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mardi 1 octobre 2019

À Rouen, tout baigne - le 1.10.2019

Lu dans le DL du 1.10.2019


ÉDITO

Gilles DEBERNARDI

À Rouen, tout baigne


Depuis que les Anglais y brûlèrent Jeanne d’Arc, jamais on ne vit fumée aussi noire obscurcir le ciel de Rouen. 
Une odeur écœurante a envahi les ruelles de la vieille cité.
 Les pompiers intervenus sur le sinistre, de l’hydrocarbure jusqu’aux chevilles, souffrent d’une toux persistante et de nausées intempestives.
 C’est grave, docteur ? 
Mais non. 
Avant qu’Édouard Philippe ne vienne garantir « la totale transparence », les instances gouvernementales se hâtèrent de rassurer la population.
 Pourvu qu’on ne consomme ni les fruits, ni les légumes, ni les volailles, ni les œufs, ni le miel produits autour de l’agglomération, tout baigne.
 Mieux vaut néanmoins éviter le contact avec la Seine, chargée de poissons morts et plus polluée que jamais.
 À part ça, proclame le ministre de l’Intérieur, « il n’y a aucune dangerosité particulière ». 
Castaner de rien. 
Les premiers résultats d’analyse de l’air ne révèlent pas de « toxicité aiguë ». 
Juste la présence de quelques traces « d’oxyde d’azote », méchant gaz issu de la combustion du carburant. 
Pas de quoi s’affoler, en somme.
 La suie n’a jamais tué personne, sinon le Père Noël n’existerait plus depuis longtemps. 
Ouf, on respire ! 
À qui les yeux piqueraient quand même, la préfecture donne un précieux conseil sanitaire : « Rincez-les avec du sérum physiologique ». 
Et que chacun vaque tranquillement à ses occupations, les autorités veillent. 
Comme elles veillaient déjà en 2001, après l’explosion d’AZF à Toulouse.
 Promesse fut faite, alors, de vite délocaliser hors des villes les sites industriels « classés Seveso ».
 L’usine chimique Lubrizol de Rouen, dont l’incendie dramatique occupe aujourd’hui l’actualité, entrait précisément dans cette catégorie. 
Mais nul ne jugea utile, en haut lieu, d’envisager un déménagement pour si peu.

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