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dimanche 15 septembre 2019

La « Confédération européenne des syndicats » Un rouage des institutions de l’Union européenne


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L’Union européenne – Dix


Publié le  
X — La « Confédération européenne
des syndicats »

Un rouage des institutions

de l’Union européenne

La Tribune des travailleurs, 19 décembre 2018
Questions

L’organisation qui prétend représenter les confédérations syndicales à l’échelle européenne s’appelle Confédération européenne des syndicats (CES) (*).

• La CES est-elle, à proprement parler, une confédération syndicale ?

• Est-elle une organisation syndicale dont le seul but est de défendre les intérêts individuels et collectifs des travailleurs ?

• Quels sont sa nature et son rôle dans le dispositif institutionnel de l’Union européenne ?

Jugez vous-même !

(*) La CES regroupe quatre-vingt-dix organisations syndicales issues de trente-huit pays européens ainsi que dix fédérations syndicales. Elle représente quarante-cinq millions d’adhérents.

« À la différence des syndicats nationaux, l’évolution de la CES (Confédération Européenne des Syndicats, NDLR) ne relève pas de la lutte des classes mais de l’institutionnalisation de la politique européenne », résume Emilio Gabaglio, ex-secrétaire général de la CES (1).
C’est donc la CES elle-même qui se qualifie d’institution de l’Union européenne (UE). Les traités européens lui reconnaissent d’ailleurs ce statut. L’article 154 du traité de l’UE indique en effet : « La Commission a pour tâche de promouvoir la consultation des partenaires sociaux au niveau de l’Union et prend toute mesure utile pour faciliter leur dialogue, en veillant à une solution équilibrée des parties ».
C’est donc tout naturellement que la CES a soutenu les traités européens successifs : le traité de Maastricht (1992), dont elle considérait qu’il « constitue une innovation importante puisque les partenaires sociaux deviennent corégulateurs dans le processus décisionnel » (2), la Constitution européenne (2005), qu’elle corédigea et dont elle prétendit imposer à tous ses affiliés le soutien durant la phase de ratification (3) ; le traité de Lisbonne (2008), dont elle annonça qu’« elle explorera les nouvelles dispositions, la manière de les utiliser et de construire ses fonctionnalités sociales positives » (4).
Quant au TSCG (5) de 2012, certes la CES exprima formellement son opposition (6), mais non seulement elle ne mena aucune campagne contre sa ratification, mais elle exprima à cette occasion son exigence de « règles communes de gouvernance économique ». De plus, la CES défend avec vigueur l’autre pan du dispositif d’austérité de l’UE de cette époque, le Mécanisme européen de stabilité (MES). Dans un document de réflexion de 2017, elle écrit en effet que c’est le MES qui a permis d’assurer « la survie de l’euro » (7).

La CES, un instrument du corporatisme européen

Le rejet grandissant de l’Union européenne par les peuples d’Europe amène la CES à accentuer la défense des institutions de l’UE et à aller toujours plus dans l’intégration corporatiste.
En juillet 2015, au lendemain dy référendum en Grèce contre le mémorandum de la troïka, la CES, par une lettre aux responsables politiques européens, s’est prononcée pour un « compromis raisonnable ».
(8) En 2016, la CES a combattu le Brexit avec acharnement, son secrétaire général déclarant : « La CES est clairement pour que le Royaume-Uni reste dans l’UE. Nous soutenons totalement le TUC (centrale syndicale britannique, ndlr) dans sa campagne en faveur du Remain (maintien dans l’UE). Tous nos affiliés sont opposés à la sortie de la Grande- Bretagne de l’UE ». Mais cette défense de l’UE s’est aussi traduite par le soutien au Socle européen des droits sociaux rédigé par la Commission européenne et adopté au sommet de Göteborg en 2017. La CES l’a qualifié de « nouvelle orientation sociale pour l’Europe » (9) ajoutant : « L’Europe semble enfin vouloir passer de l’austérité aux droits sociaux et à la solidarité ». (10) (voir encadré).
L’accentuation de l’intégration corporatiste de la CES dans le fonctionnement de l’UE se traduit enfin par son exigence d’être associée au Semestre européen, c’est-à-dire à la mise en œuvre annuelle des programmes d’austérité qui frappent chaque pays.
Dans une résolution de 2016, elle déclare : « Les affiliés de la CES doivent être impliqués dans l’élaboration des programmes nationaux de réforme et des programmes de stabilité et de convergence (de leur gouvernement) (…). Les affiliés de la CES doivent également être impliqués dans la rédaction et la mise en œuvre des recommandations par pays » (11)
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(1) Dans son ouvrage, Qu’est-ce que la CES ?; 2003.
(2) Extrait de Qu’est-ce que la CES ?
(3) Résolution de la CES, 13 juillet 2004.
(4) Communiqué du 1er décembre 2009.
(5) Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance.
(6) Communiqué du 25 janvier 2012.
(7) Document de réflexion sur l’approfondissement de l’union économique monétaire, 13-14 juin 2017.
(8) Cette lettre du 7 juillet 2015 a été signée par les principaux dirigeants syndicalistes européens, dont Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, et Jean-Claude Mailly, alors secrétaire général de Force ouvrière.
(9) Communiqué du 19 juin 2018.
(10) Communiqué du 17 novembre 2017.
(11) Résolution de la CES sur l’implication dans le Semestre européen, 22 octobre 2016.
Athènes, juillet 2015. Travailleurs et jeunes manifestent pour le « non » au mémorandum de la troïka.
La CES se prononce pour un « compromis raisonnable ».


D’où vient la CES ?

La CES a été formellement créée en 1973. Elle ne naît pas du jour au lendemain mais procède d’un long cheminement parallèle à celui de la Commission européenne.

En 1949, les syndicats en rupture avec la Fédération syndicale mondiale (FSM), dominée par les partis commu- nistes, fondent la Confédération inter- nationale des syndicats libres (CISL). La CISL crée en 1950 des branches « régionales » sur tous les continents. En Europe, cette structure est appelée Organisation européenne de la Confédération internationale des syndicats libres. Dès l’origine, il se crée un lien étroit entre la CISL et la « construction européenne » puisque le premier président de la CISL, Paul Finet (1), sera membre, puis président, de la première structure supranationale européenne, la haute autorité de la Communauté économique du charbon et de l’acier dans les années 1950, organisatrice des premiers plans de fermeture des mines.

En 1969, la branche européenne de la CISL devient la Confédération européenne des syndicats libres dans la communauté. Elle est dotée « d’une représentation permanente et active à Bruxelles ».

En 1973, la CES est fondée et ses statuts précisent ses principaux objectifs : « Représenter, promouvoir en commun les intérêts sociaux, économiques et culturels des travailleurs au niveau de l’Europe en général et en particulier auprès de toutes les institutions européennes ».

La CES comprend des confédérations syndicales nationales, des fédérations syndicales (2), des conseils syndicaux interrégionaux, une représentation dans les comités de groupe européens (3) et toute une série d’autres organisations (fédérations des retraités, des cadres, etc.) ; tout un ensemble hétéroclite qui concourt à l’intégration des confédérations ouvrières nationales dans le dispositif corporatiste de l’Union européenne.

Toutes les confédérations françaises sont membres de la CES, la CGT la rejoindra en 1999.

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(1) Paul Finet (1897-1965), syndicaliste et homme politique belge, a été le secrétaire général de la principale fédération syndicale belge, la FGTB.

(2) Il existe dix « fédérations » syndicales européennes, regroupant en leur sein plusieurs fédérations nationales dont le champ est très large. Exemple : la fédération Industriall regroupe dans un même ensemble de nombreuses fédérations d’industrie (métallurgie, chimie, mines et énergie, textile-habillement, etc.) des différentes confédérations de chaque pays.

(3) Plus de 1 300 comités d’entreprise européens représentant des milliers de travailleurs ont été constitués dans des sociétés transfrontalières dans toute l’Union européenne.

Qu’est-ce que…

…le socle européen des droits sociaux ?

Le socle européen des droits sociaux a été adopté par le sommet de Göteborg en 2017 afin de « tenir compte de l’évolution des sociétés européennes et du monde du travail » (1).
Parmi les vingt principes clés de ce socle européen des droits sociaux figurent notamment : « La flexibilité nécessaire aux employeurs pour s’adapter aux changements économiques doit être garantie » ; « L’esprit d’entreprise et le travail indépendants soutenus » ; « Les prestations chômage ne doivent pas avoir un effet dissuasif pour un retour rapide à l’emploi ».
Soulignons par ailleurs que la CES fait actuellement campagne pour l’adoption d’une directive sur l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée. Or, dans son communiqué du 7 mars 2018, « Droit des femmes. Oui à la directive sur l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée », une secrétaire confédérale de la CES défend l’adoption de nouveaux droits (congé parental, congé de proche aidant, etc.) car ils permettraient de réduire « les coûts des soins incombant aux services de santé et aux services sociaux » (2).
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(1) Discours de Jean-Claude Juncker de septembre 2015.
(2) Sans compter que les droits contenus dans la directive sont nettement inférieurs à la législation française actuelle puisqu’elle défend un congé parental de quatre mois…


Ici, les dix chapitres
du grand dossier de La Tribune des travailleurs
pour connaître les vérités
les plus utiles sur l’Union européenne.

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