La journaliste la plus redoutée de Chine a décidé de prendre du recul. A quelques jours de ses 65 ans, Hu Shuli abandonne son poste de rédactrice en chef. Dans un communiqué, le groupe de presse Caixin Media, qu'elle a fondé en 2009, a annoncé, mardi 9 janvier, sans plus de détails, qu'elle continuerait cependant à s'occuper du " développement stratégique et des prises de décision majeures ".
Hu Shuli est une figure du journalisme chinois. De la même génération que le numéro un chinois, Xi Jinping – comme lui, elle a été envoyée à la campagne pendant la Révolution culturelle –, elle a couvert avec entrain les débuts de la réforme économique dans son pays, à partir de la fin des années 1970. Elle interviewe des jeunes gens, pour certains revenus des universités américaines, qui formeront plus tard l'élite économique et politique du pays.
Une dénonciation de la censureSi Hu Shuli a commencé dans la presse officielle, elle se fait un nom avec le magazine
Caijing (" finances et économie " en chinois), qu'elle crée en 1998. Il devient une référence et se distingue par un journalisme offensif, qui traque la corruption des grands groupes et repousse les limites de la censure officielle. La journaliste dévoile la face sombre des " trente glorieuses " chinoises. En 2003, défiant les consignes officielles,
Caijing enquête sur l'épidémie du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), dont le pouvoir communiste cherchait à minimiser l'ampleur.
A la suite d'un conflit interne, Hu Shuli quitte
Caijing pour créer un autre groupe de presse,
Caixin. Même succès. Du président Xi Jinping, elle soutient la lutte anticorruption. C'est
Caixin qui révèle ainsi les pratiques douteuses de l'assureur Anbang et de son patron, Wu Xiaohui. Mais elle n'hésite pas à critiquer le renforcement du contrôle de la presse. En 2016, la journaliste dénonce sur son site la censure d'un article plaidant pour la liberté d'expression. Aux oreilles de certains, sa semi-retraite sonne comme l'amère victoire des censeurs.
François Bougon
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