rhythm and blues James, ou un mec qui aime la musique classique Bach ou Mozart. Et là, je tombe sur le plus grand professeur qui incarne le répertoire, qui incarne la difficulté. Et là, j’ai 24 ans, je fume beaucoup de shit. Et là, j’arrête le shit, j’arrête tout parce que j’ai découvert. Je sais qu’il y a un but, le but c’est de devenir un acteur, c’est-à-dire un comédien, c’est-à-dire quelqu’un qui va se confronter à Racine, à Corneille, à Molière, au rap, à tout. J’ai découvert la vocation, que tout d’un coup quelque chose m’intéressait, que ça demanderait beaucoup de sacrifices et, ben, c’est comme un homme qui rentre dans les ordres. J’ai eu la révélation. J’ai dit : "Eh ben voilà, j’ai enfin depuis... j’ai 24 ans, c’est la première fois que j’ai envie de faire quelque chose." »
4. Son rôle dans « La Discrète »
« Tout ça s’est passé dans les années 1970 et pendant 20 ans, j’ai fait des choses. Mais au cinéma, ça marchait pas. Et puis un jour, quelqu’un m’a donné un scénario qui s’appelait La Discrète. C’était en 1990. Et là, ça a été un film qui tout d’un coup... qui était écrit. Tout ce qui était mes défauts pour les uns sont devenus mes qualités. Et là, toute ma vie a changé parce que tout d’un coup, j’ai fait des entrées et j’ai eu un style un petit peu littéraire, un petit peu... qui a rencontré le grand public et là, tout change. Ce que ça a changé, c’est... C’est comme un livre qui a pas été édité, donc tu es très malheureux et puis tout à coup on t’édite. Voilà. Être reconnu par le public, c’est ne plus être un manuscrit qui souffre. C’est un manuscrit qui devient un bouquin dans une édition. Là, je demande à Brut de faire un effort intellectuel. Roland Barthes disait : "Qu’est-ce qu’un manuscrit ? C’est un paquet de désir." Et évidemment, j’ai envie de répondre, disait Roland Barthes : "Qu’est-ce que je peux faire du désir de l’autre ?" Sinon d’être paniqué. Un acteur qui est pas reconnu, c’est un paquet de désir qui fait chier tout le monde. Et tout le monde se dit : "Oh là là, voilà le chieur qui a besoin d’être aimé." Quand tu es un acteur reconnu, tu as été édité. Tu n’es plus menaçant. Parce que cette petite folie a été identifiée et est devenue un produit. Donc, tu n’es plus fou ! » | | | | |
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