Très peu suivi par la presse et les médias audiovisuels, le procès du volet financier de l’affaire Karachi l’a été intégralement, du 7 au 30 octobre, par Mediapart.
Onze années après nos premières révélations, vingt-cinq après les faits, c’est, au-delà des personnes jugées, toute une époque qui a été convoquée à la barre du tribunal correctionnel de Paris :
celle du balladurisme, un prélude au sarkozysme.
Cinq prévenus ont dû répondre de délits présumés qui dessinent les contours juridiques de l’
une des plus grandes affaires politico-financières de ces dernières décennies. Mais ce fut avant tout le procès des doublures : Nicolas Bazire, ancien directeur de cabinet et de campagne du premier ministre Édouard Balladur (actuel numéro deux de LVMH) ; Renaud Donnedieu de Vabres, ancien conseiller du ministre de la défense François Léotard ; Thierry Gaubert, ancien collaborateur du ministre du budget Nicolas Sarkozy ; l’intermédiaire Ziad Takieddine et Dominique Castellan, ancien dirigeant de la DCN-I, filiale d’une entreprise d’armement d’État au centre des soupçons.
Le dossier porte, d’après l’accusation, sur des soupçons de détournements de fonds opérés en marge des ventes d’armes de l’État français avec le Pakistan et l’Arabie saoudite, afin de financer – notamment – la campagne présidentielle de 1995 de Balladur. Les sommes en jeu, qui ont rythmé pendant plus de trois semaines les audiences de ce volet non ministériel, ont quelque chose d’effarant : 327 millions d’euros de commissions occultes promises sur les contrats incriminés à un réseau d’intermédiaires de la dernière heure (
dont Takieddine), 173 effectivement versés, dont 11 prélevés en espèces.
Le procès a donné lieu à plusieurs scènes de genre qui finissent toujours par transpirer d’une audience : ici,
les pressions politiques ; là,
le revirement d’un prévenu passé aux aveux ; ici,
un clan qui fait bloc ; là,
la misogynie d’un mis en cause qui dénonce un « complot » des femmes ; ici, le
rôle ambigu d’une entreprise d’armement ; là, la rencontre dans l’enceinte du tribunal de deux mondes qui d’ordinaire ne se croisent pas,
les cols blancs face aux cols bleus.
Dénonçant «
une véritable opération de prédation » au cœur de l’État français, le parquet a requis des peines de trois à sept ans de prison, dont du ferme, et même un mandat de dépôt à l’encontre de Ziad Takieddine à l’énoncé du jugement.
Tous les
avocats des prévenus ont pour leur part plaidé la relaxe, utilisant toute la palette des arguments à leur disposition : le dossier est vide, ce ne sont pas les vrais responsables devant le tribunal, les délits poursuivis ne sont pas les bons, toute l’affaire est pénalement prescrite… Le tribunal rendra son jugement en avril prochain.
Vingt-six ans après les faits.
P.-S. Les principaux responsables politiques, Édouard Balladur (90 ans) et François Léotard (77 ans), devraient eux aussi être jugés à une date encore non déterminée devant la Cour de justice de la République.
Sarkozy, lui, est passé entre les gouttes.
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