http://latribunedestravailleurs.fr
AIR FRANCE « Ce gouvernement est en train de criminaliser l’action syndicale »(un salarié syndicaliste)
Article paru dans la Tribune des travailleurs du 27 octobre 2015
MOBILISATION Ce jeudi 22 octobre, des milliers de salariés se sont rassemblés devant l’Assemblée nationale pour l’abandon des poursuites et l’arrêt des licenciements.
De notre correspondant sur place
Le 22 octobre, dès 9 heures le XVI arrondissement de Paris, la direction d’Air France présente en comité central d’entreprise le plan de restructuration de la compagnie, « secteur par secteur », ainsi que « le nombre de postes censés être supprimés » d’ici à l’été 2017. Non loin de la, dès 13 heures, place Edouard-Herriot, les salariés de la compagnie sont, eux, appelés à se rassembler près de l’Assemblée nationale par l’intersyndicale d’Air France (sauf la CGC et la CFDT).
Outre les centaines de salariés d’Air France et d’Aéroports de Paris, des centaines d’autres sont venus de nombreux départements, y compris de province. Sur la place se massent des délégations de nombreuses unions locales et départementales et de syndicats qui ont pris position pour l’annulation du plan menaçant 2 900 emplois et pour la levée des sanctions prononcées à l’égard des cinq salariés, mis à pied sans salaire.
13 h 30 : la place Edouard-Herriot est pleine. Le rassemblement déborde sur la rue de l’Université.
Aux côtés des salariés d’Air France, des délégations d’entreprises du transport : RATP, SNCF, de la métallurgie (Duval), de l’automobile, (Renault), des services publics (APHP, Sécurité sociale, enseignement, Ville de Paris, etc.). Des rassemblements ont également eu lieu en province : Chartres, Bordeaux, Marseille…
Un salarié syndicaliste témoigne : « Je suis délégué FO à Air France, membre du conseil d’administration, secrétaire adjoint de l’union départementale FO du Val-d’Oise. La principale raison de notre présence, ce sont les annonces faites par Air France-KLM, alors que cette année, Air France va dégager des bénéfices faramineux. Ce qui a été présenté, ce sont 2 900 suppressions d’emplois, avec des licenciements secs, et la presse a révélé un plan de la direction d’Air France de 5 000 suppressions d’emplois supplémentaires en 2017, après la présidentielle. On a déjà subi quatre années de gel de salaire. En dix ans, on a perdu 12 000 emplois. Ce gouvernement est en train de criminaliser l’action syndicale : ça a choqué tout le monde à Air France, et bien au-delà. On demande la levée des sanctions. Cueillir les mecs à 6 heures du matin, c’est fort, m’a dit mon beau-frère qui est de la police. Il y a des messages de soutien de toute la France, soutien de toutes les unions départementales de la région parisienne, de la confédération, de la fédération des transports. Il y a des boîtes de partout aujourd’hui. »
Un autre, délégué du syndicat CGT Petroplus à Petit-Couronne (Seine-Maritime) souligne :« On est solidaires des salariés d’Air France. Encore 2 900 suppressions d’emplois, c’est la finance qui est aux commandes. Nous, notre boîte a fermé il y a deux ans et demi. La politique de ce gouvernement (rapport Combrexelle, loi Macron, etc.), c’est tout contre la classe ouvrière et tout pour la finance. »
Puis c’est au tour d’un salarié de Renault Cléon, tourneur technicien, militant syndical CGT dans le même département, de s’indigner : « On est là aussi par rapport aux salariés qu’ils sont allés chercher au petit matin et qui ont été mis en garde à vue. Ça me rappelle étrangement les dix de Billancourt. Je suis un ancien de Billancourt. Je crains qu’on fasse un exemple avec les cinq de la CGT. La stratégie de Renault, c’est pareil, et derrière, il y a toujours une politique de casse de l’emploi : couper la tête de certains, puis les plans de licenciements. Le gouvernement veut dépoussiérer le Code du travail, remettre en cause les prud’hommes. Chaque patron ferait “son Code du travail dans son entreprise”, si demain il n’y avait plus de syndicats, plus de protection avec le Code du travail. Ce serait alors la porte ouverte pour permettre aux patrons de licencier plus facilement, comme à Air France. »
Un militant CGT de Duval, dans le Puy de-Dôme, dont l’entreprise est sous-traitante d’Airbus, explique : « Dans la métallurgie, les mêmes causes produisent les mêmes effets qu’à Air France. On est passé, en 2003, par un plan social, et on risque d’y repasser. On ne peut pas accepter les licenciements. Chez nous, la direction pousse aux départs volontaires. Si on reste chacun dans nos boîtes, on ne va jamais s’en sortir. Il faut la solidarité. Il faut sortir des boîtes, agir ensemble. Le gouvernement et le Medef veulent remettre en cause le Code du travail, ils veulent faire tout ça pour favoriser les licenciements. Ils disent que c’est pour créer des emplois, mais c’est totalement illogique. Un enfant de 5 ans peut comprendre ça ! Ils se foutent de nous. Il va falloir qu’on soit encore plus nombreux pour les faire reculer. »
La conclusion revient à un cheminot CGT des services centraux de Paris-Nord : « Comme beaucoup, je suis ici car la solidarité, ça existe. Nous sommes aux côtés des salariés d’Air France pour l’arrêt des licenciements et la levée immédiate des sanctions. Nous vivons la même chose chez nous. Il y a des suppressions de postes de titulaires, et la direction les remplace par des cheminots qui ne sont plus sous statut, des contractuels. C’est l’application de la réforme ferroviaire, et la direction fait massivement appel à la sous-traitance et à la filialisation. »
Interview
« Si Air France tombe, nous aussi »
Hernani Vieira, délégué FO Aéroports de Paris à Orly
Hernani Vieira, délégué FO Aéroports de Paris à Orly
- Peux-tu expliquer les raisons de ta présence à ce rassemblement ?
- Hernani Vieira : D’abord, si Air France tombe, nous aussi. Le gouvernement Hollande-Valls stigmatise les travailleurs pour une chemise arrachée du DRH d’Air France.Il faut l’unité pour faire face à ce gouvernement. La presse, y compris à l’échelle internationale, s’est déchaînée contre les travailleurs d’Air France. Lorsque les patrons déchaînent la violence contre les travailleurs, là, la presse se tait. Oui, je suis là surtout pour que l’unité se réalise.
- Que penses-tu du rassemblement d’aujourd’hui ? Et comment vois-tu la suite ?
- H. V. : Aujourd’hui, c’est un bon point d’appui. Certes, ce n’est pas ce qu’on aurait voulu, mais c’est une bonne démonstration. Je ne pense pas que tous les dirigeants aient fait ce qu’il fallait pour mobiliser nationalement pour la levée des poursuites judiciaires et celles de la direction d’Air France contre les salariés et pour faire annuler le plan de 2 900 suppressions d’emploi. On a même vu certains condamner les prétendues « violences » des salariés le 12 octobre. C’est l’indignation ouvrière dans toute la France qui les a fait revenir à une attitude plus correcte. Il manque un liant à tous les mouvements sociaux actuellement. Et une conscience politique. Les partis de droite et de gauche appliquent ce que veut l’Union européenne.
Point de vue
« On est des milliers aujourd’hui, il va falloir aller beaucoup plus loin »
Yazid, délégué FO Roissy, travaille dans l’aéroportuaire :
Yazid, délégué FO Roissy, travaille dans l’aéroportuaire :
« On est directement liés par ce qui se passe à Air France. Je travaille pour une société aéroportuaire. Si Air France supprime des milliers d’emplois, on va en subir les conséquences. Mes collègues de travail, les syndicats de la plate-forme, pensent comme nous. On est des milliers aujourd’hui, il va falloir aller beaucoup plus loin. C’est sûr qu’un appel clair des confédérations à la mobilisation nationale aiderait pour qu’on soit beaucoup plus nombreux la prochaine fois. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire