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mercredi 10 janvier 2018

Toilette "VMC", double couche : le coup de gueule des infirmières

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SANTÉ

Toilette "VMC", double couche : le coup de gueule des infirmières

"Comment condamner quand vous avez 45 patients à charge en gériatrie?" demande Clara, infirmière. Photo d'illustration Pixabay/domaine public
"Comment condamner quand vous avez 45 patients à charge en gériatrie?" demande Clara, infirmière. Photo d'illustration Pixabay/domaine public

Faire une toilette "visage-mains-cul" aux résidents, mettre un sac plastique et une double couche sous un patient pour éviter de changer tout le lit, mélanger la biscotte, le beurre, la confiture le tout dans le café et faire manger ça aux malades... Les témoignages ahurissants de personnel soignant sur les réseaux sociaux et dans les médias sont édifiants.

Sur les réseaux sociaux, dans les médias, les coups de gueule se multiplient. La réalité du métier d'infirmier(e)s ou d'aide-soignant(e)s semble rattraper celles et ceux qui ont choisi ce métier par vocation mais qui ne se reconnaissent plus au quotidien.

"Vous êtes en situation, débrouillez-vous"

La profession sature devant le manque de moyens et les conditions de travail. Les témoignages ahurissants se multiplient, à l'instar de celui de cette infirmière, Christine Rinato, interrogée sur France 3 le 2 janvier. Elle raconte son quotidien dans une maison de retraite -un Ehpad- dont elle tait le nom. Huit emplois viennent d’être supprimés. Elle décrit un quotidien "comme à l'usine", un travail à la chaîne : "Vous vous retrouvez à quatre pour faire la toilette de 50 personnes. On vous dit : Vous êtes en situation, débrouillez-vous. Pour les repas ? Ça va être le souci, parce qu'il va falloir choisir celui qui va manger chaud, celui qui va manger froid, parce qu'on ne pourra pas s'occuper de tout le monde en même temps".
Elle raconte que le personnel a la consigne de faire des toilettes "VMC" : "C’est une toilette visage-mains-cul, une toilette express, ça c’est sûr". Les résidents ne bénéficient d'une vraie douche qu’une fois par semaine, au mieux. "C'est révoltant, c’est invivable, usant".

"Ouvrez la bouche madame"

Quelques jours plus tôt, le 18 décembre, c'est Clara, infirmière également, qui annonçait sur le site infirmiers.com qu'elle jetait l'éponge : "Mes conditions de travail n'étaient déjà pas brillantes en sortant du diplôme, elles sont encore pires aujourd'hui. On ne nous prépare pas assez à ce que nous allons traverser". 
Elle insiste sur l'humain qui n'est plus au centre du métier : "Durée de vie d'une infirmière dans son métier ? Six ans... Pour ma part, infirmière depuis huit ans dont quasiment cinq ans à l'Assistance publique et deux à l'étranger, je ne me suis sentie que très peu, voire pas du tout écoutée par ma hiérarchie. (...) Nous faisons un métier humain, mais l'humain n'est pas mis au centre de notre métier, la rentabilité elle, oui. Alors trop souvent, nous n'avons plus le temps d'écouter les patients, de leur tenir la main, de faire une toilette de personne âgée correctement. Le sac plastique et une double couche sous le patient pour éviter de changer tout le lit oui, je l'ai vu. La biscotte, le beurre, la confiture le tout dans le café et on mélange, ouvrez la bouche madame, oui je l'ai vu. Mais comment condamner quand vous avez 45 patients à charge en gériatrie et que vos collègues aide-soignants ne sont que deux pour plus de 20 toilettes au lit ? On ne nous donne plus les moyens de travailler correctement. (...) Aujourd'hui, je n'en ai juste plus la force."

"Je suis dans une usine d'abattage qui broie l'humanité"

Le 4 janvier, c'est une infirmière à l’Ehpad de l’hôpital du Cheylard, en Ardèche, qui a rendu sa blouse, épuisée, après seulement un an et demi de "carrière". Elle interpellait fin décembre la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, dans un long message posté sur Facebook,d'après Le Dauphiné Libéré. "Ce matin, j'étais donc seule pour 99 résidents, 30 pansements, un oedème aigu du poumon, plusieurs surveillances de chutes récentes et j'en passe. Mes collègues aide-soignants étaient eux aussi en effectif réduit. (...) Ce matin, j'ai craqué. (... ) Je suis dans une usine d'abattage qui broie l'humanité des vies qu'elle abrite, en pyjama ou en blouse blanche. Arrivez-vous à dormir ? Moi non. Et si c'était vous? Vos parents? Vos proches ? Que voulons-nous faire pour nos personnes âgées ? Pour les suivants ?" demandait-elle à la ministre.
SUICIDE CHEZ LES SOIGNANTS : LA RÉALITÉ DES CHIFFRES
L'association "Soins aux Professionnels de Santé" a dévoilé il y a un mois les résultats d'une étude sur le thème "Suicide et professionnels de santé", dans laquelle il est dit qu'un quart des 700 soignants interrogés -médecins, pharmaciens, infirmiers, aides-soignants, salariés comme libéraux- ont déjà eu des idées suicidaires du fait de leur travail au cours de leur carrière.
L'association a mis en place début 2017 une plateforme d'écoute pour les soignants en souffrance. Elle a reçu plus de 2000 appels en un an, dont une majorité venant d'infirmier(e)s (484), de médecins (417) et d'aide-soignants (198).
Et l'actualité semble donner hélas raison aux chiffres. Ce dimanche, une aide-soignante de 48 ans faisant partie de l'équipe de médecine nucléaire du CHU Purpan, à Toulouse, a été retrouvée inanimée dans les locaux de l'hôpital. Son époux avait signalé sa disparation la veille, selon France 3. La piste de l’acte volontaire est privilégiée.
Une série noire de suicides de personnel soignant avait secoué toute la profession à l'été 2016.


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