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Avec la politique d'Agnès Buzyn et bientôt celle d'Olivier Véran, votre pronostic vital est engagé
Fermetures de blocs opératoires, suicides, burn-out, morts sur des brancards faute de prise en charge: des mois de mobilisations n’y auront rien fait. Le politique a-t-il donc obtenu le droit de vie ou de mort sur nous?
Depuis 2009 et la loi HPST (hôpital, patients, santé, territoires) dite loi “Bachelot” portant réforme de l’Hôpital et créant la T2A (tarification à l’activité), il n’est question que de restrictions budgétaires dans le monde de la santé. Les établissements de soins sont pris à la gorge, s’étouffent et meurent à petit feu.
Qui a vécu, se souvient que les mobilisations soignantes ont commencé huit mois après la prise de fonction de Madame Buzyn au Ministère des Solidarités et de la Santé.
Telle une tragédie, ces mobilisations se déroulent en trois principaux actes:
Acte 1, 2017, le Géronticide
Plusieurs mouvements de contestation jaillissent dans le secteur des soins aux aînés.
En cause: la réforme du financement des EHPAD incluant le passage à un financement forfaitaire des soins et de la dépendance basé sur les besoins des résidents.
Les paramédicaux des EHPAD lancent plusieurs appels à l’aide dénonçant “une violence institutionnelle, subie à la fois par les personnes âgées et les personnels des maisons de retraite médicalisées” conséquence d’un manque cruel de soignants et de moyens matériels.
Montant de la quête: 50 millions d’euros pour les établissements en difficulté. Question: qui décide de quel établissement est en difficulté?
Acte 2, 2018, le Psychiatricide
Les services de psychiatrie s’engouffrent dans la ronde infernale, avec notamment une grève de la faim médiatisée pour dénoncer l’augmentation de la demande de soins, la surpopulation dans les hôpitaux publics due à la fermeture de lits et à la création de Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT), le manque cruel de personnel spécialisé, la détérioration des infrastructures entraînant la dégradation de la qualité des soins.
Ils attendent toujours à ce jour la réponse de Madame l’Ex-ministre Buzyn.
Acte 3, 2019, l’Urgenticide
Naissance d’une crise historique dans les services d’urgence et création du Collectif Inter-Urgences qui clame le ras-le-bol des soignants face au manque de moyens humains et matériels, au délabrement des infrastructures, à l’insécurité croissante pour les paramédicaux, au délitement des soins et parfois à la mise en danger des patients.
Cette grogne monte crescendo, se propage aux blocs opératoires où les Infirmiers de Bloc Opératoire Diplômés d’État (IBODE) souffrent d’une non reconnaissance devenue intolérable et où l’exploitation des Infirmiers Diplômés d’État (IDE) en bloc opératoire est de mise pour pallier la pénurie d’IBODE, entraînant ainsi l’émergence du Collectif Inter-Blocs.
Tous les services sont touchés et mis sous tension à cause des décisions politiques d’austérité accentuées par les directives ministérielles néolibérales votées au nom du sacro-saint profit.
Les blocs opératoires sont un parfait exemple de cette marchandisation du soin avec l’avènement de la T2A. Les patients sont aujourd’hui considérés comme des produits marchands et le personnel comme des ouvriers du soin rémunérés à bas prix, qui doivent respecter un objectif de rapport bénéfice/coût imposé par la hiérarchie. Toujours plus d’interventions, toujours moins de moyens, encore moins de matériels, utilisés jusqu’à la lie et achetés en fonction de l’économie réalisée sur le produit et non de l’efficience de ce dernier, tout cela saupoudré par un personnel tyrannisé et exploité à coup de manque d’effectif et de dévalorisation.
Les patients sont aujourd’hui considérés comme des produits marchands et le personnel comme des ouvriers du soin rémunérés à bas prix, qui doivent respecter un objectif de rapport bénéfice/coût imposé par la hiérarchie.
À cause de ce diktat financier, les professionnels des différents établissements de soins se sont alors regroupés en Collectif Inter-Hôpitaux car l’Hôpital brûle et a mal à sa santé.
Nous pensions, à tort, que nos revendications présentées à la Ministre Buzyn seraient entendues et prises au sérieux, avec des actions proportionnées et rapides. Elle n’a répondu que par des pseudos plans d’urgence avec des “primettes” pour certains et surtout rien pour le plus grand nombre. Ceci laissant croire que des millions ou des milliards d’euros seraient mis à disposition des Hôpitaux. Il s’agissait en fin de compte d’une facile manœuvre budgétaire inscrite à l’avance dans le PLFSS (Projet de loi de financement de la sécurité sociale). Un tour de passe-passe qui ne nous aura pas trompé et a encore plus renforcé notre envie de nous mobiliser.
Nous nous souviendrons d’une Ministre plutôt fermée au dialogue, sourde à nos besoins et aveugle quant à la souffrance des professionnels de Santé.
Face à ce constat, est-il nécessaire de vous rappeler les conditions actuelles de notre système de santé envié par tant de pays? Où l’humain avait une place de choix et la vie était préférée à la rentabilité.
Faisons un état des lieux rapide, puisque notre nouveau Ministre Monsieur Olivier Véran, fraîchement débarqué, annonce une enquête sur le mal-être hospitalier. Étonnant car n’est-il pas lui-même issu de notre milieu? Un médecin qui ne connaîtrait pas nos problématiques de terrain et rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale en 2014?
Quel est le constat de l’hôpital public aujourd’hui?
Pour rappel, c’est près de 100.000 lits fermés en 20 ans dont 4200 rien qu’en 2018. La moitié des maternités sur cette même période, des fermetures de blocs opératoires, de services, des suicides, des burn-out, une fuite du personnel soignant, des reconversions, des morts sur des brancards, des morts faute de prise en charge médicale et chirurgicale, des collègues morts dans l’exercice de leurs fonctions, des urgences qui saturent, des EHPAD à bout de souffle, la psychiatrie en manque de moyens, les blocs opératoires craquent etc…
La liste est tellement longue et les scènes parfois tellement surréalistes, qu’on serait presque dans un film de science-fiction comme “Un jour sans fin” d’Harold Ramis, où nous serions condamnés à nous réveiller sans cesse le même jour et à subir les mêmes scénarios de tristesse infinie.
La démesure politicienne a donc pris le pas sur l’égalité des chances et la fraternité, sur l’humain et les valeurs soignantes.
Nos soins, le soin, deviennent des notions balayées d’un revers de vote, avec une résonance amère de profit et de rentabilité. Faire toujours plus avec toujours moins de moyens. Réorganisez-vous nous rabâche-t-on! Le politique a-t-il vraiment obtenu le droit de vie ou de mort sur les citoyens qu’il est censé devoir servir et protéger?
Agnès Buzyn n’a répondu que par des pseudos plans d’urgence avec des “primettes” pour certains et surtout rien pour le plus grand nombre. Ceci laissant croire que des millions ou des milliards d’euros seraient mis à disposition des Hôpitaux.
Car aujourd’hui, selon le lieu où vous vous trouvez, votre pronostic vital est peut-être déjà engagé! À cause d’une ligne de SMUR supprimée, d’un établissement de proximité, d’une maternité ou d’un bloc opératoire fermé(s).
Le manque de moyens alloués aux hôpitaux est tel, que nous ne sommes plus égaux face à un accident, la maladie ou une intervention chirurgicale.
Désormais, pour ceux qui peuvent se le permettre, le choix du lieu de villégiature sera conditionné par la présence ou l’absence d’un établissement de soins.
Alors, chers citoyens, soyez prudents sur le choix de votre lieu de vacances car cela pourrait être votre dernier voyage. Non pas du fait que vous pourriez faire une erreur, mais juste parce que des décisions politiques prises préfèrent un budget pour la santé bien en-dessous des besoins nécessaires à nos vies.
“Une incroyable aventure humaine” pour Madame Buzyn, vraiment?
Des mois de mobilisations n’y auront rien fait. Une intersyndicale unique à laquelle différents collectifs représentant toutes les professions et usagers se sont joints. Le gouvernement reste enfermé dans sa trajectoire qui nous déshumanise un peu plus chaque jour et abolit tout sens donné au soin.
On ne peut oublier de citer la dernière déclaration de Madame Buzyn avant de quitter le ministère soulignant qu’elle avait vécu une incroyable aventure humaine. Mais où est l’humain aujourd’hui dans le soin si ce n’est converti en numéro dans le bourdonnement assourdissant des tableaux Excel des technocrates qui administrent les structures de soins?
Et comble d’un mépris intolérable pour les soignants, la minute de silence refusée par le Président de l’Assemblée Nationale, en hommage à Elodie, collègue infirmière tuée dans l’exercice de ses fonctions.
Est-ce la goutte d’eau qui fera déborder un vase déjà trop plein? Une certitude est que nous, soignants, continuerons la bataille pour la santé de nos patients, de nos concitoyens, de nos enfants, de nos parents et pour nous tous!
Alors oui qui vivra, Véran.
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