Ils viennent de publier « La Guerre des mots - Combattre le discours politico-médiatique de la bourgeoisie » aux éditions du Passager clandestin. Le sociologue Nicolas Framont et le journaliste Selim Derkaoui sont les invités de la Midinale.
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Sur la notion de bourgeoisie
« Notre définition de la bourgeoisie est matérielle et ne porte pas uniquement sur un état d’esprit. »
« On utilise la définition classique et la plus scientifique du terme de bourgeoisie : c’est la classe sociale dominante parce qu’elle est détentrice des moyens de production, c’est-à-dire qu’elle possède notre économie, la dirige et en tire profit grâce au travail des autres. »
« Le mode de vie de la bourgeoisie est la conséquence de sa domination sur l’économie capitaliste. »
« Un bourgeois est forcément riche, même si un bourgeois peut vivre pauvrement : le fait qu’il soit bourgeois est lié à son appartenance à une classe sociale qui lui donne un réseau et du contrôle sur la vie des autres. »
« A tout moment, même si le bourgeois a décidé d’être pauvre pour je-ne-sais-quelle-raison métaphysique ou psychologique, il restera riche dans le fond : la bourgeoisie est une classe qui reproduit sa richesse. »
« Tous les riches ne sont pas forcément bourgeois : par exemple, le footballer Kylian Mbappé est riche mais n’est pas bourgeois pour autant. »
Sur la notion de classe moyenne
« Quand on regarde un peu l’histoire du concept de classe moyenne, on s’aperçoit qu’il a été théorisé à l’université par une sociologie plutôt de droite qui a eu à coeur, comme beaucoup d’intellectuels depuis le XIXe siècle, de dynamiter le concept de classes sociales : ils voulaient faire en sorte, consciemment, qu’on arrête de diviser la société en classes et qu’on ait tous l’impression de faire partie d’un tout commun - le but étant d’étouffer la contestation sociale. »
« Le terme de classe moyenne permet de faire croire à de grands points communs entre les individus alors même qu’il y a de grandes différences, de grandes inégalités et surtout de forts antagonismes. »
« Par honte sociale, ça arrange un peu tout le monde que l’on se dise que l’on appartient à une classe moyenne un peu générale. »
Sur l’utilisation de la notion de classe laborieuse
« Une des fins que poursuit le livre, c’est de réactiver des concepts de classes qui soient lisibles, scientifiquement définis et opérant au quotidien, c’est-à-dire auxquels on puisse s’identifier. »
« Pourquoi le terme de classe ouvrière a si bien marché ? Parce qu’il permet à la fois de dénoncer une exploitation - le sujet de la révolte -, et qu’il est chargé d’une dignité. »
« Il est vrai que, même si les ouvriers restent un groupe social conséquent (contrairement à ce que l’on dit tout le temps), l’ensemble des personnes exploitées en France et qui mériteraient de se regrouper ne sont pas toutes ouvrières et ouvriers. »
« Le fait qu’on ait choisi de parler de classe laborieuse au singulier, c’est parce qu’il était important d’unifier la sociologie des gilets jaunes et celle des jeunes de banlieue et de quartier. On a trop tendance, aujourd’hui, à vouloir diviser les deux. »
Sur la défaite idéologique du mouvement ouvrier
« On a trop souvent essayé de remplacer la classe ouvrière par les classes populaires qui fait référence à l’idée de peuple - concept assez dépolitisant. »
« La défaite du camp des travailleuses et des travailleurs a coïncidé avec le moment où tous leurs représentants politiques et syndicaux ont arrêté de parler en termes d’antagonismes de classes. »
« Il y a eu un désarmement idéologique de toute une classe sociale ultra majoritaire, la classe laborieuse. »
« On documente dans le livre comment le Parti communiste s’est mis à arrêter de parler de la classe ouvrière ou même du travail pour avoir un discours compassionnel. »
« Toute la gauche a remplacé le discours combatif, revendicatif et digne de la défense de la classe ouvrière et de ce que nous, on appelle la classe laborieuse, par un discours compassionnel de la part de personnes qui se sont mis en extériorité par rapport aux sujets qu’elles défendent. »
« Les partis de gauche, toute tendance confondue, ont une sociologie qui ne représentent pas du tout la base qu’ils défendent. »
« La force du mouvement ouvrier, c’est que c’était par les ouvriers, pour les ouvriers. »
« Je vois autour de moi, dans les milieux de gauche que je connais bien, tout un tas d’excuses sociologiques qui consistent à dire que le mouvement n’existe plus, que le monde du travail est atomisé, que les gens ne sont plus ensemble. Mais c’est faux : le monde du salariat est encore très majoritaire, les grandes entreprises sont encore celles qui rassemblent le plus de monde - on n’est pas dans un monde de travailleurs uberisés. »
La suite du verbatim est à lire sur www.regards.fr !
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