Lu dans le DL du 1.10.2019
ÉDITO
Gilles DEBERNARDI
À Rouen, tout baigne
Depuis que les Anglais y brûlèrent Jeanne d’Arc, jamais
on ne vit fumée aussi noire obscurcir le ciel de Rouen.
Une
odeur écœurante a envahi les ruelles de la vieille cité.
Les
pompiers intervenus sur le sinistre, de l’hydrocarbure
jusqu’aux chevilles, souffrent d’une toux persistante et de
nausées intempestives.
C’est grave, docteur ?
Mais non.
Avant qu’Édouard Philippe ne vienne garantir « la totale
transparence », les instances gouvernementales se hâtèrent de rassurer la population.
Pourvu qu’on ne consomme
ni les fruits, ni les légumes, ni les volailles, ni les œufs, ni le
miel produits autour de l’agglomération, tout baigne.
Mieux vaut néanmoins éviter le contact avec la Seine,
chargée de poissons morts et plus polluée que jamais.
À
part ça, proclame le ministre de l’Intérieur, « il n’y a aucune
dangerosité particulière ».
Castaner de rien.
Les premiers
résultats d’analyse de l’air ne révèlent pas de « toxicité
aiguë ».
Juste la présence de quelques traces « d’oxyde
d’azote », méchant gaz issu de la combustion du carburant.
Pas de quoi s’affoler, en somme.
La suie n’a jamais tué
personne, sinon le Père Noël n’existerait plus depuis longtemps.
Ouf, on respire !
À qui les yeux piqueraient quand
même, la préfecture donne un précieux conseil sanitaire :
« Rincez-les avec du sérum physiologique ».
Et que chacun
vaque tranquillement à ses occupations, les autorités
veillent.
Comme elles veillaient déjà en 2001, après l’explosion d’AZF à Toulouse.
Promesse fut faite, alors, de vite
délocaliser hors des villes les sites industriels « classés
Seveso ».
L’usine chimique Lubrizol de Rouen, dont l’incendie dramatique occupe aujourd’hui l’actualité, entrait
précisément dans cette catégorie.
Mais nul ne jugea utile,
en haut lieu, d’envisager un déménagement pour si peu.
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