| | | | | | Bonjour . On a demandé à Samuel Alizon, directeur de recherche au CNRS, de faire le point sur ce que l'on sait et ce que l'on ne sait pas sur la deuxième vague de l'épidémie. | | | | |
| | | | | | Pouvait-on prévoir la deuxième vague ? On sait au moins depuis début septembre que l’épidémie est en croissance, en croissance exponentielle. Donc ce qu’on pouvait dire fin août, début septembre, c’est que si rien ne changeait, on allait vers une saturation des services de réanimation en novembre. Ça, on pouvait le dire. Cette information était là, donc on aurait pu prendre des mesures pour faire en sorte que ça ne se réalise pas. En fait, c’est un peu un des paradoxes de la santé publique, c’est-à-dire que si vous faites un scénario pessimiste comme celui que nous, on avait fait dans l’équipe, qui était que les services de réanimation seraient saturés en novembre, si ce scénario se réalise, c’est qu’il y a un problème quelque part. Votre scénario catastrophe ne se réalise pas parce qu’on prend des mesures pour l’en empêcher.
« L’épidémie double en taille à peu près tous les 10 jours » Elle a débuté quand, la deuxième vague ? Cette deuxième vague, on est dedans, mais elle a commencé... Nous, on l’estime depuis, en gros, au mois de juillet. Donc, depuis le mois de juillet, l’épidémie augmente. Elle augmente moins vite qu’elle n’augmentait en février/mars. En février/mars, l’épidémie doublait en taille tous les trois jours. C’est-à-dire que tous les trois jours, vous passiez de 100 personnes infectées à 200, etc. Ce qui est une croissance exponentielle. C’est-à-dire que vous pouvez passer comme ça en trois jours de 100 000 à 200 000 personnes infectées. Et là, ces deux dernières semaines, ça s’est accéléré. L’épidémie double en taille à peu près tous les 10 jours. Finalement, ça n’a servi à rien, le confinement et le port du masque ? L’épidémie a énormément diminué grâce à ces mesures. Après, ce qu’il faut voir, c’est qu’en juillet et en août, on a rouvert les vannes. On a complètement abandonné tout ce qui était limitations de déplacement, on a quasiment abandonné le télétravail. La stratégie de dépistage est devenue de moins en moins efficace pour deux raisons. D’une part, parce qu’on a ouvert les tests de dépistage à tout le monde sans condition épidémiologique ou clinique, donc ça ça a créé une saturation, donc des délais. Et le problème, c’est que plus vous avez de personnes infectées, plus la stratégie de dépistage et d’isolation des contacts fonctionne mal. En fait, si vous avez 1 000 nouvelles infections par jour, vous pouvez suivre ces personnes et essayer de trouver leurs contacts. Quand vous avez 70 000 nouvelles infections par jour, cette stratégie marche beaucoup moins bien. | | | | |
| | | | | « L’enjeu, c’est que ce pic épidémique arrive le plus tôt possible » | | | | |
| | | | | Quelle est la virulence de ce virus ? Aujourd’hui, le nombre de reproductions, on peut l’estimer sur différents types de données. On peut l’estimer sur les nouvelles infections, on peut l’estimer sur les nouvelles hospitalisations. Il est aujourd’hui de l’ordre de 1,2 ou 1,3. Ça veut dire que, en moyenne, 10 personnes en infectent 13. Pourquoi on ne cherche pas à atteindre l’immunité collective ? Au vu des connaissances, l’immunité collective, de ce qu’on sait aujourd’hui, c’est pas une bonne idée pour trois raisons. La première, c’est que le Covid-19 reste une maladie très virulente. Donc, même s’il se propage vers les plus jeunes, vous auriez de l’ordre de 10 000 décès en France avec une vague épidémique. La deuxième raison, c’est que de toute façon, ça semble impossible d’empêcher une telle vague épidémique de déborder dans les populations les plus fragiles. Donc vous n’arriveriez pas à les isoler, donc vous auriez bien plus que 10 000 décès. La troisième raison, c’est qu’on a encore de grosses inconnues quant à la durée de l’immunité naturelle. On sait qu’elle dure au moins quelques mois, mais à l’échelle d’années, on n’a pas encore le recul. Est-ce qu’on doit s’attendre à un nouveau pic épidémique ? Là, on est dans une deuxième vague. Par définition, il y aura à un moment un pic épidémique. L’enjeu, c’est que ce pic épidémique arrive le plus tôt possible, parce que le pic épidémique, ça veut dire qu’on contrôle l’épidémie. Plus le pic épidémique est tard, plus ce sera une catastrophe sanitaire. Pourquoi on n’arrive pas à prendre le dessus sur la maladie ? Les difficultés pour tout le monde dans cette épidémie, que ce soient les scientifiques, les professionnels de santé publique ou le grand public, c’est qu’on ne voit pas immédiatement les effets des mesures qu’on prend. Si vous confinez l’ensemble de la population aujourd’hui, vous allez empêcher les infections à partir d’aujourd’hui, mais vous n’en verrez pas le résultat avant 10 à 18 jours pour les admissions en réanimation. Vous n’en verrez même pas les résultats dans les tests PCR avant quasiment une semaine. Les admissions en réanimation qu’on voit aujourd’hui, ce sont les personnes qui ont été infectées il y a 10 à 18 jours.
« Si on relâche le contrôle, il y aura encore une vague épidémique » On peut s’attendre à d’autres vagues ? C’est tout à fait possible qu’il y ait d’autres vagues épidémiques. En fait, il n’y a que trois possibilités qui feraient qu’il n’y ait pas de nouvelle vague épidémique. La première, ça serait qu’une proportion suffisante de la population soit immunisée. À ce jour, ce n’est pas possible. D’une part parce que l’immunisation naturelle n’est pas envisageable à grande échelle, d’autre part parce qu’on n’a pas de vaccin. La troisième possibilité, qui empêcherait une nouvelle vague épidémique, ça serait qu’on parvienne à contrôler l’épidémie. C’est pas impossible. Certains pays l’ont fait, certains pays le font, notamment le Japon, le Vietnam, la Nouvelle-Zélande. Ça nécessite des mesures très strictes. C’est pas impossible, mais sinon, à défaut de ce contrôle strict, pour le moment, c’est certain que si on relâche le contrôle, il y aura encore une vague épidémique. Combien de temps ça va encore durer ? Aujourd’hui, quelqu’un qui vous dirait le Covid-19 ne sera plus un problème dans un an, dans deux ans, dans trois ans, ce serait un escroc. ll y a trop d’inconnues. On ne sait pas, aujourd’hui, quelle serait vraiment la durée de l’immunisation naturelle. On n’a toujours pas de vaccin efficace. Quand on aura des vaccins efficaces, il faudra voir quelle est la durée de la protection conférée par le vaccin. Est-ce que ce sont des vaccins qu’il faudra renouveler tous les ans comme la grippe ? Il y a énormément d’inconnues. Aujourd’hui, c’est vrai qu’on n’a pas de visibilité à plus de quelques mois. | | | | |
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