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dimanche 15 septembre 2019

L’Union européenne – Trois - III — Du traité d’Amsterdam au TSCG


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L’Union européenne – Trois


III — Du traité d’Amsterdam au TSCG
(Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance)

La Tribune des Travailleurs, 24 octobre 2018

Après les traités fondateurs des institutions de l’Union européenne – Rome (1957) et Maastricht (1992) –, la troisième partie de ce dossier revient cette semaine sur le traité d’Amsterdam et le pacte de stabilité (1997), le traité de Lisbonne (2007), le « TSCG » (2012)… et la victoire du vote non à la Constitution européenne (2005).

1997.
Traité d’Amsterdam et pacte de stabilité : « Un plan de rigueur à perpétuité »
La perspective de la mise en place de l’euro en 2002, issu du traité de Maastricht de 1992, conduit l’Union européenne à resserrer chaque jour un peu plus le nœud coulant de l’austérité sur les peuples d’Europe.
Plus l’échéance approche, plus l’étau de l’euro se referme, plus l’exigence de réduire les déficits publics se fait pressante.
Dans un manifeste publié en 1999, les Premiers ministres « socialistes » britannique et allemand, Blair et Schröder, écrivent : « L’assainissement des finances publiques doit être un objet de fierté pour les sociaux-démocrates (…). Les sociaux-démocrates ne doivent pas tolérer un niveau de dette publique* trop élevé (…). Il est primordial de réduire, et non d’augmenter, le niveau élevé de l’emprunt public. »
Quatre années auparavant, Theo Waigel, le ministre allemand des Finances du gouvernement conservateur d’Helmut Kohl, proposait une mesure drastique : limiter l’autorisation de déficit public non pas à 3 % mais à 1 % dans le cadre de l’euro.
Cette hypothèse n’a pas été retenue, mais elle a ouvert la voie à l’adoption du « pacte de stabilité et de croissance » au sommet d’Amsterdam de 1997, qualifié par certains de « plan de rigueur à perpétuité ».
Le pacte de stabilité aggrave les contraintes du traité de Maastricht en imposant deux mécanismes supplémentaires d’austérité, l’un « préventif », l’autre « curatif ».
La « surveillance multilatérale » oblige les États à présenter leurs objectifs budgétaires à moyen terme dans un programme de stabilité actualisé chaque année.
« La procédure des déficits excessifs », enclenchée dès qu’un État membre dépasse le critère des 3 % des déficits publics constitue une véritable procédure disciplinaire qui comprend une palette de mesures répressives pour punir les mauvais élèves : recommandations, sanctions, amendes pouvant s’élever à 0,5 % du PIB d’un État.
Le traité d’Amsterdam, tout en entérinant cette politique d’austérité, consacre un renforcement des liens entre l’Union européenne et l’OTAN.
Le traité de Nice (2001) prépare le cadre institutionnel visant à l’intégration des pays de l’Europe centrale et orientale à l’Union européenne.
Cette spirale de l’austérité se heurte en permanence à la résistance des peuples, que ce soit sur le terrain des élections (*) ou sur celui direct de la lutte des classes. 
(*) 2000, rejet de l’euro par le Danemark ; 2001, rejet du traité de Nice par l’Irlande ; 2003, rejet de l’euro par la Suède ; 2005, rejet de la Constitution européenne par la France et les Pays-Bas ; 2008, rejet du traité de Lisbonne par l’Irlande.

2005.
La victoire du vote non à la Constitution européenne
« Pourquoi manifestez-vous ? Vous savez bien que la Constitution européenne va être adoptée. À l’Assemblée nationale, la quasi-totalité des députés sont pour. » À cette question qu’une journaliste avait posée à Daniel Gluckstein, alors secrétaire national du Parti des travailleurs, juste avant la manifestation du 22 janvier 2005 contre la Constitution européenne, il lui avait répondu : « Les députés sont pour, mais le peuple est contre. »
La campagne référendaire sur la Constitution européenne en France a été marquée par un intense débat, d’abord au sein des organisations ouvrières, ensuite dans le peuple lui-même.
Dès septembre 2004, dans une résolution de son comité confédéral national (CCN), Force ouvrière dénonçait un texte qui tend à « constitutionnaliser la politique de privatisation et de déréglementation ». Par ailleurs, alors que le comité exécutif de la Confédération européenne des syndicats (CES) avait approuvé, en juillet, le projet de Constitution européenne, le CCN rappelait que « FO est déterminée à préserver son indépendance et sa liberté de comportement, et ne saurait se considérer engagée par des positions ou décisions n’émanant pas de ses structures. »
De son côté, à l’issue d’un débat interne, malgré la volonté de sa direction, la CGT appela à voter non à 80 % lors d’un CCN en février 2005. Le journal Les Échos (4 février 2005) commentera ainsi cette décision : « Bernard Thibault a eu beau dénoncer l’absence de réel débat, compte tenu du nombre d’organisations qui étaient venues avec un mandat ferme pour donner la consigne du “non” au référendum, il a échoué à retourner la salle et n’a pu qu’acter sa défaite. »
Le contexte de la campagne référendaire a par ailleurs été marqué par une puissante poussée de la classe ouvrière et de la jeunesse sur le terrain direct de la lutte des classes (grèves, manifestations paysannes, mobilisation de la jeunesse contre la réforme du bac…).
Cette campagne référendaire a enfin été marquée par la volonté de la classe ouvrière de se saisir du bulletin de vote pour chercher à porter un coup d’arrêt à la politique destructrice menée depuis Maastricht. C’est pourquoi la campagne d’unité menée par le Parti des travailleurs à la suite d’une convention nationale qui s’était réunie à Ivry-sur-Seine le 16 octobre 2004, fut une campagne pour le vote non, une campagne pour la victoire du vote non. Le 29 mai 2005, le non l’emportait à 54,6 %. Le résultat fut sans appel. Un vote de classe. Les départements ouvriers et paysans les plus frappés par les conséquences dramatiques de l’Union européenne (Pas-de-Calais, Aisne, Somme, Aude, Ariège…) rejetèrent à près de 70 % le traité.
La victoire du vote non en France précéda la victoire du vote non aux Pays-Bas, deux jours plus tard.
Il fallut la trahison du vote du 29 mai par une sainte-alliance entre députés conservateurs et « socialistes » dans les instances parlementaires de la Vᵉ République* pour faire passer, début 2008, par le traité de Lisbonne, ce qui avait été rejeté par le peuple en 2005.
2007.
Traité de Lisbonne : « Trahison du vote non à la Constitution européenne »
Le traité établissant une Constitution pour l’Europe est signé en 2004 à Rome. Une mécanique apparemment bien huilée dont la mise en œuvre était programmée au 1er novembre 2006.
La victoire successive du vote non en France puis aux Pays-Bas aurait dû ranger dans les poubelles de l’histoire ce texte élaboré pendant trois ans par un aréopage de 105 membres présidé par Valéry Giscard d’Estaing.
Cette défaite de l’Union européenne n’amena pas les gouvernements des pays européens à renoncer à leur entreprise, au contraire. Ils proposèrent en 2007, sous le nom de traité de Lisbonne la Constitution européenne rejetée en 2005.
Seul le peuple irlandais, car les conditions constitutionnelles y contraignaient le gouvernement, put s’exprimer : le traité fut rejeté à 53 %(*) !
(*) Pour faire passer le texte, le gouvernement organisa un second vote en 2009.
2012.
TSCG : la règle d’or « contraignante et permanente »
La « crise des subprimes » puis « la crise de la dette* », en 2008-2009, exprimèrent la crise de dislocation de l’économie capitaliste (1). Elles firent voler en éclats les critères de Maastricht. Au début des années 2010, tous les États européens affichaient des taux d’endettement proches de 100 % et des déficits publics atteignant voire dépassant le double de ce qui était autorisé par Maastricht. La réponse de l’Union européenne ne fut pas d’assouplir sa politique de rigueur. Au contraire, elle amena à mettre en place en 2012 une sorte de pilotage automatique de l’austérité à travers l’adoption de deux traités conjoints, le Mécanisme européen de stabilité (MES) et le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG).
Le MES est un « fonds monétaire européen » qui fonctionne comme le FMI : il accorde des prêts « aux pays en difficulté », assortis de « clauses de conditionnalité » ; il a tout pouvoir pour imposer les « plans d’ajustement structurel » et en vérifier l’exécution sur le terrain par l’envoi d’experts. Le TSCG impose l’adoption de « la règle d’or » sur les finances publiques : les États ne doivent pas dépasser un déficit structurel de 0,5 % du PIB.
Cette règle – dite règle d’or – doit prendre effet dans le droit national « au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles ».
Le TSCG prévoit des « corrections auto- matiques » avec comparution devant la Cour de justice des communautés européennes et obligation de réformes structurelles contrôlées par Bruxelles (2).
C’est un cran supplémentaire dans la disparition de toute souveraineté nationale des pays de l’Union européenne.
En clair, le traité s’est octroyé le pouvoir d’exiger des peuples d’Europe de graver dans leur Constitution l’austérité permanente !
(1) Daniel Gluckstein, « Crise de la dette ? Non, un système à l’agonie », La Vérité n° 71, août 2011.
(2) Daniel Gluckstein, « L’Europe, la crise… et le facteur décisif », La Vérité, n° 73, mars 2012.

Ici, les dix chapitres
du grand dossier de La Tribune des travailleurs
pour connaître les vérités
les plus utiles sur l’Union européenne.

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