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Le confinement a mis en évidence le racisme des polices d’Europe, révèle Amnesty International
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Dans son rapport "Police et épidémie", Amnesty international montre qu’à travers l’Europe, pendant le confinement, les forces de l’ordre ont été violentes et discriminantes surtout envers les minorités.
Alors que la police est accusée de racisme et de discrimination un peu partout dans le monde, Amnesty international sort ce mercredi un rapport sur les violences policières et les discriminations pendant le confinement dans douze pays européens. Selon l’ONG, pendant cette période si particulière, la police a visé "de manière disproportionnée les minorités ethniques" en Europe.
Une discrimination "omniprésente"
La discrimination dans les polices d’Europe est "omniprésente", selon Amnesty International. Pour ce rapport, réalisé pendant le confinement (donc sans pouvoir aller sur le terrain), l’ONG s’est appuyée sur des interviews réalisées par téléphone et sur des vidéos tournées par des citoyens et postées sur Internet. Le 29 mars, on voit par exemple en Espagne un homme d’origine nord-africaine refuser un contrôle dans les rues de Bilbao. Les policiers espagnols le plaquent violemment contre le mur, puis lui assènent des coups de matraque. "Une utilisation disproportionnée de la force", pointe Amnesty. Selon le ministère espagnol de l’Intérieur, un million d’infractions aux mesures de confinement ont été enregistrées et 8 500 personnes ont été arrêtées.
"Les violences policières et les inquiétudes liées au racisme institutionnel ne sont pas nouvelles, mais la pandémie de Covid-19 et le contrôle coercitif de l’application des mesures de confinement qui en découlent ont révélé leur ampleur", a déclaré Marco Perolini, chercheur d’Amnesty International pour l’Europe de l’Ouest.
Les minorités ciblées
Au Royaume-Uni, les fouilles ont augmenté de 22% entre mars et avril pendant le confinement. "Sur cette période, relève le rapport, la part de personnes noires soumises à des fouilles a progressé de près d’un tiers."
En Belgique, les mesures de confinement ont eu un impact "disproportionné" dans les quartiers ouvriers, à forte communauté immigrée. Dans le cadre du confinement, la Ligue des droits de l’Homme a collecté 102 plaintes entre le 18 mars et le 29 mai. Dans 36% de ces cas, la police aurait utilisé la force de manière abusive, et dans 21%, les forces de l’ordre auraient insulté les personnes interpellées.
La France pointée du doigt
Amnesty épingle également la France. La ville de Nice a instauré pendant le confinement un couvre-feu. "Plusieurs quartiers dont les habitants appartiennent majoritairement à la classe populaire et à des minorités ethniques ont été soumis à des couvre-feux plus longs que le reste de la ville", note le rapport.
Selon Amnesty, "la police a exercé son contrôle du respect des mesures de confinement de manière disproportionnée dans les régions les plus pauvres, où la proportion de personnes appartenant à des minorités ethniques est souvent plus élevée."
Dans le département le plus pauvre de la France métropolitaine, la Seine-Saint-Denis, où la majorité des habitants sont noirs ou d’origine nord-africaine, le nombre de contraventions pour infraction au confinement a été trois fois plus élevé que dans le reste du pays, alors que selon les autorités locales le respect des mesures de confinement y était semblable à ce qu’il était ailleurs en France."
Cela fait longtemps qu’Amnesty dénonce le racisme dans la police, rappelle Nicolas Krameyer, responsable du programme liberté pour Amnesty International France, joint par France Inter : "Ce n’est pas un phénomène nouveau", mais ce sont des tendances à travers toute l'Europe. Pour ce responsable de l’ONG, "c'est vraiment à l'échelle européenne et au sein de chaque pays qu'un certain nombre de mesures doivent être mises en place."
Amnesty réclame trois grosses réformes structurelles
L'ONG recommande trois réformes structurelles importantes. "La première, c'est d'en finir avec l'usage illégal de la force. C'est-à-dire qu’il faut rappeler les règles d'usage de la force aux différentes forces de police en Europe, et leur dire que le recours à la force doit uniquement être un ultime recours", précise Nicolas Krameyer : "Typiquement, recourir à la force pour contraindre une personne à montrer son récépissé ou sa pièce d'identité, généralement, n'est absolument pas justifié".
La seconde requête d'Amnesty international, "c'est de mettre en place un certain nombre de statistiques permettant d'étudier l'ampleur du phénomène de discriminations et surtout de pouvoir. On ne peut pas prendre de vraies mesures si on n'a pas les outils de mesure adéquats".
Enfin, la troisième recommandation pose la question "de l'impunité des forces de l'ordre". Pour Nicolas Krameyer, "il est essentiel que dans les pays européens, les mécanismes et des organismes d'enquête indépendants soient mis en place afin de pouvoir enquêter de manière impartiale et effective sur les allégations d'usage excessif de la force, les allégations d'injures racistes et les allégations de comportements ou de propos discriminatoires au sein de la police."
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