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dimanche 15 septembre 2019

L’Union européenne- VIII — La Cour de justice de l’Union européenne


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L’Union européenne – Huit



Publié le  par 
VIII — La Cour de justice
de l’Union européenne
La Tribune des Travailleurs, 28 novembre 2018

Après le Conseil européen, la Commission européenne, le Parlement européen et la Banque centrale européenne, nous abordons cette semaine une autre institution : la Cour de justice de l’Union européenne.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, anciennement Cour de justice des Communautés européennes, CJCE) est une véritable machine de guerre visant à broyer toutes les conquêtes sociales arrachées par la classe ouvrière dans chaque État membre. Ses décisions visent à faire rendre gorge à tous les acquis sociaux inscrits dans le droit national de chacun de ces États.
« L’objectif de la Cour de justice consiste à lutter contre les carences des États qui ne transposent pas en temps utile les directives. Elle considère que l’État défaillant est responsable et qu’il est tenu de réparer les dommages », écrit un juriste.
En clair, la Cour de justice passe son temps à condamner les États qui ne sont pas le doigt sur la couture, aux ordres des institutions supranationales de l’Union européenne et de ses traités et brise les droits et garanties collectives nationaux qui font obstacle à « la concurrence libre et non faussée » de l’Union européenne.
Ainsi en 1997, la CJCE condamnait la France pour n’avoir pas abrogé l’interdiction du travail de nuit des femmes dans l’industrie – loi datant de 1892 – au nom de la directive européenne de 1976 relative à l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes. En 1999, la Commission européenne demandait à la Cour de justice d’infliger une amende journalière de 142 425 euros à la France pour non-application de cette décision. Le 24 avril 2001, le gouvernement Jospin-Buffet-Mélenchon rétablissait le travail de nuit des femmes dans l’industrie !
Chacun des jugements de la Cour a une portée pour toute l’Union européenne. Elle est l’instrument majeur d’alignement par le bas des droits sociaux dans tous les États de l’Union européenne.
« Adaptabilité immédiate », « effet direct », « primauté du droit communautaire sur le droit national » : telles sont les trois caractéristiques du droit communautaire que la CJUE est chargée de faire appliquer. Dès 1964, l’arrêt Costa contre Enel, établissait : « Les États ont limité, dans des domaines restreints, leurs droits souverains », le droit supranational doit donc s’appliquer à eux.
Avec l’arrêt van Gend en Loos de 1963, la Cour de justice européenne indique : « L’objectif du traité de Rome est d’instituer un marché commun dont le fonctionnement concerne directement les justiciables ». Elle autorise ainsi les entreprises privées à la saisir directement pour obliger les États à faire appliquer le droit supranational européen.
En 2013, la filiale grecque AGET Iraklis de la multinationale Lafarge saisit la Cour européenne car le ministère du Travail en Grèce lui a interdit de procéder à des licenciements collectifs, invoquant notamment l’importance du taux de chômage en Grèce. En 2016, la Cour de justice européenne casse la décision du gouvernement grec : « Les critères pour justifier les interdictions de licenciement sont trop vagues » et la réglementation sur le droit du travail en Grèce va « au-delà de ce qui est nécessaire ». Elle est trop contraignante. Commentaire d’un juriste après cette décision : « Analyser toute règle de droit du travail comme une entrave à la liberté d’établissement et à la liberté d’entreprendre conduit à une délégitimisation des règles mêmes du droit du travail »* 
——
* Sylvaine Laulom, professeur de droit à l’université Lyon-II, « L’arrêt AGET Iraklis, un nouvel arrêt Laval ? », 20 janvier 2017.

Le combat

contre le dumping social

En 2007 et 2008, la Cour de justice de l’Union européenne rendait quatre arrêts – Laval, Rüffert, Viking et Commission contre le Grand-Duché du Luxembourg – d’une gravité exceptionnelle en autorisant le dumping social et en interdisant aux syndicats de le combattre.
Dans l’affaire Laval, un syndicat suédois du bâtiment combattait le recours à des travailleurs détachés lettons pour la construction d’une école, qui étaient payés 30 à 35 couronnes l’heure alors que le salaire horaire en Suède est de 135 couronnes. Il appela à la grève et au blocus contre cette pratique de « dumping social ». La Cour de justice condamna la loi suédoise qui donne le droit aux syndicats d’exiger des conventions collectives pour les travailleurs du bâtiment. Cette loi suédoise a été jugée contraire à la législation européenne. Elle condamna les
syndicats suédois qui avaient organisé la grève à une amende de trois millions de couronnes en réparation « du préjudice subi par l’entreprise » pour la grève qui avait été menée. Comme le déclara Hans Tilly, le président du syndicat des ouvriers du bâtiment suédois, « la Cour condamne le modèle suédois à disparaître. Ce n’est pas acceptable ».
L’affaire Rüffert est analogue puisqu’elle contraint le Land de Basse-Saxe à autoriser une société polonaise à payer ses salariés à 46 % du salaire de la convention collective du Land pour la construction d’un bâtiment public.
Pour la Cour de justice européenne, le respect des conventions collectives est une entrave à la libre prestation de services garantie par l’article 49 du traité européen.
L’Entente internationale des travailleurs et des peuples décida d’engager une campagne pour l’abrogation de ces jugements. Lors d’une conférence ouvrière à Stockholm le 25 mai 2008, elle déclara : « Nous dénions le droit à l’Union européenne et à sa Cour de justice de briser ce que nos organisations ouvrières ont arraché par leur combat pendant plus d’un siècle. Nous irons à Bruxelles pour dire à l’Union européenne et à sa Cour de justice : les jugements Laval, Viking et Rüffert doivent être immédiatement abrogés ».
Une délégation fut reçue le 12 septembre par un représentant de la Commission européenne, qui refusa toute abrogation. Il appela néanmoins à trouver un consensus entre les organisations syndicales et le patronat : « Les avis (de la CJUE) font jurisprudence et sont contraignants pour toutes les institutions européennes. Il ne relève donc pas des prérogatives de la Commission européenne de faire abroger un arrêt de la Cour ». À la même période, le Forum social européen de Malmö appelait à « annuler tous les effets des arrêts qui portent préjudice aux organisations syndicales » – et non l’abrogation des arrêts – et soutenait la proposition de la « Confédération » européenne des syndicats (CES) d’intégrer une « clause de progrès social » au traité de Lisbonne.

Ici, les dix chapitres
du grand dossier de La Tribune des travailleurs
pour connaître les vérités
les plus utiles sur l’Union européenne.

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