Le problème est qu’avec l’accroissement de ce genre de votes et de cette abstention (qu’on peut résumer par « rejet »), la légitimité réelle du pouvoir s’érode franchement : difficile de prétendre représenter la France ou le peuple français si une part majoritaire n’a pas voté pour ceux qui entendent l’incarner.
Dans un pays démocratique, on admet assez facilement ce phénomène en introduisant la notion d’alternance du pouvoir : une partie du peuple n’a pas l’occasion de voir ses représentants exercer le pouvoir mais, d’une part, cette partie du peuple trouve tout de même à s’exprimer puisque ses représentants sont malgré tout présents dans les assemblées et une partie des institutions, et d’autre part, on admet la légitimité de ceux qui sont en place parce qu’il existe une possibilité claire, définie, palpable, que l’alternance joue à un moment ou un autre (à la prochaine élection, typiquement).
Autrement dit, le jeu démocratique fonctionne tant que les différentes parties du peuple ont bien une représentation dans les différents étages de pouvoir (législatif, exécutif, judiciaire) et que la probabilité d’exercer un jour le pouvoir est strictement non nulle.
Lorsque d’un côté cette représentation n’existe plus (une partie du peuple n’est plus représentée par personne, nulle part) et que de l’autre, la probabilité pour cette partie du peuple d’exercer le pouvoir devient nulle, le jeu démocratique est cassé : cette partie du peuple se désolidarise progressivement du reste. Tant que ceci se déroule avec une part négligeable ou minoritaire de l’ensemble d’une nation, cela passe à peu près inaperçu et peut durer longtemps.
En revanche, s’il s’agit d’une majorité qui se retrouve sans représentation, sans espoir d’en avoir une, et encore moins d’exercer le pouvoir, la situation devient véritablement instable.
Qu’en est-il en France ?
Les élections parlementaires françaises, à la participation stable de 1945 jusqu’en 1973, désignent depuis 1978 un parlement de moins en moins représentatif des Français et depuis les dernières élections, sous Macron, pour la première fois de l’histoire de France depuis très longtemps (au moins un siècle si l’on remonte aux élections parlementaires de 1919), ceux qui votent les lois de la France ne représentent plus la majorité des Français (le parlement à majorité LREM de 2017 n’a ainsi été élu qu’avec 42.64% des voix).
Pour le vote aux européennes, on constate la même érosion : depuis 1989, l’abstention a toujours été majoritaire à l’exception de 1994, suite à l’effondrement soviétique. Depuis, seule la dernière élection de 2019 (avec une abstention à 49.9%) peut prétendre envoyer des députés européens représentant une (courte) majorité du peuple. Progressivement, le vote aux européennes s’est mué en vote de protestation.
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