Le visage fatigué d'Ahed Tamimi, arrêtée dans la nuit du 18 au 19 décembre 2017, a déjà fait le tour de la Toile. Tout autant que la vidéo publiée quelques jours auparavant, et dans laquelle elle provoque, avec sa cousine Nour Tamimi, deux soldats israéliens qui voulaient s'introduire dans la cour de leur maison, à Nabi Saleh, au nord de Ramallah. Ahed Tamimi, sa cousine Nour et sa mère ont été interpellées par l'armée israélienne.
Le procureur du tribunal militaire israélien d'Ofer (Cisjordanie) a retenu, lundi 1er janvier, douze chefs d'inculpation contre Ahed – notamment pour avoir giflé un soldat le 15 décembre – et cinq contre sa mère, Nariman Tamimi. Si leur garde à vue a été prolongée d'une semaine, le procureur militaire a demandé leur maintien en détention jusqu'à leur procès. La décision concernant Nour Tamimi devait intervenir mardi 2 janvier.
Le père, Bassem Tamimi, ne se faisait guère d'illusion quant à la libération de sa fille :
" D'après mon expérience, elle risque encore six à huit mois de prison ", estime ce militant de longue date. Il voit en elle une des membres de la génération qui poursuivra
" la lutte pour la libération du peuple palestinien ". " Ahed n'a jamais voulu être une icône, mais la situation l'a amenée à le devenir, explique-t-il.
La résistance n'est pas un choix, c'est une responsabilité. "
Née en 2001 et seule fille d'une fratrie de quatre enfants, Ahed Tamimi a toujours participé à la marche pacifique du vendredi, instaurée par les familles de Nabi Saleh en 2009 pour dénoncer l'occupation israélienne. La colonie israélienne voisine, Halamish, a été fondée en 1977 sur les terres de villageois palestiniens. La confrontation hebdomadaire avec l'armée israélienne tourne souvent à la violence. Les heurts des jeunes avec les soldats sont systématiquement filmés.
" La caméra fait partie de notre lutte, elle rétablit la vérité ", justifie Bassem Tamimi. Très vite, son épouse, Nariman, filme leur fille, qui entraîne les plus jeunes. Les images de l'enfant militante diffusées sur Internet, par l'agence de presse de son oncle, font mouche.
" Humiliés "En 2012, Ahed Tamimi est prise en vidéo brandissant le poing sous le nez de soldats israéliens. Trois ans plus tard, elle apparaît sur des clichés également remarqués, parmi des femmes qui tentent de faire lâcher prise à un soldat en train d'immobiliser son petit frère Salam. Elle est ainsi devenue une figure familière de la résistance palestinienne à Nabi Saleh.
Ses faits d'armes relèvent surtout de provocations face à des soldats israéliens qui restent parfois impassibles. Les médias israéliens dénoncent une manipulation de la jeune fille par ses proches, ainsi que son jeu forcé, face aux caméras, pour pousser les soldats à bout. Le public palestinien admire son courage et s'identifie à elle, à sa jeunesse et à sa fierté.
" Beaucoup de Palestiniens se sentent humiliés par les Israéliens sans jamais oser leur répondre. Lorsque Ahed Tamimi gifle ou interpelle un soldat, elle devient une héroïne parce qu'elle fait ce que beaucoup aimeraient mais n'osent pas faire ", explique le docteur Samah Jabr, psychiatre et psychothérapeute palestinienne, souvent confrontée à la problématique de la résistance nationale.
A l'international, la mobilisation pour sa libération a été favorisée par son physique loin des idées préconçues : une Palestinienne aux yeux bleus, à la peau claire et aux boucles blondes.
" Si Ahed avait été brune et voilée, elle n'aurait pas reçu la même empathie, selon le docteur Jabr.
Ce profil est plus facilement associé à l'islamisme et donc au terrorisme. On aurait qualifié son attitude de violente plutôt que d'héroïque. "
Claire Bastier
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